LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Démission de Me Sankara de l’Assemblée nationale :Jeu de poker ?

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h44min

PARTAGER :                          

Le lundi 06 juin 2005, le député Me Bénéwendé Stanislas Sankara de l’union pour la renaissance/Mouvement Sankariste ( UNIR/MS) a convié la presse- et les siens- à la salle de conférence VIP de l’hôtel Somkiéta, pour leur annoncer sa démission de l’Assemblée nationale. Ainsi, ce député vient de quitter l’hémicycle laissant donc le soin à un de ses suppléants de terminer son mandat qui court jusqu’en 2007.

Le désormais ex-député engagé dans la course pour la présidentielle de novembre 2005 entend se consacrer à cette échéance électorale. Une option qui n’est pas sans susciter de commentaires. Jusqu’où celle-ci pourrait-elle servir ou desservir les ambitions de son auteur ? Arrêt sur un jeu de Poker.

Cela fait trois ans que mon mandat de député a été validé et comme vous pouvez vous en douter, je voudrais vous surprendre sans vous étonner. En effet, je viens de déposer ce matin même, ma lettre de démission de l’Assemblée nationale, et bien sûr que cela entraînera aussi mon départ du Parlement panafricain. " C’est par ces mots que Me Bénéwendé Stanislas Sankara, député et président de l’union pour la renaissance/mouvement sankariste (UNIR/MS) a introduit sa déclaration liminaire rendue publique le lundi 06 juin 2005. Elu sur la liste de l’UNIR/MS de la région du nord aux législatives de mai 2002, le démissionnaire s’est senti le devoir de s’expliquer : "les raisons qui ont dicté ma démission sont fort simples.

Je veux me consacrer à la présidentielle et je crois fermement à l’alternance au soir du 13 novembre 2005.
J’estime que trois années d’activités parlementaires au cours desquelles j’ai pu exercer les fonctions de président de Groupe parlementaire et celles de membre du parlement panafricain m’ont permis d’avoir une expérience indiscutable de l’institution parlementaire et du travail législatif. " Les arguments ainsi servis seront-ils du goût de ceux " qui se sont battus corps et âmes en 2002 pour qu’il soit élu député " ?

Cette décision qui est tombée comme un couperet à la surprise générale même de certains proches de l’honorable député se veut un acte éminemment politique. Mais sera-t-il perçu ainsi ?

Des députés face à une opinion exigeante

Le titre de " député " (outre les avantages et les privilèges y afférant) rehausse le statut de celui qui le détient. Le groupe Alternance 2005 qui a désigné le député Sankara Bénéwendé comme un de ses trois candidats pour la prochaine présidentielle avait on se rappelle, une considération particulière pour ce titre au niveau de ses critères d’éligibilité.

De plus, le député comme chacun sait bénéficie de l’immunité parlementaire. Ce qui n’est pas rien dans ce pays où des poux sont souvent recherchés sur des crânes rasés. Dans le cas présent, n’eut été la couverture de cette immunité, Stanislas Bénéwendé qui se retrouve dans une procédure judiciaire se serait vu saisir ses biens. Les " bienfaits et les avantages " du siège de député aussi multiples soient-ils ne sont certainement pas méconnus du nouveau démissionnaire.

Il est vrai que la politique a ses raisons que la raison ignore et que tout en politique procède de stratégies et de tactiques. Il serait donc illusoire de croire que cette démission en constitue l’exception. C’est donc en toute connaissance de cause que l’intéressé a opéré son choix. En rappel, cet avocat venu officiellement en politique en l’an 2000 sait plus que quiconque qu’il doit sa relative percée dans l’arène grâce à sa carrière au barreau du Burkina qui lui à permis d’avoir entre les mains les dossiers sales et sensibles qui ont secoué et secouent toujours la république.

Avec les dossiers tels Thomas Sankara, X9, Faso Fani, David Ouédraogo puis Norbert Zongo lui a valu bien de sympathie dans l’électorat, toute chose que son parti a su plus ou moins capitaliser lors des joutes électorales de 2002. " ... J’ai été amené d’abord à faire de mon sacerdoce d’avocat un tremplin pour le faible, le pauvre et le laissé pour compte, ensuite à quitter le prétoire pour la rue, et la rue pour l’hémicycle " dresse-t-il lui-même comme itinéraire.

