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France : La victoire du "non" provoque un coup de balai général au Quai d’Orsay

Publié le vendredi 10 juin 2005 à 08h09min

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Grand nettoyage de printemps au Quai d’Orsay. Non seulement les personnalités en charge des Affaires étrangères, des Affaires européennes et de la Coopération doivent abandonner leur portefeuille mais, plus encore, ils quittent le gouvernement.

Et sans doute pour longtemps. Exit donc Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, Claudie Haigneré, ministre déléguée aux Affaires européennes, Xavier Darcos, ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie et Renaud Muselier, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.

Juste retour des choses ? Sans doute. Le gouvernement vient de chuter sur un dossier qui le concernait dans sa totalité mais qui n’a pas été mieux défendu par ceux qui en avaient spécifiquement la charge. Ajoutons que Barnier est un proche de Jean-Pierre Raffarin et, plus encore, considéré comme un spécialiste des questions européennes ; bon technicien, peut-être ; mauvais politique, sûrement.

Quant à sa gestion (le mot est-il approprié ?) de la situation au Moyen-Orient (ramenée, pour l’essentiel, à la question des otages français), elle reste inénarrable tant a été grande sa naïveté. Ne parlons pas de l’Afrique ; il ne s’en n’est pas souciée (cf LDD France 0244/Vendredi 27 août 2004). Haigneré a géré le dossier européen avec élégance et plus encore d’ignorance ; mais c’est sans doute que personne ne lui avait expliqué que ministre c’est un job politique qui oblige à être terre-à-terre ; elle restait accrochée aux étoiles de la conquête spatiale, celles du drapeau européen lui ont été fatales (malgré un changement, en catastrophe, récemment, de son directeur de cabinet - cf LDD France 027I/Lundi 4 avril 2005).

Darcos a fait ce qu’il pouvait faire : rien ou pas grand chose. Il est vrai qu’il n’y a plus grand monde, dans la sphère politique française, pour se soucier de l’Afrique et que Darcos n’était pas préparé pour comprendre la Côte d’Ivoire, le Togo et le reste (cf LDD Spécial Week-End OI37/Samedi 7-dimanche 8 août 2005). Il y avait aussi Renaud Muselier qui, courageusement, est allé au charbon chaque fois qu’il le fallait, assumant un boulot ingrat pour lequel il n’a guère obtenu de considération ; encore moins de reconnaissance (cf LDD France 021I/Mardi 13 avril 2004).

Une nouvelle équipe prend en charge notre diplomatie. A laquelle Dominique de Villepin avait donné ses lettres de noblesse après que Alain Juppé et Hubert V édrine en aient fait un bel outil de travail. Depuis, en quelques mois, elle a perdu dignité et crédibilité. Il faudrait un miracle pour que, dans le contexte actuel, elle retrouve l’un et l’autre. Cela tombe bien, les miracles sont du domaine du nouveau patron du Quai d’Orsay : Philippe Douste-Blazy est né à Lourdes (il en a été le maire de 1989 à 2000) qui est, en matière de miracles, une référence internationale.

C’est ce que l’on peut mettre à l’actif de ce médecin, fils de médecin et petit-fils de pharmacien qui vient de l’UDF et veut le faire oublier en s’adonnant aux "petits boulots" régionaux au sein de l’UMP. Député européen (1989), député des Hautes-Pyrénées (1993), ministre délégué à la Santé sous Balladur (1993-1995), ministre de la Culture sous Juppé (1995-1997), maire de Toulouse (depuis 2001), ministre de la Santé et de la Protection sociale sous Raffarin (2004-2005), il voulait Matignon en 2002 et n’avait rien eu. Il a beaucoup d’un seul coup !

Au plan international, Douste-Blazy est un homme neuf. Totalement neuf. J’aurai l’occasion de revenir, très prochainement, sur son parcours. Ses pérégrinations politiques, de l’UDF à l’UMP, de Lourdes à Toulouse, de Balladur à Juppé puis de Raffarin à de Villepin sont (avec sa participation à un rallye de Monte Carlo) les seuls déplacements dont il ait été, jusqu’à présent, fait état. Ce qui limite sans doute sa vision des dossiers internationaux.

