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Référendum du 29 mai en France : Chirac victime aussi de sa politique africaine

Publié le mercredi 1er juin 2005 à 07h42min

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Le non massif des Français au référendum sur la Constitution européenne suscite des réactions dans les pays partenaires de l’hexagone. En témoigne cet écrit d’un lecteur.

Le virus de « L’égo-susceptocratie »

Chouette ! L’admirable peuple français a massivement voté NON contre, non pas l’Europe, mais le traité constitutionnel qui devait jeter les bases d’une Europe plus politique, ressemblant plus à une Europe du capital, du profit et de la mondialisation débridée qu’à une Europe des peuples.

Le tort de ce traité, que d’aucun considèrent pourtant comme le plus avancé à ce jour depuis le début de la construction de l’Europe unie, au début des années cinquante (milieu du siècle dernier), est qu’il a été élaboré presque exclusivement par ceux qu’un Henri Emmanueli, « dissident » du Parti socialiste français et grand chantre du voter NON, appelle « l’élite bureaucratique politico-médiatique » qui se croyait dépositaire de la souveraineté populaire, avec au passage le droit de faire le bonheur de ces peuples malgré eux.

Selon la plupart des analystes, c’est le déficit de communication ou la mauvaise politique de communication de l’équipe de Jacques Chirac, le refus de prendre en compte les réserves des « petites gens » sur plusieurs aspects du traité constitutionnel européen, comme l’accroissement du chômage lié aux délocalisations d’entreprises, qui expliquent surtout la raclée infligée à Jacques Chirac et compagnie.

Malgré les dénégations, l’on s’accorde à dire que le Non d’environ 55% des Français était moins contre le traité européen qu’un carton rouge contre la politique menée par Chirac depuis dix ans qu’il est à l’Elysée. Bref, des querelles et des règlements de comptes Franco-français apparemment loin des préoccupations « alimentaires » concrètes qui sont le lot de pays africains en voie d’appauvrissement continu comme le nôtre, pour cause de mauvaise gouvernance (malgré les chiffres biaisés sur la croissance qui ne trompent personne). A première vue donc, on ne saurait établir aucun lien entre le non du 29 mai du peuple français et ce qui se passe chez nous.

A première vue seulement, car j’y vois une conséquence des mauvaises habitudes et fréquentations de la vieille classe politique « gauloise » aux affaires à Paris, qui, à force de fermer les yeux sur les turpitudes de nos rois nègres, d’encourager le bâillonnement des peuples du pré carré français d’Afrique, a fini par attraper le virus de « l’égo-susceptocratie » : une étrange maladie tropicale qui pousse tout dirigeant à être allergique à toute critique, surtout venant des simples citoyens, qui feraient mieux de ne pas se mêler de ce qui les regarde !

Or donc les dirigeants français, à force d’imposer leurs desiderata aux peuples du pré-carré via leurs valets locaux, ont fini par croire (les mauvaises habitudes sont vite prises) qu’ils pouvaient se comporter ainsi en métropole avec leurs propres populations dont ils pourraient ignorer les points de vue ou les mises en garde. Jusqu’à ce qu’un référendum (qui est de loin une forme d’expression de la volonté du peuple plus démocratique que les votes de certains de ces parlements qui « parlent et mentent ») viennent leur rappeler que la France, ce n’est pas l’Afrique.

Une Afrique où les dirigeants peuvent se permettre de ratifier n’importe quel texte, envoyer des troupes guerroyer pour des causes inavouables sans en référer à leurs peuples ou à leurs supposés représentants qu’on met le plus souvent devant le fait accompli en leur demandant de légaliser a posteriori des actes parfois inqualifiables.

Si vous m’avez suivi, vous voyez donc pourquoi je dis qu’il y a un lien, si ténu soit-il, entre la déroute de Jacques Chirac au référendum sur l’Europe et sa politique africaine (voyez par exemple la perpétuation du martyre du peuple togolais ou le cas centrafricain...). On ne peut s’habituer à faire chaque fois une chose chez soi (pratiquer la démocratie) et son contraire ailleurs (la réduction au silence des peuples du pré carré, pourvu que les intérêts des grands monopoles français soient saufs) sans finir par attraper le virus d’une maladie répandue sous les tropiques, dont les signes cliniques sont : la banalisation voire le mépris hautain de l’opinion du simple citoyen, l’élevation au rang de dogmes de l’infaillibilité, de la non-contestation du chef et de ses moindres désirs. De ce point de vue, il y a lieu pour nous de ne pas désespérer au regard du NON franc et massif du peuple français lors du référendum du 29 mai 2005.

Qui sait si, après avoir rappelé à l’ordre ses dirigeants pour leur chevauchée solitaire dans la construction de la nouvelle Europe, le peuple français n’essaiera pas de voir d’un peu plus près ce que ses dirigeants commettent en Afrique en son nom, pour demander que là aussi les choses soient recadrées ; qu’à l’instar de l’Europe des peuples, que les français désirent, la coopération France-Afrique devienne elle aussi plus celle des peuples que celle des gouvernants ou des exploiteurs.

Vivement donc que le magnifique peuple français utilise ce droit référendaire (sous nos tropiques on ne se risque au jeu du référendum que pour faire avaliser la Constitution, et encore !) pour chasser sa vieille classe politique et ses relais locaux afin de permettre l’instauration d’une vraie forme de coopération au bénéfice réciproque des uns et des autres. Une coopération aux antipodes de celle menée jusque-là et qui, depuis une quarantaine d’années, a plus fait le bonheur de ceux qui nous gouvernent (aussi bien chez nous que chez vous) que celui de nos peuples. Cela aussi vaut bien un référendum.

M.K
L’Observateur

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