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25 ans après l’Appel historique de Ouagadougou : Les acquis de la Fondation Jean-Paul II

Publié le vendredi 3 juin 2005 à 07h39min

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La Fondation Jean-Paul II pour le Sahel vient de fêter ses 20 ans au service des populations. L’Appel historique de Ouagadougou, émis il y a 25 ans de cela, a été réaffirmé afin que l’élan de solidarité constaté au départ soit plus agissant aujourd’hui.

25 ans après, la Fondation, malgré les acquis considérables dans la recherche du bien-être des populations, souffre de la baisse drastique de ses fonds.

Il y a 25 ans retentissait cet appel strident du cœur du Pape Jean-Paul II : "D’ici, de Ouagadougou, du centre d’un de ces pays que l’on peut appeler les pays de la soif, qu’il me soit donc permis d’adresser à tous, en Afrique et au-delà de ce continent, un appel solennel à ne pas fermer les yeux devant ce qui s’est passé et ce qui se passe dans la région sahélienne".

20 ans après la création de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, la ferveur généreuse des débuts est tombée. Aujourd’hui, au service des populations du Sahel, la Fondation, malgré sa bonne volonté, n’arrive plus à satisfaire les nombreuses demandes de financement de projets.

En effet, comme l’a souligné le secrétaire général de la Fondation, l’abbé Fulgence Coly lors de la messe du 25e anniversaire de l’Appel historique, la générosité doit être réactualisée. "Malheureusement, malgré l’engagement des gouvernements des pays africains de la zone sahélienne et de la communauté internationale, la situation de ces régions continue à être préoccupante".

La famine, l’accès à l’eau potable demeurent des problèmes récurrents. L’Appel historique de Ouagadougou a permis de créer la Fondation Jean-Paul II depuis 1984. Or, comme le relève le rapport au Saint Père des 20 ans de la Fondation : "Depuis la création de la Fondation en 1984 jusqu’en 1992, ce sont les intérêts cumulés de 1981 à 1984 (période de réflexion pour trouver la formule de la Fondation) qui ont servi pour le financement des projets".

Pourtant, avec l’épuisement de ses intérêts cumulés, la Fondation fut réduite à travailler avec les seuls intérêts annuels ordinaires très insuffisants face à une demande de plus en plus forte. Donc, l’appel de Jean-Paul II doit "retentir aujourd’hui plus que jamais à travers le cœur des âmes sensibles de bonnes volontés partout dans le monde". La baisse des fonds a des conséquences sur le financement des projets.

Projets dont les réalisations permettent aux communautés bénéficiaires d’être toujours plus responsables de leur développement harmonieux et intégral. De ce fait, il est urgent de se faire l’écho du pape Jean-Paul II qui repose actuellement au Ciel : "La solidarité humaine doit se manifester pour venir au secours des victimes et des pays qui ne peuvent faire face subitement à tant d’urgences.

C’est une question de charité pour tous ceux qui considèrent que tout homme et toute femme est un frère et une sœur dont les souffrances doivent être portées et allégées par tous", avait-il déclaré. Et avec fermeté et clarté de lancer : "la solidarité, dans la justice et la charité, ne doit connaître ni frontières ni limites".

Faire naître de nouvelles formes de générosité

Il est utile et nécessaire que "le monde sache que l’Afrique connaît une profonde pauvreté : les ressources disponibles sont en déclin, la terre devient stérile sur d’immenses surfaces, la malnutrition est chronique pour des dizaines de millions d’êtres humains, la mort emporte trop d’enfants". Et le cri du cœur du pape Jean-Paul II d’interroger "Est-il possible qu’un tel dénuement ne soit pas ressenti comme une blessure au flanc de l’humanité entière ?".

