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Tchad : Deby sur les pas des timoniers

Publié le mardi 7 juin 2005 à 12h55min

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Hier lundi 6 juin 2005, plus de cinq millions de Tchadiens se sont rendus aux urnes pour se prononcer sur un projet de loi de révision constitutionnelle adopté en mai 2004 par l’Assemblée nationale.

La principale modification porte sur l’article de la constitution de 1996 qui interdit au président de cumuler plus de deux mandats.

Si le oui l’emportait, l’actuel président tchadien, Idriss Deby, arrivé au pouvoir par les armes en 1990, élu puis réélu au terme de deux scrutins contestés, en 1996 et en 2001, pourrait briguer un nouveau mandat en 2006, voire autant de fois qu’il le souhaite. Rien de surprenant en l’attitude de l’homme fort de N’Djamena, quand on sait que certains présidents putschistes, après avoir goûté aux délices du pouvoir et pour continuer à en jouir, avaient déjà ouvert la brèche en modifiant leur constitution.

En effet, il y a eu Blaise Compaoré au Burkina Faso, Omar Bongo du Gabon, qui disait à son homologue Kérékou du Bénin qu’il faut être bête pour organiser des élections et les perdre, Paul Biya du Cameroun et le défunt dictateur Gnassingbé Eyadéma du Togo.

Blaise Compaoré, lui, a fini par être contraint, par la crise consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, de battre en retraite. Mais la polémique se poursuit jusque-là sur le fameux article 37, car se pose toujours le problème de sa rétroactivité ou non. Et la liste ne fait que s’allonger. Mathieu Kérékou dont le pays, le Bénin, était cité comme un exemple de démocratie, se prépare lui aussi à une modification constitutionnelle pour briguer un autre mandat.

En tous les cas, après 15 ans passés à la tête du Tchad, Déby n’a pu se convertir à la démocratie. En témoigne la situation sociopolitique délétère qui prévaut dans son pays. « Ce cadeau n’est ni or, ni argent, mais c’est la liberté ». L’auteur de ce propos, qui n’est autre que Deby en 1990, passe pour être un démagogue, car au lieu de liberté, il l’a plutôt bâillonnée. Les militants des Droits de l’Homme mettent aujourd’hui sur son dos plus de 25 000 morts. Et ce serait réellement une surprise que celui-ci devienne démocrate.

L’homme est donc à la hauteur de ses péchés. Idriss Deby, à travers l’organisation de ce référendum, affiche clairement son intention de ne pas quitter le pouvoir de sitôt. Surtout que le Tchad, on le sait, vient d’entrer dans le cercle fermé des émirats pétroliers. Le dessein de Deby pourrait donc être de puiser son fuel jusqu’à ce que mort s’en suive. Si à 53 ans on veut pousser l’âge de la retraite de 70 à 90 ans, tout semble alors parti pour une présidence à vie.

Les puissances occidentales ont leur part de responsabilité dans cette frénésie à vouloir régner à vie dans nos tropiques. Et c’est dommage que les pires dictateurs en Afrique soient les plus courtisés par les puissances occidentales, certainement pour les richesses de leur pays, leur position géographique ou leur participation à la lutte contre le terrorisme, qui empêche certains de dormir. Ce qui n’est pas sans conforter les autres dans leur position de monarque absolu et qui se croient permis de s’encroûter eux aussi sur le trône.

L’opposition a beau crier comme un putois, personne ne lève le petit doigt. Pas même les Américains, qui sont pour beaucoup un exemple de démocratie. Tel est le cas du Tchad. Le régime Déby, aujourd’hui, semble se jouer de l’intelligence de l’opinion nationale et internationale en choisissant le mode référendaire au lieu de la voie parlementaire. En cas de victoire du oui, on devine aisément le refrain que le pouvoir va entonner : « ce sont les résultats des urnes et c’est le peuple qui l’a voulu ».

Ils sont rares en Afrique ces dirigeants qui veulent céder le fauteuil présidentiel à d’autres. On ne peut donc s’empêcher de louer ceux qui ont eu le courage d’accepter que le destin peut les appeler aussi ailleurs. La tentation étant trop forte de rester une fois arrivé au pouvoir.

Le problème est complexe voire cornélien : on devient souvent l’otage d’un cercle de courtisans qui ont peut-être plus intérêt à ce que vous restiez ou on a peur qu’après son départ on ne réveille de vieux contentieux. Malgré tout, il y a des oiseaux rares. Les chefs d’Etat qu’on cite en exemple jusque-là demeurent, dans la sous-région, Alpha Omar Konaré du Mali, John Jerry Rawlings du Ghana et Abdou Diouf du Sénégal. Kérékou, lui, est parti par la voie des urnes.

Mais aujourd’hui, son péché, c’est de vouloir remanier la loi fondamentale pour être président à vie. Ce serait le comble. Pourtant aujourd’hui, on est bien édifié sur les conséquences des règnes à vie en Afrique. On n’a pas besoin d’aller chercher tant les exemples foisonnent : Zaïre, Côte d’Ivoire, Togo, etc., qui étaient considérés comme des îlots paradisiaques, sont devenus des échantillons d’enfer.

Mais le tombeur de Hissène Habré n’en a cure. Dans son pays, le Tchad, sauf tremblement de terre, la victoire du oui est certaine. Il n’a pas fini ses « vastes chantiers ». L’opposition tchadienne, qui n’est pas dupe, a déjà qualifié la journée d’hier de jour de « deuil nationala » et avait appelé au boycott du scrutin.

Hamidou Ouédraogo

L’Observateur

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