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CDP : Le congrès de la sacralisation

Publié le mercredi 22 juin 2005 à 08h12min

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Politique : Le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir a tenu son 2e congrès extraordinaire les 17 et 18 juin 2005 à Ouagadougou. Ce congrès tant attendu fera certainement date dans l’histoire politique du Burkina Faso.

Convoqué pour discuter du thème : " Bilan du septennat et perspectives ", cette instance a levé le voile sur la candidature du président sortant, S.E.M Blaise Compaoré. En effet, sans surprise, ce parti a jeté son dévolu sur celui qui était déjà présenté comme son " candidat naturel " pour prendre " de nouveaux engagements avec le peuple ". En attendant de revenir ultérieurement sur le thème de ce congrès ordinairement extraordinaire et particulièrement sur le bilan du programme de " développement solidaire ", arrêtons-nous sur le " fan club " sur lequel semble se reposer cette candidature.

" Je ne déciderai d’aller en campagne que si des hommes et des femmes de ce pays, fort représentatifs sont convaincus que j’ai fait progresser notre pays et que nous devons poursuivre un peu plus cette œuvre ". C’est en ces termes que le président Compaoré s’est confié à certains confrères le 05 août 2005. Ça y est donc.

Puisque de Pô à Banfora, de Kindi, à Fada en passant par Ouagadougou et Bobo, des amis, des tanties, des tontons, des sages, des jeunes, des commerçants... des handicapés ont marché pour revendiquer par le biais de banderoles, de pancartes et de discours, la candidature de leur homme. C’est à peine que cette sollicitude pressante et téléphonée n’a pas pris par moment les allures de menaces et de mise en garde contre un hypothétique refus de celui qui a réussi la prouesse dit-on, d’incarner " la paix, la stabilité et le " pétrole " au Burkina Faso.

Au Grand dam de ceux qui se sont échinés à développer des arguments polico-juridiques basés sur la constitution contre cette troisième candidature, Blaise Compaoré a accepté volontiers de solliciter un nouveau contrat avec le peuple pour une durée de cinq ( 5 ) ans cette fois-ci.

L’obtiendra t-il ? Son " fan club " qui l’a poussé à se présenter pourvoira certainement à ses desiderata avec des voix. Chacun sait que la candidature du Président sortant est soutenue par une avalanche de structures de diverses natures. Des structures dites apolitiques, tels les mouvements de sages et tanties et même des " amis " et des structures politiques à l’image du CDP et toute la horde des partis mouvanciers regroupés dans l’alliance pour la majorité présidentielle ( AMP).

Chaque composante de ce " fan club " aura bon droit de revendiquer la paternité de la candidature de leur mentor ; chacun n’a-t-il pas fait la preuve qu’il dispose " des hommes et des femmes de ce pays, fort représentatifs " qui se sont convaincus que Blaise Compaoré doit rebelotter ? Dans cette phase de sollicitation populaire qui s’est achevée avec le verdict du congrès du parti, on aura remarqué que les structures politiques se sont montrées peu ou prou discrètes.

Serait-ce par stratégie ou simple manque d’assurance de leurs capacités de mobilisation ? Toujours est-il que certains bonzes du parti du pouvoir se sont contentés de jouer le rôle de " parrains " des marches et autres manifestations de soutien organisées à travers le pays. Des indiscrétions émanant de certains responsables des structures de soutien laissent même entendre que le parti présidentiel n’aurait pas daigné délier le cordon de la bourse (en tout cas pas de manière officielle) pour soutenir leurs activités.

Certes rien ne dit que cet immobilisme, voire cette absence d’activisme classique du méga parti traduisait un manque d’intérêt officiel pour les mouvements spontanés et suscités. Ce qui est évident, c’est que les différentes associations de soutien en " se débrouillant " à leur manière pour faire le tapage autour de leur " pétrole " s’enorgueilliront d’avoir donné le tonus nécessaire à leur candidat en lui conférant une sorte de légitimité.

