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Partis sankaristes : "Poing levé ? Ça ne suffit pas !"

Publié le jeudi 23 juin 2005 à 07h52min

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Le samedi 18 juin 2005, la Convergence de l’Espoir, à
l’occasion de la commémoration de son premier anniversaire, a
animé à Koudougou une conférence publique sur le thème
"Multipartisme et élection au Burkina". Elle a pris l’allure d’une
séance de formation politique et d’un cours sur l’histoire sur la
Révolution et son leader Thomas Sankara. Le président de la
Convergence de l’Espoir, Jean Hubert Bazié, aborde ici des
questions d’intérêt politique.

"Le Pays" : Le choix du thème est-il en rapport avec les
prochaines élections ?

Hubert Bazié : Nous ne considérons pas que nos activités
s’inscrivent dans une échéance électorale. Nous voudrions que
ce que nous faisons ait une perspective plus large. Si après les
élections, des structures de la Convergence de l’Espoir nous
sollicitaient pour animer un débat, nous le ferions. Nous
inscrivons cette activité dans un cadre normal des activités d’un
parti qui se veut responsable et qui est à l’écoute de ses
militants.

Lors de la conférence, vous avez fait écouter un discours du feu
président Maurice Yaméogo sur la cérémonie d’installation du
premier maire de Koudougou en 1960. Quel sens revêt cet acte
 ?

Effectivement, nous avons fait passer le discours d’installation
de Dénis Yaméogo par Maurice Yaméogo le 27 décembre 1960.
Nous ne sommes pas sectaires. Nous ne sommes pas
cloisonnés. Nous pensons que l’histoire offre à celui qui sait la
lire, des leçons. L’histoire est une source d’inspiration et de
leçons. Et dans son intervention, Maurice Yaméogo a expliqué le
sens des collectivités territoriales.

La nécessité pour les
citoyens d’avoir une gestion de proximité, avec des gens qui se
soucient de leurs problèmes quotidiens et qui s’attachent à les
résoudre autant que possible. Il a expliqué le sens de ses
premières initiatives à propos de la décentralisation. Il a
expliqué les raisons du choix d’un maire. C’est l’explication qu’il
en a donnée, la peinture qu’il a eu à faire du militant Dénis
Yaméogo qui s’est battu pendant la période coloniale, qui a été
obligé d’aller en exil en Côte d’Ivoire. Cette exemplarité peut
inspirer nos militants.

L’histoire, c’est la preuve par le vécu de ce
qu’on peut faire et de ce qu’on ne doit pas faire au regard des
erreurs possibles et des succès enregistrés. Personnellement,
en tant qu’historien de l’information, je suis convaincu qu’il faut
s’inspirer du passé, pour mieux s’enraciner dans le présent et
faire des projections pour le futur.

C’est la raison pour laquelle
sous la Révolution, j’ai eu a interviewer le président Maurice
Yaméogo, le président Sangoulé Lamizana, soit dit en passant,
c’est moi qui l’ai encouragé (Lamizana) à écrire ses mémoires
qui ont été diffusés sous la Révolution à la radio nationale. J’en
ai fait un livre. Tiré à 2000 exemplaires, ce livre était épuisé en
moins d’un mois et demi. C’est une réalité, la parole était
donnée à beaucoup de gens.

Voulez-vous faire par là un parallèle entre la décentralisation
sous Maurice Yaméogo et celle que nous vivons actuellement ?

Non, il n’y a pas de parallèle. Je veux seulement dire qu’il n’y a
pas de génération spontanée. Il y en a qui présentent certaines
idées comme tombées du ciel ou qui se proclament inventeurs
d’idées qui ont été réchauffées ou qui ont été adaptées. Il faut
que chacun soit modeste. Il faut que chacun reconnaisse qu’il
est l’héritier de décennies d’expérience et qu’en toute simplicité
se dise : "J’ai apporté ma contribution à la consolidation
d’initiatives que ceux qui m’ont précédé avaient lancées". Cela
ne diminue en rien la valeur de celui qui ajoute la terre à la terre.

Voulez-vous parler par là du régime actuel par rapport au
Conseil national de la Révolution (CNR) ?

On a beaucoup parlé du CNR, surtout en mal. La racine du
régime que nous vivons aujourd’hui est profondément plongée
dans le CNR. C’est normal que les éléments positifs du CNR
soient éclipsés au profit d’une vision beaucoup plus partisane et
beaucoup plus exclusive de ce que le Front populaire, l’ODP/MT
et le CDP (parti au pouvoir, NDLR) font.

Donc, quand l’occasion
se présente, nous essayons de corriger les choses, de dire un
peu plus que ce que les gens ont entendu, de montrer ce qui a
été oublié. Les gens ont oublié que le CNR, c’est Thomas
Sankara, c’est Blaise Compaoré, c’est Jean-Baptiste Lingani,
c’est Henri Zongo et tous ceux qui sont aujourd’hui à
l’Assemblée nationale, les ex-CDR qui se taisent sur la
Révolution. N’oubliez pas, le prétexte fondamental du coup d’Etat
est que la Révolution était en train de dérailler vers la droite. Il
fallait recentrer la Révolution et aller plus au fond. Ce regard
biaisé sur la Révolution qu’on a rabâché pendant longtemps,
c’est la méconnaissance que les jeunes ont d’une réalité qui a
transformé profondément et radicalement notre société et mérite
quand même d’être prise en compte dans une campagne
d’information, de sensibilisation et d’explication.