Seulement, une fois à l’hémicycle, la donne a incontestablement changé. N’y disposant pas de la majorité, les députés de l’opposition issus de la contestation sociale consécutive au quadruple drame de Sapouy ont été constamment sous les feux nourris de la critique de l’opinion. Moins parce que ces derniers, vu leur nombre, sont dans l’incapacité de produire " le miracle " pour le peuple, mais plus parce que dès l’entame de la législature, après s’être octroyé des émoluments assez importants, ils se seraient rendus coupables " d’un péché " en acceptant ou en ne refusant pas (c’est selon) certains privilèges. L’affaire des 3 millions de décembre 2002 et assimilées qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive en est un et il est même considéré comme étant le " péché originel ".
Si cela n’a pas rogné la dignité des honorables, force est de reconnaître que la gestion de l’affaire a obéré un tant soit peu l’estime de certaines grandes figures de l’opposition parlementaire.

Des raisons de démission

L’opposition parlementaire a assisté à la remise en cause de certains acquis des luttes citoyennes du Collectif qui ont engendré des réformes politiques consensuelles dont le plus illustratif est le code électoral.

Ce code consensuel qui a permi l’entrée à l’hémicycle de bon nombre de députés a été révisé le 27 avril 2004. Au nom des aspirations citoyennes du peuple dont la capitalisation leur a été confiée, Stanislas Bénéwendé et les autres députés issus de la contestation sociale auraient dû rendre leur tablier. Ils auraient créé non seulement une crise d’envergure mais politiquement ils en auraient récupéré des dividendes inestimables.

Courant 2005, rebondissement de l’affaire dite des 33 ex-travailleurs de X9. Bénéwendé est condamné à payer plus de 50 millions. Malgré son pourvoi en cassation, l’on tente de saisir ses biens. Si en 2004, lorsque ce qui semble bien être une cabale se goupillait, Bénéwendé avait choisi de remettre son mandat quitte à reprendre sa toge pour se défendre, cela aurait été une grande première et il en aurait tiré tout l’aura qui sied.

Vendredi 4 mars 2005, le Conseil des ministres décide de l’inversion du calendrier électoral, faisant passer les municipales deux mois après les présidentielles. Bénéwendé et ses camarades issus de la contestation sociale en restent à des dénonciations. Tactiquement, pour des présidentiables, l’occasion était trop belle pour ne pas faire un clash ! Le gain politique et électoral ne pouvait être qu’immense.

Pourquoi maintenant ?

En démissionnant pour " se consacrer à la présidentielle ", le candidat récoltera, à n’en pas douter des dividendes politiques grâce à ce choix. Etant entendu que les lettres de démission se comptent au bout du doigt dans ce pays, surtout à une certaine échelle de responsabilité, l’ex député a dû faire tilt aux yeux de l’opinion nationale. Mais jusqu’où perdurera cette grâce et quelle en est la marge électorale qui peut en sortir ?

Du reste, la candidature à la présidentielle n’est pas incompatible avec le mandat législatif. Si les raisons du démissionnaire sont celles de "se consacrer à la présidentielle" de novembre 2005, on s’explique difficilement qu’il veuille reprendre sa toge si rapidement. La mission d’avocat n’est elle pas plus accaparante que celle de député ?

Néanmoins, il faut reconnaître, que sur le plan médiatique, Stanislas Bénéwendé Sankara vient de marquer un grand coup même si son choix s’apparente tout de même à un jeu de poker.
Produira- t-il l’effet de 2002, c’est à dire à l’époque où il n’avait d’expérience que celle du prétoire et de la rue ?


6 juin 2005

Excellence, Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous prier de vouloir prendre acte de ma démission de L’Assemblée Nationale, pour compter de ce jour 06 juin 2005.

Vous remerciant très vivement d’avoir égard à la présente.
Je vous prie d’agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Maître Bénéwendé S. SANKARA

Ampliation :

Groupe Parlementaire Justice et Démocratie
Parlement Panafricain
SE UNIR/MS
Suppléant
Bâtonnier


A
Son Excellence Monsieur le
Président de l’Assemblée Nationale
Ouagadougou

Objet : Mon désistement du poste de 1er suppléant
De la liste UNIR/MS de la région du Nord

Excellence, Monsieur le Président,

A la suite de la démission de Maître Bénéwendé S. SANKARA, Président de l’Union Nationale pour la Renaissance/Mouvement Sankariste ( UNIR/MS) de son poste de Député à l’Assemblée Nationale en date du 6 juin 2005, et en application du code électoral, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir prendre acte de mon désistement du poste de premier suppléant de la liste UNIR/MS de la région du Nord.

Vous remerciant très vivement d’avoir égard à la présente,
Je vous prie d’agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Alphonse M. OUEDRAOGO
1er suppléant, liste UNIR/MS du Nord
Ampliation :
Maître Bénéwendé S. SANKARA
Groupe Parlementaire Justice et Démocratie
SE UNIR/MS
2ème suppléant

Par Bangba Nikiema
Bendré

P.-S.

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique