LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

M. Yacouba Touré, président du PEDB : "Nous sommes porteurs d’un autre mode de développement"

Publié le samedi 25 juin 2005 à 10h17min

PARTAGER :                          

Le Parti écologiste pour le Développement du Burkina (PEDB) battra la campagne pour soutenir éventuellement le président Blaise Compaoré, candidat à l’élection présidentielle de 2005. Le président de ce parti, M. Yacouba Touré que nous avons rencontré se prononce sur les ambitions du PEDB.

Il déplore surtout les scissions des partis écologistes. Selon le président du PEDB, "Les partis de la mouvance présidentielle ne sont pas des partis satellites du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)".

L’Hebdomadaire du Burkina (HB) : Monsieur le président, situez-nous le contexte de création du PEDB. Et comment évolue-t-il après deux ans de création ?

M. Yacouba Touré, président du PEDB

M. Yacouba Touré (Y.T) : Le contexte de création du Parti Ecologiste pour le Développement du Burkina (PEDB) est en partie lié aux conséquences de la difficile transition au niveau des Verts du Burkina, suite à la démission inattendue de son président d’alors au lendemain des législatives de 2002. Au sortir de ces élections, la surprise fut grande pour les membres du bureau politique et des militants de recevoir une lettre de démission de l’intéressé. II vous souviendra que la presse en avait reçu copie. Cet acte dont on ne semblait pas avoir mesuré toute la portée, avait suscité beaucoup de réactions globalement négatives, mêlées d’incompréhension, de frustrations et d’abandons. Il n’ y avait pas péril en la demeure, ni crise au point d’arriver à cette extrémité, car une démission d’un président de parti, notamment dans un tel contexte, devait être motivée par des raisons autrement plus sérieuses et graves que la seule volonté d’alternance et le souci de se consacrer dorénavant à l’humanitaire. C’est du moins officiellement les arguments avancés. Vous conviendrez avec moi que quand un parti sort d’une élection aussi importante avec les résultats mitigés obtenus, et qu’on est le seul responsable élu du parti en tant que coordonnateur national inscrit sur la liste nationale au sein d’une coalition de six (6) partis politiques, même si on veut démissionner, il aurait fallu y mettre les formes statutaires requises, autrement dit, attendre le prochain congrès ou convoquer un congrès extraordinaire s’il le fallait. Un bilan de la vie du parti et de la campagne législative aurait été fait à cette occasion aux fins d’en tirer des enseignements utiles à l’issue duquel une nouvelle direction légitimée pour conduire le parti aurait été mise en place. Rien de cela n’a été fait et cela a été très frustrant, voire méprisant tant à l’égard du parti que des militants et sympathisants, quand après être parti de la sorte, aux motifs de permettre l’alternance, l’opinion publique apprend que le même responsable a créé une nouvelle formation politique se réclamant de la même option politique qu’antérieurement.

Voici le contexte résumé et sur lequel je ne souhaite pas m’étaler davantage. C’est maintenant du passé. Cette expérience bien que douloureuse, enrichit le présent et l’avenir vers lesquels je me suis depuis tourné. Comme j’ ai déjà eu l’occasion de le dire à un de vos confrères, même si le rétroviseur est utile comme repère, je préfère regarder droit et rechercher les conditions idoines avec toutes celles et ceux qui partagent les mêmes convictions écologistes novatrices et humanistes pour l’avènement d’une société solidaire, de progrès, basée sur un équilibre harmonieux des rapports sociaux, économiques et écologiques.

Tel est donc le contexte qui a abouti à la création, le 15 mars 2003, du PEDB qui vise à répondre à l’attente de nombre de nos concitoyens et ressusciter l’enthousiasme des écologistes et sympathisants face au découragement, à la résignation et à l’abandon des principes et de l’éthique politiques.

Et comment évolue-t-il deux ans après sa création ?

Le 1er Congrès extraordinaire du parti, tenu le 16 avril 2005, nous a permis, à partir du bilan des activités menées tant sur le plan organisationnel que de la mobilisation et l’implantation des structures, de tirer des sentiments d’optimisme.

Les résultats sont positifs et très encourageants, comme en témoignent les nombreuses adhésions enregistrées. Aussi, a-t-il fallu procéder à un élargissement de la direction politique pour l’adapter à cette importante évolution constatée sur le terrain. C’est ainsi que le nouveau Bureau politique national est passé de vingt-neuf (29) à cinquante et un (51) membres avec une forte percée des femmes qui représentent près du tiers(1/3) de l’équipe. Il importe de souligner que le poste de Secrétaire général du parti est tenu par une femme. J’estime que l’on ne peut parler de politique de développement durable des rapports socioéconomiques et écologiques en laissant à quai la femme.

En créant le PEDB en mars 2003, quelles étaient vos motivations réelles et vos ambitions poursuivies ?