Ce qui s’est
passé sous le CNR peut inspirer les gens d’aujourd’hui. Il y en a
qui pensent que la Révolution, c’est le poing levé uniquement,
les insultes. Pas plus tard qu’hier (le dimanche 19 juin, NDLR),
des manifestants d’un parti ont ridiculisé la Révolution,
puisqu’ils se réclamaient de Thomas Sankara. Cette
manifestation inorganisée, non convaincante ne peut
qu’humilier ceux qui sont du courant sankariste. Le succès ne
s’improvise pas. La notoriété ne se mesure pas au décibel
qu’on produit.

Le respect ne se mesure pas à l’agitation fébrile,
inconsidérée de responsables quel que soit leur origine, quel
que soit leur nom et quel que soit leur compte en banque.

Pour la présidentielle du 13 novembre, on assiste à une
multitude de candidatures des partis de l’opposition. Cela est
critiqué par une certaine opinion. Quel est votre point de vue ?

J’ai toujours dit qu’il faut définir l’opposition. Est-ce que c’est
l’opposition des opposants d’un jour ? Est-ce l’opposition des
aigris qui ont quitté la table de dîner de Blaise Compaoré ?

Est-ce l’opposant qui ne peut faire que crier pour attirer
l’attention sur lui afin d’être invité à la table du patron ? Est-ce
que l’opposant, c’est celui qui ne comprend pas le sens profond
d’un choix ?
L’opposition se fait autour d’un projet de société, autour de
grands choix de développement, de promotion sociale.
L’opposition doit s’inscrire dans le temps. Ce n’est pas en un
jour, en un an, même pas en dix ans, qu’on peut programmer la
conquête du pouvoir. Même avec des alliances, il faut être
réfléchi, intelligent, perspicace. Il faut compter avec le peuple,
avec la base, avec ceux qui font votre force.

Mais les pseudos
oppositions qui se nouent et qui se dénouent ne peuvent que
ridiculiser ce qu’on appelle, hélas, l’opposition. Une opposition
sans constance, sans substance, sans dignité, sans intégrité.
Nous appelons à une opposition autre : qui planifie, qui travaille,
qui se bat pour que son projet de société prenne forme, et qui
se sacrifie surtout.

L’opposition est à construire et à reconstruire
avec des gens responsables. Si cette opposition-là prend
forme, vous allez voir que les termes du combat, les termes du
challenge vont changer et cela aussi va agir sur les militants qui
vont être plus logiques, plus mûrs, plus conscients, plus
responsables.

La Convergence de l’Espoir se présentera-t-elle à la
présidentielle du 13 novembre ou supportera-t-elle un candidat
déjà déclaré ?

Si la base du parti estime qu’il faut que nous présentions un
candidat, nous allons voir quelle sera la faisabilité de cette
candidature. Si ce n’est pas le cas, nous allons voir dans la
mouvance sankariste, si nous pouvons trouver un candidat qui
respecte les valeurs du sankarisme.

Et solidairement avec ce
candidat, nous allons lutter pour la présidentielle. Si nous ne
trouvons pas un candidat sankariste, nous verrons s’il y a un
candidat qui peut prendre en compte les soucis des sankaristes
et nous allons passer une alliance avec lui.

Vous n’avez donc pas décidé de soutenir Me Bénéwendé
Sankara qui est sankariste aussi ?

Me Bénéwendé Sankara n’est pas le premier qui a dit qu’il veut
être candidat. Il y a Ernest Nongma Ouédraogo, Norbert Michel
Tiendrébéogo qui ont dit qu’ils seront candidats. Bénéwendé est
dans Alternance 2005 et a dit qu’il appuiera ou Hermann
Yaméogo ou Philippe Ouédraogo s’ils passaient au second
tour. Nous disons que les sankaristes devraient s’appuyer
d’abord. Ce qui veut dire que si Ernest Nongma Ouédraogo ou
Michel Tiendrébéogo était bien positionné au second tour,
l’UNIR/MS de Me Bénéwendé Sankara soutiendrait Hermann
Yaméogo ou Philippe Ouédraogo. Ce qui, avouons-le, est une
position succulente pour ne pas dire ahurissante.

Me Sankara
pense à lui d’abord, à Hermann et à Philippe avant les
sankaristes. C’est difficile pour un membre de la mouvance
sankariste de comprendre cette logique.

On parle aujourd’hui de limiter le nombre de partis politiques.
Etes-vous de cet avis ?

Le pluralisme est inscrit dans notre Constitution mais si les
députés dans leur majorité décidaient de limiter le nombre de
partis, la Convergence de l’Espoir n’aurait pas la force de s’y
opposer. Mais il est nécessaire que les gens s’expriment. Et si
le jeu démocratique se fait de façon transparente, de façon
claire, de façon honnête, la décantation se fera très vite. Il y a
des partis que l’on crée artificiellement.

Ensuite, on les aligne
sur une liste pour dire que tant de partis approuvent tel parti qui,
en réalité, est le géniteur de ces partis, le financier de ces partis,
le protecteur de ces partis. Les partis qui ont un projet de
société distinct, qui sont indépendants, qui ont leur propre
démarche, leurs opinions ne sont pas nombreux.

Dans le
pouvoir, on a fini par formaliser cet aveu en disant qu’il y a des
partis de la mouvance présidentielle qui se regroupent en lots.
Dans ce qui est appelé opposition, chaque fois qu’il y a des
échéances qui approchent, vous voyez certains partis qui se
rassemblent en paquets pour dire qu’ils sont derrière un tel.
Nous, notre position est claire, même si notre parti est jeune.
Les gens peuvent apprécier ce que nous faisons pour dire que
nous sommes un parti relativement indépendant.

Propos recueillis par Noraggo Paul HIRY

Le Pays

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