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<I>La chronique du fou </I> : Elections en Afrique : La victoire en fraudant

Publié le vendredi 3 juin 2005 à 07h09min

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Comment se fait-il qu’en Afrique, les élections se terminent toujours par des vagues de véhémentes indignations de l’opposition et d’approbations hystériques des thuriféraires des hommes du pouvoir ? En France, le récent référendum sur la constitution européenne est passé comme une lettre à la poste et n’a donné lieu à aucune contestation quant aux résultats.

Comparaison bien sûr, n’est pas raison. Cependant, ceux qui aiment singer la patrie de la Déclaration universelle des droits de l’homme devraient s’inspirer de l’exemple français, à moins de reconnaître tacitement que cela ne les arrange pas. Déjà au Burkina, si l’on en croit certaines informations, des soupçons de tripatouillages de documents électoraux, d’inscriptions parallèles, de falsifications, de dispenses d’âge à la pelle et de faux et usage de faux ont fait leur apparition. On peut alors se demander à qui profitent ces élections au rabais, ce "vote des bêtes" sauvages dont parle Amadou Kourouma.

En Afrique, l’on a le sentiment que les élections sont organisées uniquement pour se donner bonne conscience et présenter à l’extérieur un vernis démocratique et contenter les bailleurs de fonds qui, à travers leurs observateurs des scrutins, délivrent à l’occasion, un satisfecit. Après tout, cette démocratie n’est pas destinée aux citoyens français, britanniques ou américains.

Pourquoi alors le citoyen occidental se flagellerait-il les méninges pour déterminer le sexe de la démocratie en Afrique ?

D’ailleurs, cette démocratie estropiée fait l’affaire des dirigeants occidentaux qui craignent qu’à l’issue d’élections libres et transparentes, des changements n’interviennent pour modifier leurs rapports avec les anciens dirigeants qui sont par ailleurs sous-tendus par des réseaux mafieux.

Plutôt que de dépêcher ponctuellement une cohorte d’observateurs dont l’impartialité semble douteuse, l’Occident devrait, dans l’intérêt des citoyens africains et de la démocratie, équiper les différentes commissions électorales en technologie de pointe qui permettrait de diligenter le traitement des résultats des scrutins.
En tout cas, un tel équipement permettrait de limiter les fraudes et rendre peu convaincant l’argument du manque d’équipement pour organiser de bonnes élections. Tout se passe comme si l’Afrique était dans une autre planète.

C’est ainsi qu’il est arrivé qu’on attende des semaines pour connaître les résultats d’une consultation électorale. Pour l’instant, certains dirigeants africains n’ont pas peur de porter le bonnet d’âne de la malgouvernance. La seule peur de ces dirigeants, c’est la perte d’une élection avec toutes les incertitudes qui pourraient en découler pour leur propre avenir politique. Mais, à qui la faute ?

Chacun est appelé à être récompensé au centuple de ses actes, bons ou mauvais. Les dirigeants africains devraient plutôt avoir honte que plus de quarante ans après les indépendances, ils n’aient pas cette capacité ou cette volonté d’anticipation pour se donner les moyens, ni matériels ni financiers, pour organiser de bonnes élections. Cet état de fait relève plus de la mauvaise foi que de simples questions d’intendance. Sinon, comment expliquer que l’on trouve des moyens pour organiser de grandioses ripailles, toutes choses qui n’apportent rien au vécu quotidien de l’immense majorité des citoyens ? Le drame de l’Afrique, c’est d’avoir affaire à une classe politique dont les animateurs sont tous interchangeables, opposants comme partisans du pouvoir. Dans ces milieux, personne ne croit véritablement aux élections.

Faire la politique ne relève pas d’un acte de conviction, de patriotisme, d’un désir de servir la nation et les citoyens, mais obéit plutôt à la rapacité de se servir. On comprend alors la fatigue des gens d’élire les mêmes hommes qui se comportent, lors de chaque élection, comme une caste prédestinée qui a droit à tout et ne craignant pas de proclamer haut et fort que la majorité des citoyens n’a droit à rien.

Dans un tel contexte, la désaffection vis-à-vis des élections reste la seule arme des citoyens. Découragés et fatigués de voir leurs voix détournées par les mêmes usurpateurs, ils ne peuvent que bouder les urnes. Ceux qui profitent de ces entorses seraient cependant imprudents de croire que cela pourrait s’inscrire dans la durée. Les troubles et les violences qui accompagnent les après-élections en Afrique sont des signes avant-coureurs d’un séisme plus profond auquel n’échappera personne, dirigeants comme opposants.

L’Afrique d’en bas ne saurait éternellement supporter une classe politique qui transforme, à chaque élection, la démocratie en cadavre exquis pour une infirme minorité qui s’en sert pour écraser les autres. Pour qu’il y ait l’avènement d’une véritable démocratie, celle qui est une et indivisible et non celle parée aux couleurs locales, pourquoi ne pas adopter une démarche de proximité ? Celle qui met directement en contact l’électeur et le candidat ; ce qui implique qu’on se débarrasse du mode d’élection actuel qui parachute d’illustres inconnus sans étoffe dans des circonscriptions électorales ; ce qui suppose l’abandon des scrutins de liste et l’adoption du scrutin uninominal qui permet à l’électorat d’avoir une meilleure visibilité avant d’accomplir son acte civique Cette démarche en tout cas, surtout dans le cadre des élections locales, permettrait à l’électorat de voter en toute conscience.

Parallèlement, il faudrait travailler à changer les mentalités, car en Afrique, plus que les programmes de société que certains politiciens n’ont souvent d’ailleurs pas, les gens votent pour faire plaisir à un individu. Si en Occident, il ne revient à l’idée de personne de frauder en votant doublement, en Afrique, beaucoup croient fermement qu’ils accomplissent un acte citoyen en écoutant des recruteurs de tout acabit qui ne roulent que pour leurs intérêts égoïstes.

Quant à l’opposition, elle devrait se départir de ses éternelles lamentations et de ses cris derrière le voleur tout ne faisant rien pour l’arrêter.

Le Fou

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