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Remaniement gouvernemental en France : Un air de déjà vu

Publié le mercredi 1er juin 2005 à 07h33min

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Après le "Non" massif de ses compatriotes à la constitution européenne et ainsi qu’il l’avait promis, le président français Jacques Chirac a remanié son équipe gouvernementale "pour faire face aux défis du futur". Le choix de Dominique de Villepin, fidèle parmi les fidèles sonne comme"un changement dans la continuité", ce qui n’augure rien de bon devant l’énormité de la tâche.

On n’aura de cesse de le dire, si les Français ont voté "Non" à la constitution européenne, c’est d’abord et avant tout qu’il existe un "désamour" (le mot est faible) entre "pays réel" et élites dirigeantes.

C’est dire que les Français n’attendent plus grand chose de ces "marchands d’illusions", incapables de calmer leurs angoisses et dont les beaux programmes n’empêchent pas un taux de chômage élevé (10%) et une stagnation économique qui confine à la récession. Dans cette occurrence, la nomination de Dominique de Villepin au poste de Premier ministre en remplacement de Jean-Pierre Raffarin, ressemble à un "non évènement" tant le profil des deux hommes se rejoignent à quelques différences près.

Tous les deux sont en effet des "apparatchiks" attachés au président Chirac, même si de Villepin, et c’est sa première faiblesse, ne jouit pas et n’a jamais joui de "l’onction" populaire au contraire de Raffarin le baron de Tours qui a lui aussi laissé son fief à Legolène Royal lors des dernières régionales en 2004. L’ex-ministre de l’Intérieur n’est donc pas un "homme du peuple", lui qui doit toute sa notoriété politique à Chirac.

Il vous souviendra qu’aussitôt élu à la présidence en 1995, Chirac l’avait aussitôt coopté comme secrétaire général de l’Elysée, un poste prestigieux à partir duquel il avait la haute main sur les dossiers "sensibles" de l’Etat français. Une situation qui a déplu fortement aux caciques du RPR dont Alain Juppé, le Premier ministre de l’époque trouvant le secrétaire général de l’Elysée trop "envahissant", voire arrogant par moments.

Un SG qui n’en avait cure, sûr de sa technicité (de Villepin est reconnu comme un bosseur et un homme de dossiers) et surtout du fait qu’il avait l’oreille du "boss". La longue traversée du désert que connaîtra son patron (1997 - 2002) du fait de la dissolution ratée lui fera perdre un peu de sa superbe même s’il aura des escarmouches avec le directeur de cabinet de Lionel Jospin sur le "domaine réservé" de l’Elysée, entendez les questions ayant surtout trait à la défense et à la diplomatie.

De Villepin, faute de mieux

Une constance dans la défense des intérêts du grand patron qui lui vaudra d’être récompensé lorsque revint le temps des vaches grasses (après la présidentielle de 2002) lui qui héritera du maroquin prestigieux de ministre des Affaires étrangères.

Là aussi, de Villepin fera preuve de la même flamboyance, notamment sur le dossier irakien et dans la crise ivoirienne, même si dans ce dernier cas, sa diplomatie à la "hussarde" n’aura pas eu tous les résultats escomptés. Cela lui vaudra d’ailleurs d’être "débarqué" du Quai d’Orsay pour aussitôt remplacer Sarkozy "l’ennemi intime" au ministère de l’Intérieur.

Un Sarkozy qui commençait à être populaire avec sa politique efficace de lutte contre l’insécurité et la résolution des problèmes existentiels des agents de sécurité. A la place Beauveau, Dominique de Villepin expérimentera toujours sa démarche mi-populo, mi-technocratique en formant un tandem avec son collègue garde des Sceaux sur des questions délicates telles que la garde à vue, le désengorgement des prisons... Avec ce profil d’homme lige du président, l’on se demande comment il peut engager la révolution escomptée sans nuire à l’image du "big-boss".

Car et nous n’y trompons pas, si Raffarin a échoué, c’est parce que Chirac l’a voulu, le président ne voulant pas voir son image écornée par des réformes impopulaires. La remise en cause du modèle social français, impératif de survie pour une économie française exangue et un budget qui ne cesse de "déraper" (2 milliards d’euros de déficit l’an dernier) ne peut se faire sans soulever une bronca généralisée et de Villepin qui sera confronté à son premier mouvement syndical dès demain, sera bientôt payé pour le savoir.

Or, nous l’avons dit, c’est un impératif de survie avec le trou de l’assurance - maladie qui prend des proportions abyssales (12 milliards d’euros). La "chance" de de Villepin c’est que Chirac n’a plus rien à attendre en matière de popularité (à travers sa cravate noire, il portait le deuil dès sa première allocution post-référendum) son souci du moment étant de léguer à son successeur un Etat "débout", compétitif et qui tienne toute sa place dans l’économie globalisée.

Dit autrement, ce n’est plus l’histoire événementielle qui préoccupe un président moralement et physiquement usé, mais l’image que la postérité gardera de lui. Villepin aura donc les coudées franches pour "inventer" l’avenir et si cela passe par une potion amère, les Français la boiront jusqu’à la lie, eux qui ont "trahi" le vieux chef. Une façon aussi de rendre hommage à ses prédécesseurs Juppé et Raffarin dont le sacrifice n’aura pas été vain.

A Dominique de Villepin de démontrer que "l’air ne fait pas la chanson".

Boubakar SY
Sidwaya

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