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Laurent Bado : "Je vais tout raconter et mourir tranquille"

Publié le lundi 20 juin 2005 à 07h25min

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Après l’explosion de l’OBU (Opposition burkinabé unie),avec le départ du "chat noir du Nayala", Emile Paré, l’événement politique actuellement au Burkina, c’est entre autres la démission du parti pour la renaissance nationale (PAREN), de trois députés. Il s’agit de W. Stéphane Sanou, de Joséphine Drabo/Kanyoulou et de Raphaël Bado.

En attendant de prendre les démissionnaires, le vendredi 17 juin 2005 en fin de matinée, à notre demande, Laurent Bado, président de ladite formation, nous a reçus à son domicile au secteur 17 à Pissy pour en parler. Imperturbable et prolixe comme à son habitude, il s’est prononcé sur la crise qui prévaut présentement dans son écurie.

Monsieur le président, trois des vôtres et non des moindres viennent de vous notifier leur démission du PAREN. Comment en est-on arrivé là ?

• Comme vous, je viens de l’apprendre. Je savais que cela allait arriver. Ce n’est pas aujourd’hui que je le sais. Au niveau de l’organe dirigeant de notre parti, on le savait depuis longtemps, depuis le lendemain des élections. Si vous considérez les arguments avancés, ils disent quoi ? Qu’il y a une crise à l’OBU. Il y a des crises à répétition, à rebondissement au PAREN. Ce sont les arguments officiels. Je réponds à ces arguments. Premièrement, ils s’en vont parce qu’il y a une crise à l’OBU. Mais, est-ce le PAREN qui a provoqué la crise à l’OBU ?

Bizarrement, tous ces trois députés n’ont pas ménagé leurs efforts pour convaincre Emile Paré de revenir à la raison. Ils ont participé à toutes les réunions du Comité directeur national (CDN) de l’OBU. Donc ils savaient que c’est Emile Paré qui a créé la crise et ils ont voulu le raisonner. Comment maintenant ils peuvent en vouloir au PAREN avec la crise de l’OBU ? Deuxièmement, ils disent qu’il y a des crises à répétition au niveau du PAREN. Je leur pose la question. Est-ce qu’il ont touché le PAREN, notre bureau politique, sur une crise quelconque et qu’ils nous ont dit de quoi il s’agit ?

C’est moi qui apprends, avec évidemment les autres membres de l’instance dirigeante, qu’il y a une crise au sein du PAREN. Il y a quelque chose qui ne va pas. Les trois députés n’étaient pas membres du secrétariat exécutif permanent (SEP) du PAREN. C’est moi qui ai demandé à ce secrétariat de les admettre en tant que députés pour qu’ils puissent suivre les affaires du parti. Ils ne viennent jamais aux réunions. J’ai rencontré les trois députés pour leur proposer un comité informel. Les trois se réunissaient avec moi chaque fois pour réfléchir sur la vie du parti, sur les problèmes du parti. Ils ne m’ont pas répondu.

Une autre fois, je leur ai réitéré ma proposition. En réponse, ils me disent qu’ils attendaient que je fasse quelque chose. Je vais faire quoi ? Moi je vous ai fait une proposition. C’est à vous de me dire que vous êtes d’accord et que vous souhaiteriez qu’une fois par mois, une fois tous les trois mois, nous puissions nous rencontrer. Depuis que je leur ai répété cela, ils ne m’ont jamais vu. Donc vous voyez, les deux arguments sont déjà faux. Le PAREN n’a pas créé la crise à l’OBU. Ils se sont battus justement pour que la crise soit résolue, au profit même du candidat qu’ils entrevoyaient, c’est-à-dire moi.

Maintenant, s’agissant d’une crise au PAREN, ils n’ont jamais eu à saisir le parti d’une crise quelconque. Ils sont membres du SEP, de l’instance suprême. Ils auraient dû nous saisir. Ils ne l’ont pas fait. Nos statuts prévoient que n’importe quel militant peut critiquer, remettre en cause, demander des informations...ils ne l’ont pas fait. Ces arguments sonnent faux. L’argument qu’ils ont avancé au secrétaire général, qui est aussi secrétaire à l’organisation du PAREN, vous savez de quoi il s’agit ?

Ils ont dit qu’eux ils savent que moi je vais les éjecter du parti. Qu’ils ont les preuves que j’ai décidé de les chasser du PAREN. Tout de même ! Est-ce que c’est à un seul individu, fût-il le fondateur d’un parti, de chasser des membres du parti et notamment des députés ? Je ne sais pas où ils ont eu ces informations. Je ne comprends absolument rien. Il y a quelque chose en dessous n’est-ce pas ? Voilà les raisons objectives.

Mais ils disent, comme ils parlent trop, que parce qu’ils ont entendu que je veux les chasser du parti, ils préfèrent prendre les devants. C’est ce que le député Sanou a dit à monsieur Guiguemdé Oumar. Il a dit aussi entre autres qu’il a dépensé beaucoup d’argent, qu’il est venu me dire de rembourser et que j’ai refusé. C’est cela sa colère. Je ne parlerai pas de tout cela aujourd’hui. Je vous invite à attendre le 03 juillet, parce qu’il y a des dessous de table que je vais révéler. Le comportement de chacun sera dit.