Mais Douste-Blazy voulait le Quai d’Orsay et l’a obtenu ; il ne sera peut être pas pire que son prédécesseur. Sauf que Bamier était un copain de Raffarin qui n’entendait pas grand chose non plus aux affaires internationales ; ce qui n’est pas le cas du nouveau premier ministre : Dominique de Villepin est plutôt pointu en la matière. Et il est tout à fait probable que le docteur Douste-Blazy va devoir surveiller son taux de cholestérol (une de ses spécialités) car s’il est le numéro trois du gouvernement (derrière Nicolas Sarkozy et Michèle Alliot-Marie), il ne sera qu’un vice-ministre des Affaires étrangères sous l’étroite tutelle du Premier ministre qui, lui, sait de quoi il parle quand il parle des relations internationales.

Sous tutelle du Premier ministre et de ses dames. Car Douste-Blazy se trouve encadré par deux ministres déléguées qui sont des diplomates de carrière, des femmes possédant une réelle expérience internationale et qui savent comment fonctionne le Quai d’Orsay. Plus encore, elles sont proches de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin. Douste-Blazy va donc avoir fort à faire avec deux "déléguées" qui connaissent leur boulot. Brigitte Girardin est en charge de la Coopération et de la Francophonie ; Catherine Colonna est en charge des Affaires européennes.

Ce sont toutes deux des "Chirac-girls" qui savent comment fonctionnent l’Elysée, le Quai d’Orsay et prennent le temps de potasser leurs dossiers. Certes, Girardin (cf LDD France 065/Mardi 9 juillet 2002) est surtout une spécialiste des Dom-Tom (mais c’est quand même mieux que l’axe Lourdes-Toulouse) et elle a été critiquée (au sein de son propre camp) sur son bilan : les "Chirac-Boys", version tropicalisée (Jacques Lafleur en Nouvelle-Calédonie, Gaston Flosse en Polynésie et, même si ce n’est pas exactement une "Chirac.Boy", Lucette Michaux-Chevry en Guadeloupe) n’ont pas été au mieux de leur forme quand elle était aux Dom- Tom.

Mais il faut retenir de son passage le vote d’une loi-programme qui semble avoir de l’impact sur la création d’entreprises et le reflux du taux de chômage dans les îles. De sa gestion des Dom-Tom, je retiens cette phrase : "On ne peut plus gérer ces collectivités d’outre-mer, qui sont à des milliers de kilomètres de Paris, comme on le faisait il y a cinquante ans".

Il va falloir que Girardin apprenne rapidement ce qu’est l’Afrique, les Africains et les relations franco-africaines. Le prochain sommet France-Afrique (à Bamako) se prépare dans les jours qui viennent, au niveau des ministres des Affaires étrangères, à Paris. Il y a l’interminable dossier ivoirien (où, comme il fallait s’y attendre, chacun aime encore à jouer un jeu dangereux), le Togo où tout est encore à faire ou presque, le Niger qui appelle au secours, etc. La chance de Girardin c’est que le Premier ministre s’appelle de Villepin (on sait son intérêt pour l’Afrique et son implication dans la recherche de solutions) et que le ministère de la Défense soit toujours entre les mains de Alliot-Marie puisque l’armée française y est plus que jamais en première ligne.

Dominique de Villepin, en bon napoléonien, a gardé auprès de lui quelques uns de ses grognards pour veiller au grain. A commencer par Bruno Le Maire qui était avec lui au Quai d’Orsay puis Place Beauvau ; il est encore là, à Matignon, en tant que conseiller spécial. Le Maire, auteur d’un livre qui est un agréable moment de littérature, un intéressant document sur les relations transatlantiques et, enfin, l’esquisse d’un portait de son patron, de Villepin (cela s’appelle Le Ministre et a été publié chez Grasset - cf LDD Spécial Week-End 0149/Samedi 30-dimanche 31 octobre 2004).

L’autre grognard est une grognarde et non la moindre. Il s’agit de Catherine Colonna qui se voit confier le dossier (ou ce qu’il en reste) des affaires européennes. Pas de souci pour elle : elle est incontestablement un des hauts fonctionnaires qui connaît le mieux, tout à la fois, Jacques Chirac, Dominique de Villepin, la politique étrangère de la France et les chefs d’Etat étrangers (cf LDD France 0247/Jeudi 30 septembre 2004).

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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