LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Kadiatou Yonli, présidente de la Fondation nature et vie : "Planet’Ere 3 ne sera pas un forum costume-cravate"

Publié le lundi 4 juillet 2005 à 22h03min

PARTAGER :                          

"Nous attendons plus de 1500 participants francophones, anglophones, et lisophones au forum Planet’Ere 3". Le Burkina accueille du 18 au 26 juillet 2005, le forum Planet’ere3. A moins d’un mois de cette vitrine de l’éducation environnementale, Sidwaya Plus a reçu des questions environnementales.

Epouse du Premier ministre burkinabè,Mme Kadiatou Yonli présidente de la Fondation Nature & Vie, créée en 2003, tente chaque jour à sa manière d’inculquer aux Burkinabè l’amour et la protection du Cadre de vie. Dans cet entretien, elle évoque les enjeux, les attentes du forum Planet’ère3. Que fait la Fondation nature & vie pour promouvoir un environnement sain au Burkina ? Pourquoi et comment l’écocitoyenneté, l’éducation environnementale doivent être une pratique de tous les jours chez le burkinabè qu’il soit d’en bas ou d’en haut ? La réponse avec Kadiatou Yonli ...

Sidwaya Plus (S.P.) : En quoi va consister le forum Planet’ère3 prévu du 18 au 26 juillet prochain au Burkina ?

Kadiatou Yonli (K.Y.) : Planet’Ere est une ONG francophone des acteurs de l’éducation environnementale. Le premier forum, Planet’ère a été organisé par des syndicats canadiens en 1997. Dans leur élan de continuer Planet’ère, ils ont décidé de l’étendre aux autres pays. Ainsi, la délégation française présente au Canada a pris le relais et a organisé 4 ans plus tard le 2e forum de Paris (2001).

A cette rencontre, il a été décidé la mise en place des coordonnateurs de Planet’ère dans chaque pays. Ceux-ci étant chargés de pérenniser l’action de Planet’ère dans leur pays respectif. Les participants avaient également manifester leur souhait de voir le continent africain abriter le 3e forum de Planet’ère.

S.P. : Qu’est-ce qui a motivé la Fondation Nature & Vie a postulé pour l’organisation de forum Planet’Eère ?

K.Y. : Nous avons décidé de poser la candidature du Burkina, parce qu’étant un pays pauvre, nous avons le devoir de protéger l’environnement. Les états pauvres sont ceux qui agressent le plus la nature dans la recherche de la pitance quotidienne. Regardez les paysannes, après le désherbage, elles ramènent du bois, des racines pour se soigner à la maison. Ou encore prenez l’exemple du paysan qui abat le karité rien que pour avoir du charbon. Donc le lien entre la pauvreté et les problèmes environnementaux n’est plus à démontrer. Voilà pourquoi, la Fondation nature & vie, à travers la tenue d’une telle rencontre, veut montrer aux partenaires du monde ce que fait le Burkina en matière d’éducation environnementale.

La rencontre sera d’autant plus une opportunité pour les participants de proposer à l’union des pistes de solutions en vue de briser le lien tacite entre problèmes environnementaux et la pauvreté.

S.P : Quels sont les critères qui ont milité en faveur du Burkina Faso ?

K.Y : La Fondation nature & vie a des acteurs implantés dans les 45 provinces du Burkina qui travaillent efficacement dans l’ombre. Nous avons installés des clubs nature et de vie depuis la maternelle jusqu’a l’université. Les pionniers de Planet’Ere étaient à la recherche d’un pays capable d’avoir un réseau dense d’acteurs impliqués dans la préservation du milieu naturel. L’autre critère tenait compte de la prise de conscience des autorités gouvernementales du pays organisateur sur les questions environnementales.

Car, Planet’Ere requiert la participation de plus de 1 500 acteurs issus d’une quarantaine de pays.

Au Burkina, le 1er des Engagements du chef de l’Etat est relatif à l’environnement. Voilà autant de facteurs qui ont milité en faveur de l’acceptation de la candidature du Burkina Faso pour la tenue du forum Planet’ere3.

Donc, nous avions derrière nous un Etat fort engagé pour soutenir l’éducation environnementale. L’Etat burkinabè nous accompagne au regard de la grande attention dont nous avons et continuons d’être l’objet. C’est pourquoi, nous œuvrons à ce que les conclusions du Forum soient effectivement appliquées pour éviter qu’elles dorment dans les tiroirs. Nous souhaitons que ce Forum amorce le déclic pour l’introduction de modules scolaires sur l’éducation environnementale dans les lycées et collèges et les écoles primaires du Burkina. C’est dans ce sens que la Fondation nature & vie a installé des clubs depuis la maternelle jusqu’à l’Université pour promouvoir et protéger l’environnement.

S.P. : Comment se dérouleront les travaux du forum ?

K.Y. : Le forum Planet’ère se déroulera en deux (2) phases : Dès l’ouverture du forum, tous les participants iront sur 14 sites.