Après l’OBU qui vole en éclats, c’est aujourd’hui trois de vos députés qui s’en vont. Cela ne risque-t-il pas d’entamer la crédibilité, voire l’audience de votre parti, notamment dans la perspective des échéances électorales prochaines ?

• Quand je créais le parti, j’ai dit que ce n’est pas le pouvoir en lui-même qui m’intéresse. Je ne suis pas un malade du pouvoir. J’ai des idées, je suis convaincu de ces idées. On peut développer notre pays. J’ai un programme de gouvernement, quantifiable, mesurable et contrôlable, pour appuyer une doctrine, un projet de société, ce que bien de partis n’ont pas jusqu’aujourd’hui.

Cela ne me dit absolument rien si des gens viennent profiter du PAREN et notamment de mon nom pour être élus, et une fois élus, aller marchander avec d’autres partis où ils pensent trouver de meilleures situations. C’est justement ce que je vais révéler le 03 juillet. C’est très clair et c’est triste, la classe politique burkinabé est corrompue à mort. Chacun profite d’un parti, il se fait élire et à partir de là, il voit plus loin, plus haut et plus grand pour ses seuls intérêts. Eh bien, je vais vous le démontrer le 03 juillet pour chacun de ces députés. Ils s’en vont, moi je respire.

Tous les membres du bureau politique, les membres du comité directeur national du PAREN, les membres du secrétariat exécutif permanent, tous ceux qui m’ont téléphoné depuis que je suis assis à cette table disent qu’ils m’ont toujours dit que ce sont de faux types. "Tu as toujours milité pour eux, tu les as défendus. Tu vois, on avait raison", me disent-ils. Et je leur réponds : "vous avez raison, mais je n’ai pas tort".

Dieu peut placer sur la route de chacun, du méchant, du vicieux, un homme pour l’aider à revenir sur le bon chemin. Je n’ai pas deux vies, ma foi chrétienne n’est pas différente de ma vie publique. C’est pour cela que quand on me dit que tel député est ceci ou cela, je réponds, gérons-le, jusqu’à l’amener à revenir sur le bon chemin. Ils partent, tous les membres des instances dirigeantes du parti se félicitent qu’enfin eux-mêmes aient déblayé le plancher, parce que c’était des gens sales. Moi-même maintenant, je suis heureux. Mais je dirai au peuple qui ils étaient depuis qu’ils sont venus au parti.

Certains ont vite fait de voir la main du pouvoir derrière les problèmes au sein des différents partis. Est-ce aussi votre avis ?

• Ecoutez, venez le 03 juillet à mon discours d’investiture. Pour la première fois, le peuple burkinabé connaîtra la vérité en tout et par tout. Vous voyez, Blaise Compaoré, il peut avoir des défauts et il a des défauts. Mais Blaise Compaoré a toujours voulu une vraie opposition pour stimuler son mégaparti à l’innovation, à l’imagination. Sans l’offenser, j’aurai à dire comment il a tout fait pour que je travaille pour lui. J’ai des dates, je note tout et ce n’est pas en sa défaveur. Il a toujours voulu l’intelligentsia, des idées. Il a tout fait auprès d’opposants ici pour obtenir cela.

Savez-vous que sur 100 francs investis au Burkina Faso, 90% viennent des bailleurs de fonds ? Or ses bailleurs de fonds ne sont contents que lorsqu’il y a un parti au pouvoir et une opposition forte. Voilà la vérité. Je dirai cette vérité au peuple. Il ne faut pas accuser Blaise à tous les fronts. Blaise m’a appelé quand je n’avais même pas encore créé un parti. Il est bon, comme mon honneur et ma dignité sont en jeu, comme on ment sur lui-même sur certains points, que je dise que ce n’est pas lui qui est en train de corrompre des individus, ce sont des individus qui se corrompent. Je vais le démontrer, je dirai de quoi il s’agit en ce qui me concerne.

Je dirai que Blaise a partout recherché une vraie opposition. Ce que les gens ne savent pas. Comme le peuple burkinabé est pauvre, comme l’élite ne cherche que du beurre pour mettre sur ses épinards, tous sont faux, tous sont des voleurs, tous sont des intrigants. Ils sont aussi corrompus sinon même plus corrompus que le système en place. Je ne partage pas la politique de Blaise, mais je peux reconnaître, moi Laurent Bado, que Blaise n’est pas là pour étouffer une opposition.

D’autres par contre critiquent le peu de démocratie et la gestion patrimoniale des chefs des partis. Qu’est-ce-que vous en pensez ?

• Mes trois députés qui m’ont trahi de façon cruelle alors que je suis le seul à les avoir défendus, je dirai leur vie le 03 juillet. Ils disent que Laurent Bado prend les décisions tout seul. Nous avons pourtant le SEP, nous avons le CDN. Nous sommes le seul parti dans lequel le président ne préside pas les instances. C’est le secrétaire général qui le fait. Je prends la parole comme n’importe quel autre membre des instances. Comme pendant 25 ans, dans la presse, je défendais bec et ongles des idées, le gens ont pensé que je suis quelqu’un avec lequel on ne peut pas discuter.