La mission étant déjà presqu’accompli à leur niveau, l’impatience pour la récolte des dividendes risque d’être perceptible d’ici là. Mais pourrait-on satisfaire les desiderata de toute cette masse qui à la faveur de l’élection s’est érigée en groupement d’intérêt divers ? L’évidence est incertaine même s’il est vrai que les exigences de certains ne vont pas au-delà des paquets de thé, des tee-shirts ou des marchés.

Bref, la cohorte des activistes " apolitiques " ne manquera pas de se faire entendre après le 13 novembre quelque soit le résultat du scrutin, n’en déplaise aux " politiques " qui avaient commencé à ressentir la diminution du gâteau. C’est dire à quel point le risque est grand que les différentes composantes du fan club qui s’est décidé à garantir près d’un quart de siècle de pouvoir au président Compaoré se regardent en rivales et non en partenaires au service d’une cause, d’un homme. Et ce panier à crabes là risque fort de ne laisser indifférent.
Naturellement !


Le congrès

Comme annoncé depuis belle lurette, le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir a tenu son deuxième congrès extraordinaire les 17 et 18 juin 2005 à la maison du peuple sous le thème : « Bilan du septennat et perspectives. »

Vendredi 17 juin 2005, 9 h. La mythique Maison du peuple affichait complet. Elle accueillait une foule des grands jours. A l’occasion de l’ouverture du congrès du CDP, le tout Burkina ou presque y était représenté. Les bonzes de cette formation politique moulés dans des chemises pagnes, ou des tee-shirts étaient aux couleurs du parti de l’épi et de la daba. Histoire d’afficher son militantisme indéfectible ( ?).

Dans la salle, quelques banderoles aux messages sobres se contentaient seulement de définir le parti : « CDP, parti de l’avenir ». Point de buste d’un quelconque personnage comme on en constatait lors des marches organisés à travers le pays. Point même de tee-shirt (ou presque pas) à l’effigie d’un quelconque homme ou femme susceptible de jouer un quelconque rôle. Bref, ce deuxième congrès extraordinaire (du moins à la cérémonie d’ouverture) se tenait dans une ambiance classique et militante de nature à dérouter le premier observateur venu. Mais comme on pouvait s’en douter, les discours et autres interventions enregistrées n’ont pas tardé à donner le tempo.

Morceaux choisis : « Pour les militants du CDP, réfléchir donc sur la multitude d’actions posées depuis 1998 par le Président du Faso en faveur de notre pays, c’est baliser et éclairer les voies d’un avenir plus radieux à la lumière de la politique menée sous la direction de Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré ! » a laissé entendre Alain Ludovic Tou président du Comité d’organisation.
Et d’ajouter qu’ « à la stratégie molle et louvoyante des demi choix non assumés, le CDP a choisi résolument de montrer que les ambitions du président du Faso pour le Burkina sont devenues les réalités d’aujourd’hui ».

Le président du parti, Roch marc Christian Kaboré à son tour dira « en effet, après les Conventions des jeunes, des femmes et des anciens, les Assemblées générales des secteurs structurés, du secteur informel et des marchés et yaars, le moment est venu pour le parti, dans toutes ses composantes, à travers son instance suprême qu’est le Congrès, d’opérer le choix d’un candidat qui puisse conduire à l’émancipation sociale de notre peuple »
C’était donc le congrès d’investiture du candidat du CDP à l’élection présidentielle du 13 novembre prochain. Candidat, on s’en doute bien, qui ne saurait être que le géniteur du CDP, à savoir Blaise Compaoré.

Comme si les organisateurs de ce conclave à l’allure de plébiscite voulaient entretenir un certain mystère sur leur choix, ils avaient pris soin de couvrir la photo grandeur nature de leur candidat avant de le dévoiler certainement le samedi 18juin pendant la cérémonie de clôture. Somme toute, ce congrès était extraordinairement ordinaire.


