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Union européenne : La déchirure ?

Publié le jeudi 16 juin 2005 à 07h26min

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Les "Non’’ français et néerlandais avaient sonné l’hallali. Le Sommet de Bruxelles qui s’ouvre aujourd’hui sur fond de divergences franco-anglaises risque de sonner le glas pour une Union européenne plus mal en point que jamais et qui ne fait plus rêver le"peuple’’ européen.

Le plat de résistance du Sommet de Bruxelles sera l’élaboration du budget 2007-2013 de l’Union européenne. Un budget qui risque de ne pas voir le jour, tant les divergences sur ses principales lignes sont "aiguës’’, pour parler comme Tony Blair, qui a rendu une visite préparatoire à Jacques Chirac il y a deux jours. Principaux points d’achoppement entre Français et Britanniques (les premiers étant soutenus par l’Allemagne) le rabais britannique et la politique agricole commune (PAC). Sur le premier point, Chirac et Schröder pensent que du fait de sa prospérité actuelle, la Grande Bretagne doit faire "un geste de solidarité’’ envers le reste de l’Europe en consentant d’augmenter sa part contributive au budget européen.

La fin de non recevoir britannique est sans appel sur ce point, Tony Blair ayant indiqué qu’au stade actuel, et nonobstant le rabais dont elle bénéficie, l’Angleterre contribue une fois et demie plus que la France dans le budget européen. Pour permettre une relance de l’économie européenne quasiment sinistrée par la politique monétaire et économique adoptée par l’administration Bush au cours du dernier lustre. Une parenthèse pour indiquer que la politique du dollar faible par exemple, a renchéri le coût des exportations européennes vers le nouveau continent qui plus est, la campagne anti-française déclenchée par les médias américains au lendemain de la guerre du Golfe II, a provoqué une désaffection vis-à-vis des produits "made in France’’, les Américains n’ayant pas compris que leur vieille amie les abandonne à un moment si crucial. Pour permettre donc à l’Europe et à la France de "souffler’’, Blair propose plutôt de revoir la PAC, si tant est-il que l’on ne saurait injecter tant de milliards dans un secteur qui occupe à peine 5 % des actifs européens. Le "Non’’ français à cette proposition a lui aussi été catégorique, car dans l’état politique et social actuel de la France, Chirac ne peut pas "s’amuser’’ à ce jeu. Si ses compatriotes lui ont dit "Non’’ le 29 mai dernier, c’est principalement en raison du "mal-être’’ et du "mal-vivre’’ dans lequel ils se trouvent, par la faute de politiques qui n’ont pas su répondre aux effets de la mondialisation. En dépit des énormes subventions dont il bénéficie par le biais de la PAC, le paysannat français voit son pouvoir d’achat se réduire comme une peau de chagrin en raison de la mévente de ses produits d’une part et de la cherté de la vie de l’autre. Le capitalisme de production ou le libéralisme solidaire (c’est selon) qui lui permettait un tant soit peu de maintenir son train de vie, a cédé la place au capitalisme de spéculation qui, lui, ne s’embarrasse pas de bons sentiments. Du reste, les subventions accordées par le biais de la PAC ont subi une "rognure’’ avec le temps et le "seuil de tolérance’’ est depuis longtemps, dépassé pour les paysans français. Si Chirac "s’amusait’’ donc, la grogne sociopolitique pourrait accoucher d’une "révolution prolétarienne’’ dans la France du 21e siècle.