Nous avons recensé les acteurs de l’éducation environnementale sur toute l’étendue du territoire nationale. Nous avons découvert des choses magnifiques, réalisées uniquement avec des plants qui se sont l’œuvre de groupements féminins (fourrage, engrais organiques...). Ce travail de fourmi permettra de montrer au monde entier ces expériences cachées des burkinabè en matière d’éducation environnementale.

Au terme de ces visites, nous verrons ensemble ce qu’il faut pour apporter un plus à l’expérience des acteurs en vue de corriger leurs lacunes. Autant les participants apprendront nos modes traditionnelles de gestion de l’environnement, autant nous apprendrons d’eux aussi. L’existence "forêts sacrées", est une des manière propre à nous de gérer l’environnement.

Au termes des partages d’expériences, des stratégies francophones pays seront dégagées pour mieux promouvoir l’éducation environnementale.

S.P. : Où en êtes-vous avec l’organisation du forum ? Est-ce que tout sera fin prêt le jour j ?

K.Y. : Nous continuons d’enregistrer des participations. L’organisation du forum Planet’ère3 nécessite de gros moyens. Ce ne sera pas un forum costume, cravate.

D’ailleurs, les acteurs de l’environnement ont toujours été les plus simples. Nous avons la chance d’être accompagnées par l’Etat qui met à la disposition des participants des infrastructures appropriées. Toute chose qui nous aide à mieux réussir la tenue du forum. Financièrement, je puis dire que tout n’est pas fin prêt, mais ce n’est pas cela qui va tenir la réussite organisationnelle du forum. Les participants attendent d’être logés dans des centres communautaires ou dans le cadre du "Djatiguiya" comme au Mali.

S.P. : Y aurait-il un volet consacré à la femme au cours du forum Planet’ère3 ?

K.Y. : Nous ne voulons pas détacher les femmes du lot. Même si en matière d’éducation environnementale, existe des domaines propres aux femmes. Il est évident qu’au cours des travaux, ces spécificité apparaîtront. Le femmes en Afrique sont les premières garantes de la gestion de l’environnement quand bien même, elles ne sont pas propriétaires terriens.

S.P. : Qu’est-ce qui justifie le choix du thème de la rencontre : "enjeux, rencontre, mécanismes et stratégies d’éducation à l’environnement (2005-2014) pour un monde responsable, équitable et écocitoyen" ?

K.Y. : Il faut une coordination des actions de toutes les structures qui travaillent en matière d’éducation environnementale. Le forum de la capitale Burkinabè doit établir un modèle de partenariat entre les autorités publiques et les acteurs de la société civile. En plus, 2005 est l’année ou débute le décennie de l’éducation environnementale pour un développement durable.

Au sommet de la francophonie de novembre 2004, les chefs d’Etats se sont engagés à inclure l’éducation environnementale comme priorité dans leurs programmes politiques. Donc, nous avons déjà des bases qu’il nous suffira d’entériner.

S.P. : Concrètement, que peut attendre les Burkinabè qu’ils soient d’en haut ou d’en bas du forum Planet’Ere3 ?

K.Y. : Beaucoup. C’est un forum de donner et recevoir. Nous œuvrons un espace de partenariat, d’autant plus que les participants sont issus des milieux divers. Voilà pourquoi, nous demandons à tous les acteurs locaux de l’éducation environnementale de se faire recenser à la fondation nature & vie, si cela n’est pas encore une réalité...Cela leur permettra de se faire connaître et de prendre une part active au réseau des acteurs de l’éducation environnementale que nous entendons créer. Nous avons initié aussi la foire aux projet qui est une tribune pour les acteurs de l’éducation environnementale de soumettre leurs préoccupation aux partenaires extérieurs et nationaux pour. Des opportunités de financement sont là et il faut les saisir. La meilleure façon de préserver l’environnement passe nécessaire par l’éducation des citoyens et citoyennes de ce pays à la base.

S.P. : Ecocitoyenneté, éducation environnementale. ne croyez-vous pas que ce sont des terminologies pour attirer dans "ses filets" les bailleurs de fonds ou à contrario que faut-il pour que ces notions soient une réalité chez le citoyen lambda ?

K.Y. : Pas du tout. Ces termes, il est vrai, sont à la mode en ce moment. Mais c’est une nouvelle prise de conscience sur les problèmes environnementaux.

N’importe qui, après avoir utilisé un sachet d’eau, le jeté à tort et à travers sans se soucier du milieu naturel. Nous devons apprendre aux burkinabè de toutes les catégories sociales que l’espace dans lequel ils vivent, ne leur appartient pas et qu’ils ont le devoir de le protéger pour la postérité. C’est là tout le sens du combat que mène la fondation depuis sa création.

Nous avons dans cette perpective créé une troupe théâtrale de sensibilisation de proximité.

Nous voulons expliquer aux populations burkinabè ce qu’elles doivent faire pour gérer leur environnement. Car la dégradation, du cadre de vie, loin d’être une question de snobisme, relève plutôt de la survie et de l’avenir de la planète. Sans un environnement sain, les populations encourent des dangers énormes.

