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Général Sangoulé Lamizana : Qui était-il ?

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h24min

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L’homme que le Burkina pleure depuis la nuit du jeudi 26 mai 2005 est né en 1916 à Dianra dans la province du Sourou. A 18 ans, il se retrouve sous les drapeaux, enrôlé de force dans l’Armée française par un commandant blanc du Cercle de Tougan qui n’aimait pas sa tronche comme il l’écrivit, des années plus tard, dans le tome 1 de ses mémoires fort justement intitulés "Sous les drapeaux".

Etiquetté pourtant "engagé volontaire", il est envoyé au Mali puis au Sénégal et s’est retrouvé à 2 reprises (en 1950 et en 1954) sur le front des combats en Indochine et autant de fois (en 1956 et en 1959) en Algérie alors en guerre pour se libérer du joug français.

Au fil des ans, "l’engagé volontaire enrôlé de force" vole de grade en grade. Caporal de la Coloniale en 1939, le tirailleur Lamizana passe sergent en 1940 et ensuite adjudant en 1946. Trois ans plus tard, il est sous-lieutenant. La montée dans la hiérarchie se poursuit avec les passages au grade de lieutenant en 1951, de capitaine en 1957. En 1961, l’enfant de Dianra est fait commandant ; en 1964, ce sont des galons de lieutenant-colonel qu’il arborait avant de les troquer, en 1973, contre ceux de général de corps d’armée après avoir été successivement général de brigade et général de division.

L’homme qui a tiré sa révérence à 89 ans est avant tout le père de l’Armée nationale dont il s’est vu confier, en 1961, alors qu’il dépendait toujours de l’Armée française, la "rédaction des documents de base, la conception des tenues et les attributs nécessaires".

Et c’est tout naturellement que lui ont été confiées les rênes de sa "chose" avec sa nomination, le 1er novembre 1961, au poste de chef d’état-major général des Armées. C’est à ce poste d’ailleurs qu’il accède à la présidence de la République de Haute-Volta sans avoir à tirer un seul coup de feu le 3 janvier 1966. Et cela à la suite d’un soulèvement populaire contre le régime de feu Maurice Yaméogo en place depuis l’indépendance.

Renversé par son parent

Venu au pouvoir de façon inattendue, il y restera 14 ans au cours desquels il se singularisera par des ouvertures démocratiques, dans un contexte africain de monopartisme, en 1970 et en 1978. Elu président de la République au 2e tour en cette année-là, son mandat de 5 ans a été brutalement interrompu, le 25 novembre 1980, par le colonel Saye Zerbo, son frère d’armes et parent samo. Malgré ce double lien, il n’échappa pas à une assignation à résidence surveillée puis à un internement au Camp de l’Unité jusqu’au renversement, le 7 novembre 1982, de son parent et de son Comité militaire pour le redressement et le progrès national (CMRPN).

Mais il n’était pas au bout de ses peines car si le Conseil de salut du peuple (CSP), dont les rênes ont été confiées au médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo (dans la clinique duquel le général a rendu son dernier souffle), l’a libéré des géôles du CMRPN, c’est pour le mettre dans les siennes jusqu’en mars 1983. La liberté recouvrée ne signifie pas pour autant la fin des tracasseries car après la prison, il va falloir affronter la justice.

Le 3 janvier 1984, s’ouvre le procès du tombeur de Maurice Yaméogo un certain 3 janvier 1966 devant un tribunal populaire de la Révolution (TPR) présidé par Halidou Ouédraogo, président de la Cour d’appel de Ouaga. Le père de l’Armée burkinabè devait répondre du chef d’accusation de détournement de deniers publics notamment des fonds spéciaux ou secrets et des enveloppes financières à l’occasion de ses missions en tant que président de la République à l’extérieur du pays.

Au bout de 3 jours d’un procès retransmis en direct à la Radio nationale, El Hadj Sangoulé Lamizana a été acquitté. Depuis ce jour de 5 janvier 1984 où, écrit-il dans ses mémoires, il venait "enfin de finir de manger son pain noir", il n’a plus eu de démêlés notables ni avec le Conseil national de la Révolution (CNR), ni avec le Front populaire de Blaise Compaoré encore moins le pouvoir de la IVe République.

Disponible et pas rancunier

Malgré ce qu’il a vécu comme épreuves, le général était toujours disposé, jusqu’au dernier jour de sa vie, à rendre service à la Nation sans rancune. C’est ainsi que, sous le CNR d’abord et par la suite sous le Front populaire, il a présidé aux destinées de l’Union nationale des anciens du Burkina (UNAB). En 1999, il est membre du Collège des sages créé au lendemain de la crise socio-politique consécutive à l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo et de 3 de ses compagnons.

Autre front de combat sur lequel il s’est engagé : la promotion d’une culture de la tolérance et de la paix au Burkina en acceptant d’être membre du comité créé par le ministère de la Promotion des Droits humains pour piloter une étude lancée officiellement en mars dernier en vue d’élaborer une stratégie à cette fin.

A propos toujours de tolérance, il faut signaler que le ministère de la Promotion des Droits humains a décerné au défunt général en novembre 2003, l’Etoile d’or de la tolérance. Une distinction qui vient s’ajouter à tant d’autres décernées tant sur le plan national qu’à celui international.

Au cours de sa retraite, il ne s’est pas seulement contenté de s’occuper de sa femme, de ses 7 enfants ainsi que de ses petits-enfants. L’illustre disparu a consigné les grands événements de sa vie, ses mémoires donc, dans 2 ouvrages à savoir "Sous les drapeaux" (tome 1), Prix Robert Cornevin de l’Académie des sciences d’Outre-mer en décembre 2000 et "Sur la brèche trente années durant" (tome 2).

De véritables mines d’informations sur sa vie et l’histoire politique du Burkina léguées à la postérité et dans lesquelles ont été abondamment puisés les éléments de la présente bibliographie. Signalons que El Hadj Aboubacar Sangoulé s’en est allé au moment où la Commune de Ouaga s’apprêtait à donner son nom à l’avenue passant devant l’Hôtel Indépendance. La cérémonie était prévue pour hier matin.

Par Séni DABO
Le Pays

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