Les raisons de la discorde

Une hypothèse quelque peu surréaliste, mais qui illustre cependant les paradoxes d’un peuple qui veut d’une chose et de son contraire en même temps. En disant "non à l’Europe libérale’’ les Français se sont du coup jetés dans les bras des chantres de l’ultra libéralisme, Tony Blair étant désormais en position de force pour imposer ses vues à ses partenaires. Car derrière ces "bisbilles’’ franco-britanniques, se cachent deux conceptions antinomiques de l’Europe. L’Angleterre actuelle, riche et prospère, n’a aucun intérêt à se "fondre’’ dans une Europe en bute à de nombreux problèmes depuis son élargissement précipité. La Grande Bretagne qui est toujours restée fidèle à sa politique monétaire solitaire a trouvé dans les "non’’ français et néerlandais, l’opportunité de saborder cet ensemble hétéroclite, pour mieux l’exploiter de concert avec les cousins américains. Pour Blair, l’Europe doit être une zone de libre échange intégrale, où les nouveaux marchés constitués par les pays de la "jeune Europe’’ (Pologne, Slovaquie, Tchèque, Hongrie, pays baltes, voire Ukraine) sont l’enjeu du moment. Ce n’est pas pour rien si au lendemain du déclenchement de sa croisade irakienne, George Bush, son allié, avait fait la différence entre la "vieille Europe dépassée et sénile’’ et la jeune Europe pleine de vie et de promesses. Une jeune Europe (Hongrie, Pologne, pays baltes notamment) qui bénéficie déjà des subsides de l’Oncle Sam pour hâter sa modernisation et son arrimage à la mondialisation. Pour les néoconservateurs, "c’est le marché qui guide l’action politique’’ et dès lors qu’il "n’y a pas d’intérêt, il n’y a pas d’action’’. A contrario, Jacques Chirac, féru en sciences politiques et issu de la vieille Europe "berceau’’ des droits humains, veut mettre la solidarité et le partage en avant, même si sa démarche n’est pas elle aussi dénuée de tout intérêt. Car et n’en déplaise à Dominique de Villepin, une Europe élargie aux "cousins’’ de l’Est, offre l’opportunité (par le biais des délocalisations) à l’économie française de diminuer ses coûts de production et d’être plus compétitive. C’est du reste le danger qu’ont perçu les ouvriers français ceux-ci ayant voté massivement contre le projet de constitution européenne. Mais, ils se rendront compte qu’ils sont tombés de Charybde en Scylla avec le projet (?) européen de Tony Blair le nouveau maître du jeu. Tony Blair qui a bondi sur l’aubaine que constitue pour lui le Non français pour mettre en veilleuse son propre référendum sur la constitution, pousse déjà dans l’ombre, certains alliés du tandem anglo-américain à ajouter à la "pagaille’’.

C’est ainsi que l’Italie en est à invoquer la possibilité d’une "renaissance’’ de la lire, alors que les Hollandais parlent eux aussi de leur "bon vieux florin’’.

Le Sommet de Bruxelles ne réglera donc pas grand chose, même si l’on peut penser qu’en raison d’enjeux communs trop importants, le "détricotage’’ de l’Europe n’aura pas lieu dans l’immédiat. Mais, le ver est déjà dans le fruit.

Boubakar SY
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2005 à 09:39, par pda En réponse à : > Union européenne : La déchirure ?

    Decidement nous ne nous en sortirons pas ! C’est encore selon vous la faute des Americains et de Toni Blair ! Toni Blair est selon vous un ultra-liberal.....ca laisse songeur. Ou classez vous Margaret Thatcher ou Ronald Reagan ?
    Regardons plutot chez nous...nous voulons etre cocoones par l’Etat, nous voulons travailler...mais 35 heures ..pas plus..voila le probleme. Alors bien sur en montrant du doigt les Americains ou les Anglais nous nous cachons la verite.
    Beaucoup de pays en Europe jugent severement la France. Le non des Hollandais etait un non a leur position de "plus fort contributeur a l’UE per capita" pas un non au liberalisme. Tous les pays du nord en ont assez de financer le deficit du couple franco allemand...
    Les Polonais et bien d’autres pays de l’est demandent egalement du liberalisme....
    Alors plutot que de chercher des poux aux Americains ou aux Chinois, mettons nous au travail, c’est toujours la meilleure recette pour creer de la richesse. N’oublions pas que la moitie ou plus du "non" Francais provenait de citoyens qui demandent du liberalisme....

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