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France : Vers une recomposition de la classe politique

Publié le lundi 6 juin 2005 à 07h35min

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Le "non" des Français au projet de Constitution européenne en même temps qu’il consacre la fracture entre classes dirigeantes et "pays profond" français, va entraîner nécessairement une redistribution des cartes politiques dans la perspective de l’élection présidentielle de 2007.

Après le changement de gouvernement intervenu la semaine dernière en France, les ministres démis de leurs postes ont littéralement rués dans les brancards pour certains. Michel Barnier, ex-ministre des Affaires étrangères a laissé entendre de façon très peu diplomatique, que la débâcle de son camp ne lui incombait pas (il est reproché à Barnier de n’avoir pas su expliquer la Constitution européenne à ses compatriotes) mais que "les raisons étaient à rechercher ailleurs".

Ambiance glaciale donc lors de la passation de service entre lui et son successeur, Philippe Douste-Blazy, lequel est resté stoïque face à cette attaque en règle dirigée contre son patron Jacques Chirac. Le ministre de l’Education démis, François Fillon, est lui allé plus loin dans la rupture avec Chirac en affirmant que l’on ne "retiendra rien" du passage de ce dernier à l’Elysée à l’exception des "réformes" qu’il a entreprises. Puis d’ajouter qu’en le démettant, Chirac a fait de lui "un directeur de campagne avant l’heure" pour Nicolas Sarkozy.

Et c’est là que l’on touche à ce qui apparaît comme le "nœud gordien" de ce nouveau gouvernement et au-delà, de toute la droite (de l’UMP du moins) française à l’heure actuelle. Chirac qui veut des réformes a-t-il réellement fait le bon choix en associant Sarkozy et de Villepin dans un gouvernement qui dispose par ailleurs, de si peu de temps pour agir ?

On peut se le demander, car, en sus de leur "cordiale inimitié", les deux hommes caressent le rêve de devenir "califes à la place du calife". Et, comme ils sont opposés sur des questions fondamentales qui vont être mises forcément en débat en ce moment où la fracture sociale est béante, l’on se demande s’ils ne vont pas paralyser l’action du gouvernement sur l’autel de leurs ambitions personnelles.

Quand Sarkozy voudra parler de "discrimination positive" en faveur des régions les plus défavorisées et de financement des communautés religieuses par l’Etat, de Villepin, lui, invoquera l’unité de l’Etat Français et sa laïcité. Deux démarches, économique et sociale qui, avec la "lourdeur" des réformes à entreprendre vont déboussoler les français qui auront ainsi plus de raisons de le faire payer à la droite dans deux ans. De quoi donner raison à ceux qui prétendent que Chirac a prévu cet "attelage" pour qu’il "se casse la gueule" afin que lui-même puisse briquer un troisième mandat faute de candidat crédible. Une hypothèse plausible mais surréaliste, Chirac apparaissant "fini" après ce coup d’assommoir qui vient après plusieurs revers.

Querelle de légitimité à gauche

Mais la politique étant le domaine de "l’ondoyance", le scénario peut se réaliser avec un autre "revenant", Lionel Jospin dans le rôle de champion de la gauche. Car, si la droite est déchirée avec cette guerre des chefs et François Bayrou de l’UDF qui cultive sa différence (son parti a refusé de rentrer dans ce gouvernement "d’union nationale") à gauche, la situation n’est guère reluisante.

On peut même affirmer qu’après la retraite (?) de Lionel Jospin après le séisme d’avril 2002, il n’y a plus de chef légitime. Bien sûr, François Hollande est le boss du Parti socialiste, mais il n’est jamais arrivé à imposer son magistère sur celui-ci à l’instar d’un François Mitterrand voire de Lionel Jospin.

Laurent Fabius, Dominique Stauss-Kahn, Henri Emmanuelli voire Segolène Royal (compagne de François Hollande), tous revendiquent l’héritage. Laurent Fabius a la "légitimité historique" avec lui pour avoir été de tous les combats avec Mitterrand, ce qui explique le courant glacial qui a toujours soufflé entre lui et François Hollande.

Avec son éviction du bureau national (la Convention nationale en a ainsi décidé le week-end dernier) la guerre jusque-là feutrée va devenir ouverte.

Fabius s’est en effet contenté de dire que "le bureau aurait dû suivre la volonté des militants exprimée à travers le "non" du 29 mai 2005".

Vers une France des extrêmes

Sous-entendu, c’est lui qui "incarne" désormais cette volonté. Gauche et droite classiques sont donc dans la tourmente, ce qui pourrait faire basculer la France vers les extrêmes, ainsi que la présidentielle de 2002 le laissait entrevoir.

Il vous souviendra qu’hormis le "hold-up" opéré par Jean-Marie Le Pen lors de ce scrutin (second avec un peu plus de 20 % des suffrages exprimés) l’extrême gauche, toutes tendances confondues, avait obtenu un score honorable (10 %).

On a vu après le référendum du 29 mai 2005, Olivier Besancenot et Arlette Laquillier se poser sinon en alternative crédible du moins en aiguilleurs de conscience d’une France qui n’a plus confiance aux repères traditionnels. Quant aux souverainistes de Philippe de Villiers, c’est à peine s’ils ne réclament pas l’héritage gaulliste face à la droite classique qualifiée "d’inerte et sans idées".

Pour avoir préparé la fracture sociale et l’avoir mal gérée (souvenez-vous de la canicule qui a tué de nombreux vieux à l’automne 2003), la classe politique traditionnelle est en passe d’être désarmée. Aura-t-elle la capacité et l’imagination nécessaires pour rebondir ?

That is the question.

Boubakar SY
Sidwaya

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