Le Congrès et les véhicules de l’Etat

En observant les participants de ce 2e congrès ordinaire du parti au pouvoir, on présume que certains services, entreprises ou même l’administration ont dû fonctionner au ralenti. Pas que des syndicats avaient décrété un mot d’ordre de grève pour cette journée du vendredi mais par ce que leurs travailleurs ou leurs cadres s’étaient sentis le devoir d’honorer leur engagement militant vis-à-vis du parti en répondant présent au congrès.

Inutile de dire que de ce fait, la cour de la maison du peuple s’est transformée pendant les 48 heures, en un mini garage du parc automobile de l’Etat. Tant les véhicules de l’Etat, les fameux fonds rouge y étaient légion. Il s’y trouvait par exemple les véhicules immatriculés : 11A 6038 BF ; 11 A 5579 IT BF ; 11 A 5096 BF ; 11A 6285 BF ; 11 A 5092 BF ; 11 C 0187 Bf ; 11 A 5443 BF ; 10 A 7382 BF 11 A 6320 Bf etc.
Le véhicule immatriculé 11 A 6273 BF une Peugeot 406 de l’Etat était même doté d’un « laisser passer » estampillé CDP.

Les discours prononcés lors de la cérémonie d’ouverture du congrès n’ont pas fait du programme de "développement solidaire » qui était le credo de Blaise Compaoré de 1998 à 2005. Serait-ce parce que les résultats ne répondaient pas aux attentes ou simples omissions involontaires ?


Bilan du septennat

Comme ils aiment à le dire « un grand n’est pas un petit ». Pour le confirmer, il à été mis à la disposition des congressistes un document intitulé « Blaise Compaoré, Bilan d’un septennat 1998-2005 » qui fait le point par secteur d’intervention (Agriculture, coton, élevage etc.) Ce document de 62 pages, sur du papier glacé et en couleur fait le pied de nez aux questions brûlantes qui n’ont pas manqué de secouer le pays en profondeur courant 1998-2002. On croirait que la grande crise mouvementée par la tentative d’émergence d’une nouvelle citoyenneté s’est déroulée ailleurs qu’au Burkina Faso.

Mais pis, on croyait que le « développement solidaire » était le programme d’action de Blaise Compaoré. Eh bien ! Nul part, ce document n’en parle alors que le bilan de ce septennat se devrait d’être fait en fonction de ce programme. A moins que ce soit une navigation à vue !

Quelques morceaux choisis dans l’introduction du document en question :
« Et l’artisan de ce bond prodigieux n’est autre que Blaise Compaoré, le bâtisseur. »
« C’est plutôt un homme de conviction et d’action pour qui le bien-être individuel et collectif des Burkinabé a valeur de sacerdoce. »

« A 54 ans seulement, l’homme, de par son pragmatisme et sa vision lointaine d’homme d’Etat, passe pour être l’un des leaders le plus écouté de la région. »
« Ici encore, la preuve est faite que pour un pays, disposer à profusion de ressources minières et naturelles, c’est bien, mais avoir des hommes intègres capables d’impulser le développement, c’est encore mieux. Blaise Compaoré l’a démontré, et avec lui, le Burkina avance ».

Par Bangba Nikéma
Bendré

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2005 à 17:07 En réponse à : > CDP : Le congrès de la sacralisation

    On prend les mêmes et on recommence(tant qu’ils sont vivants !). Ainsi va la démocratie en Afrique...

    • Le 25 juin 2005 à 19:30 En réponse à : > CDP : Le congrès de la sacralisation

      Ainsi va plutôt la démocratie dans nos mentalités. Le "fan club" de son excellence est quasi-complet, il ne manque que les amantes...Qu’il se présente soit anticonstitutionnel...les juristes seuls peuvent/doivent en prouver. Mais quand notre peuple sera-t-il mature ?

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