Alors que c’est un combat d’idées, un combat de gladiateurs. En réalité, Laurent Bado est un paysan. Je suis ouvert. En créant le parti, j’ai dit aux membres "insultons-nous dans nos réunions sous forme de rakiré (1). Ne gardez rien dans votre ventre. Que quelqu’un dise : « Ta proposition-là, elle est bête, elle est idiote », pour que nous puissions trouver la vérité qui sauve le parti".

Moi j’appliquais à la lettre cela. En dehors de cela, je n’ai jamais pris une décision tout seul. C’est triste pour notre pays. Les portes de l’enfer vont s’ouvrir devant nous tous. Vous savez pourquoi ? La classe politique : zéro (NDLR : il joint le geste à la parole). Il n’y a pas d’hommes politiques au Burkina Faso qui aiment le pays. Dans la pauvreté généralisée, chacun utilise le peuple, son peuple, sa prétendue base pour chercher quelque chose de plus grand, de plus loin, sa bouffe, son tube digestif. C’est cela que j’ai vu. C’est pour cela que je savais que je ne suis pas fait pour être un homme politique.

Quand vous les journalistes vous parlez au hasard, me traitant d’intellectuel égaré, vous me faites rire. Un intellectuel égaré qui en moins d’un an de la création de son parti a eu des conseillers municipaux, en moins de trois ans des élus nationaux, pendant que des partis vieux de dix ou quinze ans n’ont rien. Même pas un élu municipal. Mais ce n’est pas beau. Moi Laurent Bado, ce que j’ai toujours recherché, c’est défendre des idées justes, la vérité, la dire au peuple. C’est au peuple de la prendre ou laisser. C’est pour cela, pour une dernière fois je vous dis, venez à mon rendez-vous du 03 juillet, le peuple saura qui est un homme politique vrai au Burkina Faso. Je vais tout raconter et maintenant je pourrai mourir tranquillement.

Pour conclure, qu’est-ce que le pasteur a à dire au reste du troupeau comme message ?

• Justement, vous viendrez découvrir mon discours. Dans mon discours, ce que vous les journalistes vous avez essayé de raconter, les immondices que vous avez voulu entasser sur ma tête, je vais les balayer d’un revers de main. Je serai obligé de rappeler encore les trois millions qu’on m’accuse d’avoir pris pour manger alors que c’est moi qui ai demandé qu’on les supprime. On dit qu’on m’a donné un jardin à Zoula. C’est mon père qui a amené le jardinage, le maraîchage dans le Sanguié et qui m’a légué un jardin. On dit qu’on m’a donné un barrage. Le barrage a été fait par les éléphants qui venaient passer l’été là-bas.

Cela s’appelle « Nan tou nan goro ». Littéralement, "le trou des pieds des éléphants". Ce n’est pas le gouvernement burkinabé qui a fait ça. C’est un trou où il y a l’eau. C’est tout simplement que le gouvernement a accepté à ma demande, de surélever maintenant la digue qui était basse, pour retenir beaucoup plus d’eau, puisqu’entre temps, le barrage s’est ensablé. On dit que je voue un culte à des personnalités du CDP. Je ne sais pas de quoi il s’agit. C’est plutôt des personnalités du CDP qui doivent me vouer un culte et me respecter parce qu’ils savent qui je suis. Voilà ce que vous les journalistes vous faites.

Bizarrement, vous vous attaquez au vrai, au juste et au bien. Le contraire là, vous êtes en train de lui donner une prime et moi je n’arrive pas à comprendre. Mais j’ai compris ma lutte. Elle est même quasi religieuse. Il faut porter une croix quand on aime un peuple. Je porterai ma croix. Les gens sauront que j’ai toujours été un homme droit, honnête et sincère. C’est pourquoi, je demande aux Ouagalaises et aux Ouagalais de venir m’écouter le 03 juillet 2005. On avait voulu la maison du peuple mais on dit que c’est pris par l’ADF-RDA ; maintenant il n’y a plus que le CBC. Pour le moment, le CBC a accepté.

On ne sait pas trop mais théoriquement ça doit se tenir au CBC. Le peuple aura toute la vérité, le peuple saura qui est Laurent Bado. Il y a des choses que je vais raconter que le peuple n’a jamais su. Je ne me suis pas engagé en politique pour rien. Des chrétiens sont venus me dire qu’ils ont eu des visions disant qu’on m’a chargé d’une mission sur cette terre. Moi-même j’ai fait l’expérience en quittant le séminaire de Pabré. Je vais vous raconter comment les choses se sont passées. Je vais donner à vous les journalistes tous ces documents de base. Vous allez comprendre pourquoi je me suis engagé. Pour moi, c’est une mission à exécuter. Rendez-vous.

D. Evariste Ouédraogo
L’Observateur

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