Durant ces 20 ans d’activités, la Fondation n’a cessé d’être aux côtés des populations. Elle a financé de multiples projets allant de l’alphabétisation (fournir aux populations rurales, des armes nécessaires à leur participation effective à la lutte contre la pauvreté) à la création d’infrastructures socioéconomiques. Dans le cadre de la recherche de la sécurité alimentaire et de l’amélioration des conditions de vie, de nombreux paysans ont été soutenus dans les domaines de l’élevage de bétail, de volaille, de la pêche, de la plantation d’arbres fruitiers et de la culture maraîchère.

De l’an 2000 à 2004 inclus, la Fondation a financé 1 155 projets pour un montant total de 7 milliards 669 millions 784 mille 394 francs CFA. Tous les 9 pays bénéficiaires (Cap Vert, Gambie, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Burkina Faso) ont vu des projets financés. Au Burkina Faso en général et à Ouagadougou en particulier, l’Organisation catholique pour le développement économique et social (OCADES) traite les dossiers des projets. En 2003, des réalisations (forage, salle de formation, activités génératrices de revenus) ont été financées au profit respectivement du groupement "Tuuda Sida Naar-laado" de Saponé, la paroisse Saint-Guillaume de Tanghin, le groupement féminin Pengdwendé de Kombissiri. Des fonds de crédits aux femmes, aux unités de production de craie au profit de l’Association des jeunes malvoyants et aveugles du secteur n° 1 de Ouagadougou ont été financés en 2000.

Aujourd’hui, le problème de l’accès à l’eau potable demeure l’une de ses préoccupations majeures. Dans la hiérarchie de ses domaines d’intervention, le domaine hydraulique a été récemment reclassé en 2e position alors qu’il occupait jusque-là le 4e rang.

Ce rapport relève que les demandes de points d’eau (forages, puits, retenues d’eau) ne cessent d’affluer et le comité des projets se trouve souvent contraint de le rejeter simplement par manque de fonds.

En tout état de cause, la Fondation Jean-Paul II est accessible à tous sans exception et sans condition de religion. Malgré les difficultés financières, les projets sérieux bénéficient toujours d’appui selon OCADES diocésain de Ouaga. Néanmoins, informe-t-elle, les bénéficiaires doivent être de plus en plus conscientisés au sujet de la gestion des financements de manière à garantir au mieux la bonne exécution des projets, mais tous ceux-ci ne pourront se poursuivre qu’avec la participation des plus nantis en faveur des plus démunis.

25 ans après l’Appel historique de Ouagadougou, le Pape Jean-Paul II, depuis le Ciel continue de lancer :"Tous je vous en prie, écoutez cet appel, écoutez ces voix du Sahel et de tous les pays victimes de la sécheresse, sans aucune exception. Et à vous tous, je dis "Dieu vous le rendra".

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)


Monseigneur Thomas Kaboré, représentant Jean-Paul II apprécie

Sidwaya (S). : Monseigneur, 25 ans après l’Appel historique de Ouagadougou émis par le Pape Jean-Paul II qui a permis de créer la Fondation, quels bilans faites-vous ?

Monseigneur Thomas Kaboré (Mgr T.K.) : Globalement, la Fondation en termes de chiffres a distribué 11 milliards dans les neuf (9) pays du Sahel (Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Burkina Faso). 4 milliards de ces fonds ont financé des projets dans le seul pays du Burkina. Au conseil d’administration, est représenté un administrateur de chacun des 9 pays suscités. Les communautés burkinabè sont les plus nombreuses à soumettre des projets et à solliciter les financements pour leur mise en œuvre.

Mieux, le siège de la Fondation est à Ouagadougou. Aussi, chacun des 13 diocèses du Burkina a soumis un ou plusieurs projets à l’approbation du conseil d’administration. Le nombre de projets soumis par pays n’étant pas limité, alors beaucoup de projets ont été sollicités pour le financement du lancement des associations des différents diocèses du Burkina.

S. : Quels sont les secteurs d’activités qui ont bénéficié du soutien de la Fondation pour la réalisation de leurs projets ?