La fondation travaille avec des moyens modeste mais de façon efficace à la protection de l’environnement. Notre stratégie : responsabiliser les citoyens où qu’ils soient à gérer leur cadre de vie, dans un esprit de partage mutuel d’expériences.

S.P. : En tant que secrétaire de direction de formation, qu’est-ce qui vous a motivé a créer une fondation pour défendre la nature de "ses agresseurs" ?

K.Y. : En créant la Fondation Nature & vie, nous n’avions qu’une idée derrière la tête : faire quelques chose qui puisse être bénéfique pour tous les burkinabè d’où qu’ils soient. Sans être un cultivateur, j’avoue être plus à l’aise sur les questions environnementales. Le rapport 2002 du burkinabè sur l’environnement fait ressortir que ce sont les pressions anthropiques qui dégradent le plus le cadre de vie. La Fondation Nature & Vie est le fruit de mon amour pour la nature.

S.P. : Etes-vous végétarienne au regard de votre amour pour la nature ?

K.Y. : Non ! Pas du tout (grands rires)

S.P. : La Fondation Nature & Vie travaille-t-elle en collaboration avec les partis écologiques du Burkina ?

K.Y. : Non ! Mais, nous avons été approchés par les verts qui désirent participer au Forum Planet’ère3. Notre souhait est de voir tous les acteurs de l’éducation environnementale prendre part au Forum. En participant à la rencontre, les partis écologiques pourront exprimer ce qu’ils peuvent faire en matière d’éducation environnementale, de même que leurs préoccupations, leurs attentes de façon à ce qu’ils soient prises en compte. De cette façon, nous pourrions travailler de concert, main dans la main tout en garantissant à chacun son indépendance et sa spécificité pour une complémentaire d’action en matière de protection de la nature.

Ceci dit, nous ne travaillons pas directement avec les partis politiques se réclamant de l’idéal écologiques.

S.P. : Que fait la Fondation Nature & Vie pour promouvoir l’écocitoyenneté, l’éducation environnementale au Burkina ?

K.Y. : Nous avons ouvert un centre éco-touristique à Sabtenga (15 km au Nord de la capitale) sur 174 hectares. Par, ce centre nous entendons promouvoir et protéger les espaces végétales.

On y retrouve des espèces presqu’en voie de disparition. Nous envisageons subdiviser cet espace en quatre lots : Plantes médicinales ornementales, fruitières et un espace en défens.

Un musée environnemental y verra également le jour où l’on pourra exposer les espèces animales. Nous travaillons à la création du village écologique (15 hectares) à Tougan. Nous construisons ce village sans bois pour montrer aux paysans que l’on peut édifier une maison sans recourir au bois. Nous apportons une technologie quoiqu’un peu chère pour le citoyen lambda. Nous plaidons d’ailleurs en faveur d’une baisse des coûts pour permettre d’adoption par tous de cette nouvelle technique qui nous en sommes convaincue, contribuera à préserver le couvert végétal. Nous mettons en place avec la collaboration du CREPA, l’assainissement écologique.

S.P. : Etes-vous une activiste politique ou plutôt agissez-vous dans l’ombre ?

K.Y. : Activiste politique ? certainement pas, autrement vous le saurai. Il est évident que j’ai toujours soutenue mon époux dans ses activités politiques. Mon mari est CDP, je le suis de facto. Nous menons des activités de sensibilisation politiques qui n’ont rien à voir avec celles de la Fondation Nature & Vie. Toute épouse de premier ministre a le devoir d’accompagner son conjoint dans la gestion des affaires dont il a la charge.

S.P. : Croyez -vous, Madame Yonli, que les femmes en politiques au Faso occupent-elles leurs fonctions parce qu’elles ont les compétences, les capacités requises ou plutôt servent-elles de faire valoir pour embellir le décor politique ?

K.Y. : Les femmes qui sont politiquement engagés, travaillent parfois mieux que leurs collègues hommes. Aujourd’hui, quoiqu’on dise, les femmes font les élections. Elles sont les plus nombreuses à sortir pour voter. Les femmes leaders en politique au Burkina sont de véritables combattantes.

S.P. : Or derrière, la majorité "silencieuse" refuse de s’engager politiquement ou lorsqu’elle le fait c’est sous la remorque du conjoint. Que faut-il faire pour que les femmes acceptent sortir de leur torpeur pour être plus agressives sur le terrain politique ?

K.Y. : Je ne suis pas de votre avis. Qui travaille dans l’ombre et refuse de s’engager politiquement ?

S.P. : Avez-vous une idole, un modèle de femme politique, écologique...?

K.Y. : Politique ? Non ! Nous avons été très fière de Mme Wangali du Kenya qui a été sacrée prix Nobel de la paix.

Cette battante est un modèle pour nous. D’ailleurs, nous l’avons invitée au Forum Planet’Ere3. Nous espèrons qu’elle répondra à notre appel au regard de ses multiples occupations.

Entretien réalisé par S. Nadoun COULIBALY
(coulibalynadoun2002@yahoo.fr )
P. Pauline YAMEOGO
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV