LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Chef de file de l’opposition : « Les avantages se font attendre »

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h53min

PARTAGER :                          

Le président de l’ADF - RDA et chef de file de l’opposition, Me Gilbert Ouédraogo, a rendu visite à notre journal le 10 juin 2005. Avant d’être reçu en audience par le directeur de publication, il a eu des échanges avec l’équipe de rédaction sur de nombreux sujets d’actualité, notamment la présidentielle 2005.

Le 10 juin dernier, Me Gilbert Ouédraogo, président de l’ADF - RDA et chef de file de l’opposition, accompagné du secrétaire à la communication de son parti, Nouhou Berthé, était des nôtres. Cette visite de courtoisie, le fils de Gérard Kango Ouédraogo dit la placer dans le cadre de contacts réguliers qu’il entend entretenir avec les différents organes de presse de la place.

Il estime que c’est un devoir pour lui, en tant qu’homme politique, de le faire. Car, dit-il, « Hommes de médias et hommes politiques sont des partenaires privilégiés ; même s’ils n’agissent pas dans le même domaine, ils œuvrent tous dans le sens de l’approfondissement de la démocratie ». Cette visite, faut-il le rappeler, qui était prévue une semaine plus tôt, n’avait pu se tenir à cause, nous a dit Gilbert Ouédraogo, de contraintes inhérentes à ses nouveaux habits de chef de file de l’opposition burkinabè.

Désormais, nous a-t-il appris, il a l’obligation d’assister à toutes les cérémonies officielles présidées par le chef de l’Etat ou le Premier ministre, et, dans l’ordre protocolaire, il vient après le président de la CENI. Mais de quels avantages autres que l’obligation d’être physiquement présent aux grands évènements jouit le président de l’ADF-RDA en sa qualité de chef de file de l’opposition ? « Les avantages ? Ils se font attendre ; pour l’instant, nous ne gérons que des inconvénients ».

Cependant, poursuivra-t-il, les textes qui fixent, conformément à la loi, le rang protocolaire, le local, le personnel ...sont disponibles. Mais de quel genre de privilèges Gilbert Ouédraogo a-t-il besoin pour assumer, comme il le dit, au mieux sa fonction de chef de file de l’opposition ? Pour lui, ce ne sont pas des sommes astronomiques. Il s’agit d’avantages surtout matériels : le local, un véhicule de fonction, le personnel, le protocole, un secrétariat et une équipe allégée ; toute chose qui servirait à toute l’opposition burkinabè, qu’elle soit « vraie » ou « gâteau ».

L’expérience canadienne pourrait s’appliquer au Faso

Comme pour nous convaincre, l’avocat et homme politique nous entretiendra longuement de l’expérience canadienne en la matière. « Au Canada, il y a un travail qui est fait pour assurer une certaine égalité entre l’opposition et le pouvoir » qui, de son point de vue, sont deux faces d’une même pièce et ont par conséquent les mêmes valeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que le contribuable canadien estime que ses impôts doivent servir non seulement à permettre qu’il y ait un gouvernement qui exécute la politique de la nation, mais également qu’il y ait une opposition qui soit forte et capable de proposer une alternative à la majorité.

Là-bas, nous a-t-il confié, les membres du gouvernement ou les députés de l’opposition sont tous des élus, et le chef de l’opposition est logé au Parlement, qui prend en charge tous les frais inhérents au fonctionnement du chef de l’opposition (l’appellation au Canada). Il a à sa disposition un budget pour recruter des chercheurs pour venir en appui à son cabinet fantôme. Ce qui lui permet d’apporter des critiques utiles aux actions qui sont menées par le gouvernement.

Dans ce pays, a-t-il fait remarquer, le chef de l’opposition est le vis-à-vis du Premier ministre et son crédit est même plus élevé que celui du président de l’Assemblée nationale. Avec son « Shadow cabinet », une sorte de gouvernement parallèle, il travaille à apporter des propositions alternatives à l’exécutif. Et l’alternance aidant, le Premier ministre peut se retrouver chef de l’opposition quand ce n’est pas ce dernier qui devient Premier ministre.

Et s’il y avait un second tour à la présidentielle, l’ADF-RDA va-t-elle donner, les yeux fermés, une consigne de vote pour le candidat de l’opposition qui arriverait deuxième quand on sait que l’Eléphant entretient des relations pas très cordiales avec les formations de « l’opposition vraie » ? A cette question de la rédaction, Me Gilbert Ouédraogo, sans détours, réplique : « Si nous sommes sur la ligne de départ et qu’il y a un second tour, nous ne pourrons pas ne pas y être ».

Il se demande d’ailleurs pourquoi les uns et les autres se focalisent sur les deux tours. Il faut, selon lui, faire non seulement une analyse préalable du scrutin, mais aussi des candidats qui peuvent éventuellement se présenter. Et à partir de cette analyse, on pourrait voir si avec le schéma actuel l’opposition est à même de l’amener à l’alternance et au second tour. Le maître de la parole estime qu’il faut, pour l’alternance, que l’opposition pense déjà à sa stratégie à partir du premier tour pour déterminer les actions envisageables, les formations les plus représentatives, capables de l’amener à un 2e tour.

Elle ne devrait donc pas attendre d’être face à un second round pour penser sa stratégie. L’opposition doit alors se retrouver pour évaluer ses forces réelles, à la lumière de ses acquis passés, puis décider de faire bloc derrière le candidat susceptible de conduire une alternance. Toute autre action, de l’avis du chef de file de l’opposition, ne pourra qu’entraîner un émiettement des forces de l’opposition et l’éloigner davantage de l’alternance.

A quel camp appartient Me Gilbert ?

Mais Me Gilbert Ouédraogo, désormais obligé, en tant que chef de file de l’opposition, d’inaugurer les chrysanthèmes avec l’exécutif, ne se sent-il pas parfois gêné d’être aux côtés des hommes du pouvoir pendant les cérémonies ? Sur la question, il pense qu’il y a un problème d’acception de la politique et regrette que l’image souvent donnée aux opposants soit celle de la démarcation physique : « N’est donc véritablement un opposant que celui qui n’a aucun lien avec le pouvoir ? », s’interroge-t-il.

Cette politique de la chaise vide dont sont coutumiers les opposants ne profite, à ses dires, qu’au pouvoir, à qui on laisse toute la latitude de faire ce qu’il vient et d’occuper tout seul l’espace. Il y a alors nécessité, selon lui, que l’on amène l’opinion à accepter que ce n’est pas parce que « nous côtoyons le pouvoir lors des cérémonies officielles que nous sommes d’accord avec celui-ci ».

Et d’ajouter que si en Angleterre le chef de l’opposition participe aux cérémonies officielles sans que cela ne porte préjudice à sa crédibilité, pourquoi cela constituerait un handicap au Burkina, surtout quand ces événements ne sont pas organisés au nom d’un parti politique, mais de l’Etat, dont tout le monde fait partie. Gilbert Ouédraogo, contrairement à ce que pense une certaine opinion publique burkinabè, estime donc que les hommes politiques doivent se côtoyer.

Cela ne doit pas les empêcher de se dire la vérité lorsqu’il s’agira de défendre les intérêts de la nation. Car le Burkina n’appartient ni à la majorité ni à l’opposition, mais aux citoyens burkinabè. Si on devait pousser loin dans cette logique, ajoute-t-il, on ne devrait même pas admettre que les députés de l’opposition siègent à l’Assemblée nationale avec la majorité.

Hamidou Ouédraogo
Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique