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Discours de la Baule 10 ans après : Quel bilan ?

Publié le mercredi 22 juin 2005 à 08h06min

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20 juin 1990 - 20 juin 2005. Quinze ans déjà que le discours de La Baule a été prononcé par le défunt président français François Mitterrand.

Un discours prononcé à l’occasion de la
16e conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique et qui,
comme on le sait, allait marquer un tournant décisif dans les
relations entre l’ancienne puissance coloniale et son pré-carré.

L’aide aux Etats africains était dès lors conditionnée par
l’engagement des chefs d’Etat africains en faveur des
processus de démocratisation. Du même coup, François
Mitterrand établissait une distinction entre "une aide tiède"
destinée aux régimes autoritaires refusant toute évolution
démocratique et "une aide enthousiaste" réservée à "ceux qui
franchiront le pas avec courage ".

Si ce discours avait été, à
l’époque, très mal apprécié par l’ensemble des chefs d’Etat
présents, quinze ans après, quel bilan tirer des processus de
démocratisation en Afrique ? Certains pouvoirs africains ont
donné l’agréable impression d’avoir adhéré au discours de
façon sincère et en cela, les exemples du Mali et du Bénin ont
fait date. D’autres par contre traînent visiblement encore les
pieds. Enfin, il y a cette catégorie de pays qui avaient déjà pris
une longueur d’avance sur les autres. C’est le Sénégal
notamment. Ceux qui n’ont pas montré une réelle détermination
à aller de l’avant sont évidemment plus nombreux sur le
continent.

Mais pour bénéficier de la générosité de la France,
ces dirigeants africains se sont sentis contraints de jouer à l’âne
pour avoir du foin. Car, leur conception de la démocratie, c’est
celle qui se limite à une simple et mécanique organisation des
élections, sans aucune garantie de transparence, en amont
comme en aval.

Que vaut une démocratie quand pouvoirs et
oppositions s’accusent toujours mutuellement de s’être
adonnés à la fraude ? Que vaut cette démocratie quand les
résultats sortis des urnes (même logiquement) ne sont jamais
respectés ? Comment s’entendre sur une conception unanime
de la démocratie quand des Constitutions sont amendées par
des majorités parlementaires mécaniques, permettant ainsi à
des dirigeants de s’éterniser au pouvoir ? Comment penser
véritablement à une démocratie lorsque l’on adhère à un parti
non pas par conviction politique, mais par calculs alimentaires.

L’injonction du discours de La Baule d’aller à la démocratie
a-t-elle finalement précédé l’avènement des démocrates en
Afrique ? En définitive, La Baule a-t-elle survécu à François
Mitterrand ?

Bien qu’il faille reconnaître que la démocratie ne se décrète
pas, il faut tout de même avouer que l’attitude quasi silencieuse
de la France de Jacques Chirac vis-à-vis des Etats qui se
comportent en véritables fossoyeurs de la démocratie, est
suspecte. On pourrait même se demander si ce piétinement
continu ou ce crime de lèse-démocratie, n’arrange pas la
France de la Droite. Car même si elle se défend de vouloir
intervenir dans les affaires intérieures des Etats africains amis,
force est de constater que de solides liens d’amitié l’unissent à
bien des dirigeants africains.

Pire, aujourd’hui comme hier, qu’ils soient de la Droite ou de la
Gauche, les présidents de la République française et leurs
gouvernements ont maintenu à bout de bras beaucoup de
régimes africains.

En fait, un ensemble de réseaux d’amitiés et
de complicités entre dirigeants français et africains, connu sous
l’appellation - plus convenable - de Françafrique et qui a, entre
autres, permis à des entreprises de l’ancienne métropole, à son
industrie de l’armement, de garder leurs positions face à des
concurrents américains et européens. Ce sont ces relations
occultes qui ont sans doute amené Jacques Chirac à féliciter le
président togolais Eyadéma Gnansingbé, avant même la
proclamation officielle des résultats de l’avant-dernière élection
présidentielle, bien que ce dernier ait fait, quelques années plus
tôt, le serment devant lui de ne plus se présenter. Au lendemain
de la mort du dictateur togolais, c’est le même président
français qui déclarait que le disparu était à la fois "un ami
personnel et un ami de la France". C’est dire que même quand
la démocratie a été prise en otage dans ce pays, cela se faisait
sous le regard bienveillant de la France.

Évidemment, cette face immergée de l’iceberg des relations
franco-africaines, l’Hexagone ne voudrait la sacrifier pour rien au
monde. Même pas sur l’autel de la démocratie à laquelle elle
prétend être attachée ! Dans la quasi-majorité des Etats
africains francophones, que ce soit en période de cohabitation
ou pas, la politique africaine de la France s’est toujours faite
dans un flou artistique, même s’il est vrai que la droite
française a une plus grande part de responsabilité dans le
"dévoyement" du discours de La Baule.

Mais après tout, faut-il se lamenter sur le sort de cette
démocratie des nègres ? Si Chirac n’a visiblement pas adhéré à
ce fameux discours, c’est parce qu’il croit que la démocratie est
" un luxe pour les Africains". En cela, il est resté fidèle à
lui-même.

Une chose cependant, à mettre à l’actif du discours de La
Baule : ces fameuses conférences nationales souveraines dont
les plus marquantes ont été celles du Bénin, du
Congo-Brazzaville, du Mali, de l’ex-Zaïre, du Niger. Même si
elles n’ont pas réussi partout, elles ont contribué à faire souffler
un certain vent de liberté sur le continent.

Que serait-il advenu
de l’Afrique s’il n’y avait pas eu ce discours historique ? En tout
cas, il a eu le mérite de faire bouger certaines choses,
notamment en matière de liberté de presse, dans certains Etats
francophones. Autres retombées du discours : la formation d’une
société civile et par ricochet, la conscientisation des peuples.
Malgré tout, après plus de 40 années d’Indépendance, l’Afrique
reste une éternelle assistée.

Mais ne doit-elle pas en vouloir
qu’à elle-même, elle qui a réclamé à cor et à cri l’Indépendance,
et qui semble se rendre compte aujourd’hui qu’elle a raté une
chance historique, celle de n’avoir pas, tout en étant
indépendante, conservé de grandes structures communautaires
comme
l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale
Française (AEF). Cela aurait eu le mérite d’éviter toute cette
diarrhée d’Etats non viables et à la tête desquels chacun préfère
être un chef.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 décembre 2010 à 17:55, par talyam En réponse à : Discours de la Baule 10 ans après : Quel bilan ?

    d’abord a ces puissances qui imposent ce que bon leur semblent, nous ne sommes pas des marionettes mais des gens qui doivent reflechir a ce qui va leur faire avancer.loin de soutenir les attitudes autocratiques qui detruisent l’afrique mais je voudrait tout simplement signifier que la cconstruction de la democratie suit un procesus et se decide pas du jour au lendemain.

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