Celles-ci apparaissent clairement dans le Manifeste du parti. Il s’agit pour les camarades et moi d’œuvrer pour l’avènement d’une société écologique faite de solidarité, d’humanisme, de progrès, de bien-être social, de refus de la misère, de l’exclusion et des violences de toutes sortes. Ces valeurs mettent au centre de nos préoccupations le combat pour une nouvelle vision de l’homme. Nous restons convaincus que le combat pour l’écologie, loin d’être un rêve fumeux, est à la fois l’aboutissement et la chance nouvelle du développement de l’humanité.

Parlez-nous de l’état d’implantation de votre parti sur le territoire national ?

Le parti est présent dans les 13 régions Il a, à la date d’aujourd’hui, des structures dans 35 provinces (33 au moment du congrès en avril) sans compter les départements et villages. C’est dire l’engouement et l’espoir que le parti suscite au niveau de la population. Nous menons toutes ces activités dans la discrétion, l’humilité en étant à l’écoute des préoccupations essentielles des citoyens avec toujours la ferme conviction que nous sommes porteurs d’un autre mode de développement, d’autres rapports entre l’humanité et son environnement, d’autre rapport entre l’humanité elle-même, et au total, porteurs d’une autre société.

Une des conclusions majeures du premier congrès du PEDB tenu le 16 avril 2005, a été votre soutien à la candidature de Blaise Compaoré à l’élection présidentielle de 2005. Comment justifiez-vous ce choix ?

Le soutien du parti à la candidature de M. Blaise Compaoré trouve sa justification dans l’ analyse faite lors du 1er congrès extraordinaire, convient-il de rappeler, du contexte national et international et des actions réalisées au cours de ses précédents mandats. Cette analyse consciente et responsable privilégie l’intérêt supérieur de la nation.

Le développement d’une nation repose fondamentalement sur la stabilité et la paix sociale. L’expérience vécue près de nous, notamment en Côte d’Ivoire, montre à quel point la stabilité politique est nécessaire pour la survie des institutions et sans laquelle le désordre, l’anarchie emporteraient la démocratie, le progrès social et économique. Aussi, la continuité dans la stabilité, la paix et le progrès constituent-ils les bases d’un développement durable.

Dans le domaine de l’écologie, l’adoption et la mise en œuvre de politiques et d’instruments en faveur de la protection et de la sauvegarde de l’environnement : la politique forestière nationale, le code de l’environnement, le code forestier, le plan national de lutte contre la désertification, la loi d’orientation sur l’eau, le plan pour l’environnement et le développement durable, la stratégie de développement rural et tout récemment, le dépôt des instruments d’adhésion au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques et la mesure relative à l’utilisation de l’essence sans plomb pour ne citer que ces exemples, sont autant d’actes qui rencontrent les aspirations de notre parti.

Ce sont entre autres les raisons de l’appel du parti, sous la forme d’une recommandation du congrès, à la candidature de M. Blaise Compaoré pour le scrutin présidentiel de 2005, comme le candidat de l’ Alliance pour la mouvance présidentielle dont notre parti est un des membres fondateurs. Ce faisant, le parti reste constant et cohérent par rapport à son interprétation de l’article 37 de la Constitution et sa prise de position subséquente, parue dans la presse en février 2004.

Le Rassemblement des Ecologistes du Burkina (REDB) a investi officiellement Ram Ouédraogo à l’élection présidentielle de 2005. La solidarité des autres partis écologistes autour de lui tarde à venir. Votre opinion ?

Je ne peux vous donner que la position du PEDB définie lors de son 1er congrès extraordinaire d’avril dernier, relative à l’élection présidentielle de 2005, et c’est ce qui vous a été exposé ci-dessus. Notre parti n’a pas été saisi de l’investiture d’un candidat écologiste à ce scrutin.

Mais qu’est-ce qui entrave l’unité des partis écologistes étant donné que vous défendez apparemment les mêmes causes ?

Si comme vous le dites, l’unité des partis écologistes est entravée alors qu’ils défendent apparemment les mêmes causes, peut-être faudrait- il rechercher les raisons dans la vision des uns et des autres de l’écologie politique, les actes posés et leur crédibilité. C’est vrai qu’une telle situation est déplorable, mais ne nous voilons pas la face et devant ce constat, essayons de positiver les choses. Qu’aujourd’hui, il y ait 3 ou 4 partis écologistes, nous ne devons pas nous gêner car personne n’a le monopole de la défense de cette idéologie. Cela peut être quelque part une bonne chose puisque chacun sera obligé de se battre pour prouver qu’il est le parti qui défend le plus notre cause commune et dans cette combativité, c’est l’écologie et donc le peuple burkinabè qui gagnent. Et puis en politique, il ne faut jamais dire jamais, autrement dit, il n’est pas exclu que tous ces partis se retrouvent un jour.

Monsieur le Président, quel doit être le projet de société d’un parti authentiquement écologiste dans un pays sahélien comme le Burkina Faso ?

