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Annulation de la dette des pays pauvres : les gouvernements africains, dos au mur

Publié le mardi 14 juin 2005 à 07h08min

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Dix-huit Etats les plus pauvres au monde dont 14 africains, sont
depuis samedi 11 juin dernier, exempts de tout paiement de
leur dette vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI), de la
Banque mondiale (BM) et de la Banque africaine de
développement (BAD). C’est la conclusion de la rencontre à
Londres des ministres des finances des huit pays les plus
industrialisés du monde (G8).

Celle-ci s’inscrivait dans le cadre
de la préparation du sommet du G8 qui se tiendra du 6 au 8
juillet prochain à Gleaneagle, en Ecosse.
Du côté de l’Afrique, principale bénéficiaire de cette exonération
de remboursement de cette dette avec 14 pays dont le Burkina,
l’on ne note pas beaucoup de réactions officielles de la part des
Etats.

Mise à part la Zambie où le ministre des Finances
NG’andu Magande a commenté l’événement en disant qu’il
s’agissait là d’une "décision importante" qui aidera à
l’amélioration de la vie des Zambiens, des déclarations
émanant des responsables des pays touchés par la mesure se
font toujours attendre.

Une attitude quelque peu paradoxale en
ce sens que le paiement de la dette a pendant longtemps été un
argument de choix pour les gouvernements africains pour
justifier les difficultés économiques de leurs Etats.
Maintenant que cette dette est annulée, cela devrait
normalement susciter plus de réactions d’enthousiasme chez
ces dirigeants.

Au lieu de cela, c’est leur prudence que l’on
constate. Cet accueil timide à la suppression de la dette en
Afrique n’est pas anodin, surtout quand on sait que la plupart
des Etats du continent sont confrontés à des problèmes de
trésorerie et qu’ils éprouvent parfois des difficultés à payer les
salaires des agents publics. Cette attitude peut s’expliquer par
un certain nombre de motifs.

Le doute sur l’impact réel de l’annulation de leur dette pourrait
être la première raison. D’abord il y a le fait que cette décision ne
signifie pas que les caisses des Etats en question vont recevoir
de l’argent frais des institutions financières internationales
sus-citées.

Ensuite, il y a le fait que les pays développés
n’agissent que lorsque leurs intérêts sont en jeu. Les
gouvernements africains craignent, peut-être, qu’à travers cet
effacement de la dette, les pays industrialisés ne récupèrent
d’une main ce qu’ils ont gracieusement offert de l’autre, cela en
dépit des dénégations selon lesquelles le manque à gagner
des Etats occidentaux sera compensé par les institutions
financières parties prenantes.

A ce niveau, si c’est cela qui justifie cette attitude attentiste et
prudente des gouvernements africains, ils peuvent d’ores et
déjà compter sur certaines organisations non
gouvernementales (ONG) du Nord, qui semblent ne pas voir
d’un bon oeil cette annulation de dette des pays pauvres.

Car,
ces ONG auraient plutôt préféré à la place de cet effacement de
créances, des aides aux Etats, basées sur le système des 3C,
c’est-à-dire conditionner, contractualiser et contrôler. Cette
méthode offre, selon ces organisations plus de garanties en
termes de résultats concrets et d’amélioration des conditions de
vie des populations.

La seconde raison de l’attitude des gouvernants des Etats
africains, pourrait tenir aux responsabilités que l’annulation de la
dette implique pour eux. Les fonds ainsi dégagés par cette
opération ne venant pas d’ailleurs, ils doivent d’abord travailler à
les réunir avant d’en jouir ; ne pouvant plus s’abriter derrière le
paiement de cette dette pour justifier leur incapacité à assurer
les besoins élémentaires des populations les gouvernants ont
le dos au mur et seront obligés de jeter les masques. Ils sont
en quelque sorte pris dans leur propre piège puisque
l’argument de la dette ne prévaudra plus.

En tout état de cause, cette manne supposée ou réelle
qu’entraîne l’annulation de la dette doit servir à quelque chose
de positif pour le bien-être des populations de ces Etats.

Mieux,
elle doit contribuer à se départir de l’aide occidentale. Ne dit-on
pas que la finalité de l’aide, c’est la fin de l’aide ? Ce qui signifie
la nécessité d’instaurer la bonne gouvernance et de lutter contre
la corruption qui gangrène la vie socio-économique des pays.

Le Pays

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