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Politique nationale : Faut-il limiter le nombre de partis ?

Publié le vendredi 24 juin 2005 à 07h35min

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Les partis politiques poussent au Burkina comme des
champignons. On en a enregistré 112 à la date du 27 avril 2005,
au ministère de l’Administration territoriale et de la
décentralisation (MATD). Ce chiffre pourrait même être revu à la
hausse si l’on tient compte des coalitions souvent
occasionnelles, donc plus ou moins homogènes, et par
conséquent susceptibles d’éclater du jour au lendemain.

Ainsi,
de nombreux partis politiques se créent, vivotent, stagnent et
finissent par sombrer dans le néant. Ils existent pourtant sur le
registre légal du MATD mais sont complètement en déphasage
avec les missions prescrites par la Constitution aux partis
politiques. En fait, les leaders de ces partis n’ont pour ambition
que de se faire du fric et de se tailler de petits postes juteux
dans les cercles du pouvoir.

Pour réussir le manège, ils
organisent de temps en temps des cérémonies de résurrection,
surtout en période électorale, convaincus que l’aide de l’Etat est
là. Convaincus aussi qu’en telle période, une quelconque
alliance politique peut donner lieu à des appétits voraces. Et ils
veulent en profiter, au maximum.

Certains leaders politiques
sont devenus même des champions du nomadisme. Ils
"papillonnent" d’un parti à un autre, jetant leurs convictions
politiques de départ dans les poubelles de l’oubli. Du moins,
ceux qui en avaient. Car aujourd’hui, de nombreux partis n’ont
pas de projet de société digne de ce nom.

Fort heureusement, tous les partis ne sont pas victimes de ce
désordre politique. Certains s’efforcent, tant bien que mal, de
donner de la sève nourricière au processus démocratique.
N’empêche, cette pléthore de partis souvent sans existence
réelle, enlève au jeu politique son charme. Et creuse, dans bien
des cas, les caisses de l’Etat. C’est en effet l’argent du
contribuable burkinabè qui alimente le budget national. Alors,
faut-il continuer à investir sans résultats probants ? Le hic, c’est
que de nombreux partis politiques, contrairement aux
prescriptions relatives aux subventions de l’Etat, ne prennent
pas la peine de rendre compte à la Cour des comptes de la
manière dont cette subvention a été utilisée.

Les communiqués
de cette institution, rappelant les protagonistes à l’ordre,
semblent n’avoir pas servi à grand-chose. La situation est
d’autant plus cruciale que le système de contrôle lui-même
semble ne pas être à la hauteur des enjeux. L’impunité enfonce
ainsi ses tentacules dans l’univers politique.

Or, tout parti politique devrait être par excellence un maillon
essentiel du processus démocratique. Il doit oeuvrer
inlassablement à l’information et à la formation des citoyens
sans oublier, bien sûr, que tout cela doit concourir à la prise du
pouvoir. Le problème cependant, c’est que les raisons de
l’engagement en politique, diffèrent d’un parti à un autre. Ce qui
n’est pas mauvais en soi, à condition que cela s’inscrive dans la
dynamique des prescriptions constitutionnelles.

Cependant, à y voir de près, il y a dans le microcosme politique
national des ambitions communes, même si les visions
idéologiques ne sont pas toujours les mêmes. Si dans la ligne
de mire de chaque parti, figure le développement du Burkina, il
va de soi que, du fait des réalités nationales, il y ait des points
de convergence.

Alors, pourquoi ne pas envisager de grands
regroupements politiques ? Sur ce point, la plupart des pays
francophones devraient tirer leçon chez les anglophones. Un
coup d’oeil au Zimbabwe, au Kenya et au Nigeria par exemple,
suffit pour s’en convaincre. Dans bien des cas, il y a deux ou
trois grands partis politiques dans lesquels figurent la plupart
des courants idéologiques.

L’exemple des Etats-Unis
d’Amérique et de certains pays occidentaux est assez illustratif.
Les enjeux politiques prennent généralement forme sans être
émiettés. Or, en Afrique francophone, on finit par ne même pas
savoir clairement "qui est qui". Si bien que de nombreux citoyens
se gardent de voter. Et même lorsqu’ils s’y engagent, ce n’est
pas avec la conviction nécessaire à une impulsion du jeu
démocratique. Ainsi, voter se désacralise dans bien des cas et
cela se ressent dans la gestion du pouvoir d’Etat et de façon
plus générale, dans le fonctionnement des institutions de l’Etat.

Par conséquent, les partis politiques doivent revoir leur copie,
de sorte à être réellement utiles aux populations. Il serait
souhaitable aussi que le législateur réfléchisse sur l’impérieuse
nécessité de mettre de la discipline dans ce secteur devenu, à
tort ou à raison, un panier à crabes.

Certes, on pourrait objecter en disant comme un observateur
politique national : "laissez-les créer des partis ; dans tous les
cas, les moins performants finiront par mourir de leur belle
mort". Et d’ajouter que "de toutes façons, le dernier mot revient
aux électeurs". Mais il faudrait bien que le secteur politique soit
mieux organisé pour que les élections puissent se dérouler
dans des conditions dignes de confiance.

Il faudrait aussi que
les partis prennent réellement conscience de leur rôle, avant,
pendant et après les élections, et s’engagent, autant que
possible, à jouer pleinement leur partition. Dans tous les cas, il
y va de la crédibilité du processus démocratique. Justement, à
ce propos, l’ancien président américain, John Kennedy, avait été
clair : "La démocratie n’est jamais une oeuvre achevée ; elle doit
se construire inlassablement au quotidien". Le Burkina Faso
devrait, en toute modestie, en faire son credo.

Le Pays

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