J’y ai déjà fait allusion en réponse à votre question ci-dessus sur les motivations et les ambitions poursuivies. Il transparaît la vision d’une société basée sur un mode de développement qui crée non seulement des richesses et préserve l’environnement, mais assure une juste distribution de celles-ci en veillant à ce que les coûts et les avantages du développement soient répartis de façon plus équitable entre la génération actuelle (les nantis et les pauvres) et les générations futures. Dans un pays sahélien comme le Burkina Faso, l’accent doit être mis sur le lien inextricable entre développement socio-économique et préservation de la nature. L’avancée inexorable de la désertification et ses effets qui privent nos populations laborieuses de leur potentiel de travail et précarisent leur existence, les sécheresses récurrentes, la faible pluviométrie, les famines et les guerres, les menaces en matière de pollutions, d’hygiène, les maladies. . . interpellent nos consciences sur nos responsabilités individuelles et collectives et nous amènent à poser la question fondamentale suivante : dans quel monde voulons-nous vivre et laisser à nos enfants ?

Aujourd’hui, un tel projet de société alliant les besoins sociaux, économiques et écologiques est de plus en plus incontournable dans l’élaboration de toutes les politiques de développement et devient la vision dominante du monde de ce nouveau millénaire. On se convainc de plus en plus dans tous les pays de la planète que l’éveil à la conscience écologique et l’affirmation d’une écologie humaniste ouvrent les meilleures perspectives de réussite de l’humanité dans les prochaines décennies.

On peut penser qu’au Burkina, les divergences po1itiques tournent autant autour des querelles de personne que de ligne. Votre point de vue ?

Je dois objectivement vous concéder ce constat quand bien même ce n’est pas toujours le cas, et qui malheureusement contribue à discréditer la classe politique. Cette observation interpelle les acteurs politiques.

D’ores et déjà comment s’organise concrètement votre campagne pour soutenir votre candidat Blaise Compaoré ?

A la date d’aujourd’hui que je sache, il n’est pas candidat. Aussi, pourrions- nous revenir sur la question ultérieurement. Mais sachez d’ores et déjà que notre parti, à l’instar de tous les partis membres de l’Alliance pour la mouvance présidentielle, s’impliquera pleinement pour contribuer à assurer la victoire dès le 1er tour, du candidat que nous, partis et formations politiques membres de cette Alliance, aurons investi.

Et l’élection municipale de 2006, comment le PEDB la prépare ?

On dit couramment que qui veut voyager loin ménage sa monture. C’est ce que nous faisons. Toutes les élections sont importantes pour nous et nous les préparons conséquemment.

II y a plusieurs partis politiques qui se réclament de la mouvance présidentielle. Arrivez-vous à percevoir la différence entre être militant du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et être partisan d’un parti satellite de ce dernier ?

Je voudrais rectifier votre perception des relations entre le CDP et les autres partis de la mouvance présidentielle que vous qualifiez de satellites. Ce n’est pas exact. C’est même manquer de respect pour toutes les personnes qui animent et militent dans ces partis avec leurs convictions politiques, leurs espérances et projets pour le développement de notre pays. C’est vrai que le CDP est un grand parti, mais les autres aussi tiennent la place qui est la leur. C’est à cause de cette volonté de travailler en partenariat sur des bases de considération et de respect mutuels que l’ensemble des partis et formations politiques de la mouvance présidentielle ont signé, le 20 avril 2005, une Convention visant à codifier et consolider les rapports entre eux dans un esprit de bonne collaboration et de solidarité.

En perspective, qu’envisage faire le PEDB pour imposer ses marques dans le paysage politique burkinabè et plus particulièrement dans la protection de l’environnement du Burkina Faso ?

Vous pouvez faire le constat qu’en deux ans d’existence, le PEDB s’impose chaque jour davantage dans le paysage politique national et au-delà, en témoignent les relations avec d’autres partis écologistes dans le monde. Par le travail quotidien sur le terrain, l’éveil des consciences par l’information, la sensibilisation, l’éducation, la formation et les actions concrètes de toutes natures entrant dans le cadre de la protection, la régénération de l’environnement et l’assainissement du cadre de vie, le PEDB suscite l’enthousiasme et l’espoir pour la nation de retrouver la joie de vivre, la santé, le génie créatif pour assurer son développement. Nos récentes manifestations entrant dans le cadre de la commémoration de la Journée mondiale de l’environnement d’une part, et de la journée internationale de lutte contre la désertification d’autre part, ont eu un écho retentissant et un grand engouement.

A cette occasion, le parti mène des opérations d’assainissement, de plantations d’arbres, organise des conférences-débats et autres animations et activités de sensibilisation et de promotion de la nature et du cadre de vie. Par ailleurs, le parti est de plus en plus sollicité par des associations de la société civile œuvrant souvent dans le domaine de l’écologie pour des appuis multiformes. En résumé, c’est par la force et la pertinence des propositions faites par le parti et les activités concrètes qu’il réalise, la plupart sans tambour ni trompette, que le PEDB impose ses marques et suscite respect et considération.

Interview réalisée par Théodore ZOUNGRANA
L’hebdo

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique