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Annulation de la dette du Tiers-monde : Du "toc" dans un bel emballage

Publié le mardi 14 juin 2005 à 07h06min

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Réunis à Londres pour préparer le Sommet du G8 qui se tiendra le mois prochain en Ecosse, les ministres des Finances des pays riches, ont décidé de l’annulation totale de la dette multilatérale de 18 pays pauvres dont 14 africains. Une décision "historique" (?) pour sortir ces pays de l’ornière.

De prime abord on ne doit pas faire la fine bouche devant cette annulation de la dette multilatérale, qui va apporter un bol d’air frais aux Etats concernés, dont le Burkina Faso. Des Etats pour la plupart en proie à des tensions de trésorerie, où le paiement des salaires entre autres, n’est pas loin de ressembler à une gymnastique mensuelle. C’est tellement dur que des pays comme la Centrafrique qui figurent parmi les "élus" ont jeté l’éponge depuis belle lurette, alors que d’autres plus nantis et qui figureront dans la prochaine vague, connaissent le même problème d’arriérés de salaires. Mais, quelques raisons internes à ces Etats et relevant des relations économiques internationales telles qu’elles se déclinent actuellement, viennent doucher cet enthousiasme.

Au plan interne, il est évident que les syndicats vont bondir sur cette aubaine, pour réclamer des augmentations de salaires. Déjà que la rue africaine était grondeuse et frondeuse, on risque de frôler l’émeute si les revendications sociales n’étaient pas satisfaites. Or, cette annulation ne règle pas les problèmes structurels auxquels sont confrontés la plupart de nos Etats, dont le déficit de leur balance de paiement, celui de leur balance commerciale, bref, ne rééquilibre pas leurs comptes budgétaires. C’est dire que s’ils venaient à céder aux revendications des syndicats, les pays concernés seront obligés de se réendetter pour maintenir leur train de vie, prolongeant ainsi le cycle infernal.

Et puis, il ne faut pas l’oublier, la dette ainsi annulée a déjà été remboursée, car, pour un dollar emprunté, les pays du Tiers-monde en remboursent quatre, du fait d’intérêts souvent supérieurs au crédit nominal. Last but not least, "c’est de l’argent sur papier" pour parler trivialement, car, aucun des pays concernés ne dispose "d’argent frais" pour rembourser ses dettes. Bien sûr, ils applaudiront tous, cette mesure "salvatrice" mais, nos dirigeants sont conscients du "casse-tête" social qu’on leur a ainsi préparé.

Un casse-tête (financier) cette fois qui va concerner centains pays du G8, la France et l’Allemagne principalement. Car, ces deux pays en proie à des difficultés économiques inextricables, ont besoin du remboursement de cette dette multilatérale, pour maintenir leur standing par le biais d’emprunts auprès de la Banque mondiale et du FMI. On a vu les réticences développées par ces deux pays lorsque Tony Blair a émis cette idée d’annulation de la dette.

Aller plus loin dans les efforts

Cette mesure est donc et aussi un moyen pour le tandem Grande-Bretagne-USA de régler ses comptes avec le binôme France-Allemagne, par pays pauvres interposés. Et l’on se rendra compte lors de la mise en œuvre de l’accord que celui-ci n’est pas loin de ressembler à un leurre, surtout qu’il faudra compenser au niveau du FMI notamment le manque à gagner occasionné par cet accord.

Un leurre aussi car cette annulation ne touche pas l’ensemble des pays pauvres (173 en tout) même si certains d’entre eux (les pays à revenus intermédiaires certainement) seront pris en compte très bientôt. La dette globale du Tiers-monde est sans commune mesure avec les 40 milliards de dollars qui viennent d’être annulés. C’est dire que le vrai combat réside ailleurs. Conscients de leur responsabilité historique dans l’état d’arriération économique du continent, les pays du Nord ont "inventé" l’aide publique au développement (APD) pour compenser les torts faits à l’Afrique.

Une APD qui pour être efficace doit être au moins de 1% du produit national brut des Etats développés. Un taux qui devait être atteint depuis la décennie 80 et qui ressemble à un mirage, car il oscille actuellement entre 0,4% (France, Italie etc.) et 0,7% (pays du Nord de l’Europe). Dans la réforme projetée de l’ONU, ce taux devra être de 0,5% en 2006 pour atteintre 0,7% l’horizon 2015 date prévue pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

C’est dire que jusqu’à présent, l’aide nourrit l’aide et donc la dépendance du reste de Kananaskis à Cancun en passant par Porto-Alegre, Johannesburg, la plate-forme des fora sociaux n’a jamais variée, tournant autour d’un accroissement de cette APD.

Conscients que l’ultralibéralisme qui a cours avec une financiarisation aiguë de l’économie et la perte par les Etats du Sud de leur fonction de régulation sociale accroît la misère et la précarité dans ces pays et conséquemment l’immigration clandestine et "sauvage" vers "l’Eldorado" qu’est le Nord, les grands du monde ont lâché ce ballon d’oxygène pour mieux asseoir leur domination sur le monde. Du fait de ce néolibéralisme qui ne tient aucun compte de l’homme l’Amérique est en passe de perdre son pré-carré latino-américain qui vire au "rouge", l’exemple de la Bolivie étant le dernier de cette révolution prolétarienne.

Aussi, ce libéralisme a abouti au rétrécissement des marchés pour les produits occidentaux, les populations n’arrivant plus à se nourrir, a fortiori acheter les produits de luxe occidentaux. Il y a un lustre, l’Argentine jadis présentée comme un modèle de réussite en Amérique latine a frôlé la banqueroute et l’explosion sociale. Il faut donc un "new-deal" économique si tant il est vrai que "c’est l’infrastructure qui détermine la superstruture" Mais, ce n’est pas cette "réformette" qui va ouvrir la voie à des lendemains meilleurs, quand on sait que par ailleurs le commerce inéquitable et inégal continue à plomber tous les efforts de développement de nos Etats.

Le Sommet du G8 qui se tient dans un mois en Ecosse gagnerait donc à échanger sur la question avec les principaux concernés qui sont invités à la table des grands depuis quelques années. La question du financement du NEPAD pourrait ainsi être abordée avant que dans le cadre de la 60e session de l’ONU prévue en septembre, toutes les questions transversales soient mises en débat. En attendant, ce petit, "gombo" est toujours bon à prendre même s’il ne masque pas la réalité qui demeure cruelle. Une réalité qui ne sera transformée in fine que par les Africains eux-mêmes, ainsi que l’ont toujours Affirmé de grands penseurs comme Joseph Ki Zerbo.

Boubakar SY
Sidwaya

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