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Débat préélectoral : Louis Nama, prophète du catholicisme ou des radicaux de l’opposition ?

Publié le samedi 25 juin 2005 à 09h55min

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En cette période d’avant-élection et qui plus est une échéance aussi importante que la présidentielle, il est normal que chacun fourbisse des armes. La compétition toutefois prend une tournure désolante avec ses citoyens prenant la plume pour exprimer à tout-va leur point de vue.

Au lieu donc qu’on ait à entendre ceux qui aspirent à diriger, ils se camouflent derrière des individus pour asséner des coups bas. L’écrit d’un fidèle catholique, Louis Nama pour ne pas le nommer a de quoi soulever mille interrogations sur le devenir de notre démocratie.

Oui si cet écrit est vraiment l’œuvre d’un fidèle catholique, sa charge au vitriol contre les musulmans et les protestants, avant de traîner dans la boue la communauté catholique est d’une intolérance indigne d’un croyant.

Mais pire, il véhicule une aigreur et une acrimonie faisant peser un gros doute sur la foi et la bonne foi de cet homme qui se veut de bien et qui pense ainsi donner son sentiment. L’incompréhension bien soulevée par cette invective concerne le fait qu’il veuille d’une chose et son contraire. Autant, il exige des hommes de bien d’afficher une position de neutralité, autant, on comprend mal qu’il exige de l’église de faire un procès du régime avant "d’engager les compétitions".

Voilà donc une bien curieuse manière de faire de la politique sous couvert car la neutralité qu’il appelle avec argumentations cadre mal avec le fait de vouloir que l’église s’aligne sur la prise de position "d’honnêtes et courageux hommes" comme l’éminent juriste, le professeur Luc Marius Ibriga.

En outre, l’église ne sera elle-même qu’à la seule condition de chausser les paires malheureusement trop grandes pour elle, du désormais célébrissime Ibriga ?

A quel saint se vouer ?

L’opposition doit être si désemparée qu’elle en vient à se cacher derrière un catholique bon teint pour affirmer sans rire que l’église sera "responsable du malheur des Burkinabè si elle n’a pas la franchise de dire à monsieur Compaoré de ne pas se présenter".

Faut-il en rire ou plutôt mesurer toute la gravité de cette phrase qui veut dire au sens propre comme au sens figuré que les opposants sont prêts à mettre le Burkina Faso à feu et à sang, s’ils ne délogent pas le CDP du pouvoir.

L’homme politique doit savoir enfin que vouloir se porter au devant des affaires exige plus qu’il ne semble le comprendre. Pis encore lorsqu’il faut sortir un pays pauvre de sa situation. Le type d’analyse qui est le leur, cette facilité à confondre changer le destin des hommes d’avec remplir à coups d’injures vulgaires d’anathèmes les pages d’un journal, traduit son incapacité et partant sa disqualification.

Avec plus d’une douzaine de Burkinabè qui disent être capables d’être le berger, naïvement certains ont dû sans doute penser que le débat allait prendre, ne serait-ce qu’un peu de hauteur. Qu’en prélude à cette élection présidentielle, les candidats oseraient se dévoiler, même au travers de leurs lieutenants. Des questions de fond peuvent être soulevées, ce n’est pas ce qui manque et en rapport avec les préoccupations exprimés par cette même opposition, mais hélas sous la formule d’un catalogue de constats fades. En choisissant de rendre ce semblant de débat encore plus ras que terre, en y invitant inopportunément les religions, on se désole désormais pour toujours de la pauvreté d’esprit de nos politiques.

Rien ne change

En remontant aussi loin que les premiers balbutiements de la gestation d’une constitution, le paysage politique du Faso n’a pas varié d’un iota. Mis à part la multiplication ridicule des partis, le discours lui reste marqué par une tare congénitale. Le multipartisme est né avec la lutte des coups honteux que par presse interposée et signatures d’emprunt se sont livrées la CFD et l’ARDC. Si des amateurs des discours de caniveaux existent encore, qu’ils s’en réfèrent aux quotidiens du début des années 90, ils auront largement de quoi se délecter... Spécialistes des tracts orduriers et de la dénonciation calomnieuse nos hommes politiques sont seuls premiers responsables de la misère morale et matérielle de notre peuple. En référence seulement de nos valeurs traditionnelles, il n’est pas possible de mettre aussi bas, nos dirigeants, nos hommes de Dieu, nos tenants de la chefferie traditionnelle et espérer sortir de la mélasse. Cela n’a peut-être rien de cartésien, mais comment croire que le négationnisme, la dépréciation systématique et récurrente de l’autre peut engendrer le progrès ?

Même avec la plus grande volonté du monde, on peine à saisir l’essence d’une telle haine viscérale faisant perdre le plus élémentaire bon sens ou cette grandeur d’âme, qui fait qu’un homme arrive à fédérer. L’alternance ne saurait se bâtir sur la diabolisation parce qu’on ne peut qu’assimiler cette méchanceté à la réalité profonde de celui qui la porte. Après tout, si ce que dit l’opposition du pouvoir et de son éventuel candidat était la vérité, elle ne doit pas se faire autant de soucis quant à sa victoire. Avec ou sans l’église, les musulmans et les protestants, elle aura ce pour quoi, elle se plaît à longueur de pages de quotidiens à distiller autant de venin. Simplement, pour le bonheur du peuple burkinabè, il va falloir faire beaucoup plus et mieux. Les injures seules, la méchanceté gratuite, les écrits incendiaires ne suffiront pas.

On attend d’elle qu’elle propose et dise la science infuse qu’elle entend administrer. En tout cas avec la multitude de candidats, on a malgré cette dérive dangereuse, la faiblesse d’espérer que sortent du cerveau de ceux qui veulent la tête de vrais projets de société fédérateurs et réalistes. Et là, on a la force de croire que la génération actuelle n’en a ni la capacité ni le potentiel.

Souleymane KONE
L’HEbdo

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