Mgr T.K. : Dans les projets soumis à la Fondation, nous privilégions en général la formation. Des bourses d’études ont été offertes à cet effet à des Burkinabè pour des études à l’étranger. Des agents fonctionnaires de l’Etat burkinabè ont même bénéficié de bourses d’études de la Fondation Jean-Paul II pour des formations à l’étranger. De nos jours, beaucoup d’organismes européens n’acceptent plus de donner les bourses pour aller en Europe.

Les bourses d’études coûtent cher mais la Fondation accepte de le faire. En plus de cela, la Fondation s’occupe des problèmes hydrauliques. Entre autres, la création des forages. Elle met l’accent aussi sur la formation des groupements villageois et l’alphabétisation.

S. : Que deviendra la Fondation Jean-Paul II après le décès du Pape ?

Mgr T.K. : En fait, la Fondation n’était pas liée au Pape Jean-Paul II. Suite à son appel de Ouagadougou, le 10 mai 1980, des pays se sont mobilisés de par le monde entier pour apporter leur soutien aux pays du Sahel. Parmi ces pays, la contribution de l’Allemagne a été très forte. Lorsque le Pape en visite en Allemagne a réitéré son appel, les Allemands y ont répondu massivement. Toute l’Allemagne a amassé des fonds qui, ajoutés à ceux récoltés à travers les autres pays d’Europe et du monde ont permis d’ouvrir un compte bloqué. Et ce sont les intérêts générés par ce fonds qui sont distribués dans les 9 pays du Sahel en fonction des projets. Au temps où la bourse marchait en Europe, le bénéfice généré s’élèvait à plusieurs centaines de millions. Ce fond a alors été remis par le Pape aux évêques du Sahel qui se sont organisés pour créer une fondation.

Cependant depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la bourse en Europe a chuté et la Fondation n’arrive plus à générer suffisamment d’argent. Dans ce genre de situation, comme il faut éviter de toucher le capital, la Conférence épiscopale italienne est venue en soutien. Chaque année, elle ajoute une somme d’argent au capital afin qu’il reste intact et continue à générer des bénéfices. Donc, la Fondation demeure. Elle est tributaire de la marche de l’économie mondiale. Cependant, notre souhait est que le capital soit renflouer davantage.

S. : Monseigneur "Ne fermez pas les yeux sur ce qui se passe et ouvrez vos cœurs à la générosité..."25 ans après, que vous inspire cette parole du Pape Jean-Paul II ?

Mgr T.K. : Cette phrase me permet de constater que les problèmes subsistent. La situation demeure inchangée. Les pays pauvres deviennent de plus en plus pauvres. C’est le résultat de l’égoïsme. Tous les jours, l’Eglise dans sa mission ne cesse d’appeler les gens à se convertir. Paul VI disait qu’il faut se hâter, trop d’hommes souffrent et la distance s’accroît entre pays pauvres et pays riches. L’économie du monde se développe en faisant des pauvres.

S. : "Que l’Afrique cesse d’être seulement objet d’assistance pour devenir sujet responsable d’échanges convaincus et productifs". Peut-on affirmer aujourd’hui que cet appel a eu un écho favorable auprès des Africains ?

Mgr T.K. : Il est difficile de faire un bilan de cet appel. Pour le moment, l’union n’est pas très visible entre les Africains. L’ambiance générale cependant est toujours cette recherche du développement. Et comme le dit la phrase, cela ne se fera pas sans les Africains eux-mêmes. Ce n’est pas de l’extérieur que l’on nous fera sortir de la pauvreté. Les riches créent la richesse pour eux et non pas pour les autres. Alors il faut une certaine prise de conscience chez les Africains afin de se développer. Ils doivent se donner les moyens de se développer. Le développement est possible. Selon la sagesse, la clairvoyance, l’ingéniosité des uns et des autres, l’on peut amener les individus à se développer. Mais, il faut d’abord qu’ils soient persuadés qu’ils ont les moyens de se développer. Le développement n’est pas une question de millions et de milliards. Nous devons mettre notre intelligence au profit de la bonne gestion du peu que nous avons. Il faut déjà tirer parti de nos maigres ressources.

Je suis persuadé qu’il faut avoir la volonté de se développer et se donner les moyens de se développer.

S. : Pour vous Monseigneur, quel est le domaine prioritaire sur lequel mettre l’accent pour se développer ?

Mgr T.K. : L’éducation. Et cela je l’affirme sans hésiter. Parce que dans une masse de 72% d’analphabètes, vous aurez beau injecter tous les millions possibles, il n’y aura pas de développement. Si les gens sont éduqués, s’ils vont à l’école, et maîtrisent leurs langues et la langue française, ils pourront proposer des projets valables et crédibles.

La compréhension du langage du système leur permet de s’intégrer au système. De là, l’on peut espérer tirer bénéfice de leurs actions. La formation n’est pas seulement technique et théorique, elle est aussi pratique. Dans les domaines de la technologie, il faut y mettre les moyens afin de faire un bond qualitatif dans le développement de notre pays.

S. : Dans quel domaine de la formation, la Fondation met-elle l’accent ?

Mgr T.K. : Par exemple dans mon diocèse, lorsqu’un groupement demande de l’argent pour acheter des motos-pompes en vue de cultiver des tomates, etc, il soumet le projet. Lorsque les fonds sont disponibles pour exécuter le projet, nous leur proposons de leur envoyer un technicien de l’agriculture qui identifiera tous les problèmes qu’ils ont. Ce technicien alors, sera chargé de former les membres du groupement sur la culture des tomates et même sur les spéculations. Cette formation non seulement est technique mais aussi pratique sur tout ce qui se rapporte à la culture de la tomate : le marché et les produits à utiliser. Il faut exploiter la technologie disponible à l’agriculture. Par ailleurs, lorsque la production est surabondante et qu’il y a des problèmes d’écoulement, il faut chercher une alternative afin que les produits ne pourrissent pas.

Alors, la formation pourra permettre de montrer comment transformer et conserver la production. Il y a l’exemple du séchage et du conditionnement des produits. Les groupements, grâce à leurs fonds, payent ces formateurs. Ainsi, des groupements sont venus nous demander 3 à 5 millions de francs CFA pour leurs travaux. Aujourd’hui, ils ont des chiffres d’affaires de 10 millions.

S. : Au vu des acquis et des insuffisances de la Fondation, si l’appel devait être renouvelé, sur quels aspects mettriez-vous l’accent ?

Mgr T.K. : C’est amasser beaucoup d’argent. Cela reste inchangé parce que l’argent est le nerf de la guerre. Nous en appelons pour plus de justice et de paix. La solidarité doit être agissante. Si les pays se tapent et se cassent la figure c’est parce que certains ont le sentiment qu’ils n’ont pas part au gâteau. Il faut une solidarité pour combattre la faim et la misère dans le Sahel et partout en Afrique. La loi de l’intérêt ne doit présider au mépris de la vie humaine. Il faut qu’il y ait une certaine volonté de se pencher en faveur des pauvres pour une plus grande justice.

S. : Monseigneur, l’Eglise vient d’avoir un nouveau Pape, Benoît XVI. Pour vous qui est-il et quelles sont vos attentes par rapport à son pontificat ?

Mgr T.K. : Le Pape Benoît XVI est le cardinal Joseph Ratzinger, un grand théologien. C’est un expert des conciles. Il a participé activement à l’organisation du concile Vatican II avant même qu’il soit nommé cardinal. Il a été le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Le Pape Benoît XVI est un homme qui a l’esprit très ouvert. Paradoxalement, les gens pensent qu’il défend rigoureusement la foi. Mais quand on défend la foi avec un esprit pénétrant, on est ouvert. Je pense que Benoît XVI est un Pape qui va nous permettre beaucoup d’ouvertures et de rencontres. La mission de l’Eglise catholique reste toujours la même : inviter l’humanité à se convertir. Car, quelqu’un a dit que lorsqu’on se converti à Dieu, la connaissance de Dieu engendre l’amour.

Interview réalisée par Daouda Emile OUEDRAOGO (Ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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