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La leçon d’intégrité et du sens de l’Etat

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h16min

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Quel message le général Sangoulé Lamizana a laissé après sa disparition, le 26 mai dernier, à Ouagadougou à l’âge de 89 ans ? Quel héritage cet illustre disparu, qui a imposé respect et sympathie par son sens élevé de l’Etat, son intégrité, lègue-t-il à la postérité ?

Il n’est pas aisé de répondre à ces questions tant l’homme a été, en tant que militaire et chef d’Etat, au cœur de l’histoire de la Haute-Volta et du Burkina Faso. Et cela, pendant de longues années. Le général Lamizana a laissé à la disposition des Burkinabè en particulier et de manière générale à tous ceux qui s’intéressent à la vie de ce pays ses mémoires ("Sous les drapeaux" et "Sur la brèche, trente années durant"). Ces mémoires quoique centrés sur sa vie sont riches en enseignements.

Près de quarante ans après son arrivée au pouvoir, suite à un soulèvement populaire, nombre de Burkinabè se souviennent encore de ses premiers mots. On retient de celui, qui était à l’époque lieutenant-colonel et chef d’état-major des forces armées, ces propos selon lesquels il n’est d’aucune région et qu’il est tout simplement Voltaïque.

Avait-il besoin de tenir ces propos ? Certainement. Le contexte sociopolitique le commandait car la Haute-Volta est un Etat jeune. Autrement dit, il faut compter avec l’existence de réflexes régionalistes et tribalistes. En déclarant qu’il est tout simplement un Voltaïque, ce n’était point seulement pour rassurer ; il traçait là toute une ligne de conduite, toute une conception de la gestion du pouvoir d’Etat.

Durant ses quatorze ans à la tête du pays, personne ne peut lui reprocher d’avoir trahi sa pensée. Il n’a jamais divisé les Burkinabè pour exercer le pouvoir, bien au contraire.

L’armée nationale dont le général a été le chef et le père-fondateur a été toujours été une armée nationale, une institution qui s’est située hors des querelles partisanes, régionalistes et ethniques. Quand on sait que dans nombre de pays, surtout africains, les armées sont devenues des bras sinon des ailes des partis au pouvoir où se côtoient les frères, les cousins et les neveux des dirigeants, il y a lieu de saluer le général Lamizana pour avoir préservé l’armée d’un danger aussi mortel pour l’unité nationale.

C’est de cette même manière qu’il a géré l’administration publique où la compétence et le sens du service l’emportaient sur toutes autres considérations. Sous Lamizana, on a vu, dans l’administration, ce qu’on verrait rarement sinon pas du tout ailleurs : des agents ouvertement opposés à un pouvoir occuper des postes élevés de responsabilité. Parce que le général voulait tout simplement l’imagination, la compétence au pouvoir malgré les risques que certains utilisent leurs postes à d’autres fins qu’à servir l’intérêt général.

Si cette politique a été possible sous le régime militaire, elle ne le fut ni sous la IIe République (1970-74) ni sous la IIIe (1978-80). Sous ces régimes-là, il n’y avait pas de salut pour ceux qui ne militaient pas dans le parti au pouvoir. Ils furent des périodes d’instabilité politique qui ont fini par emporter le général Lamizana malgré toute sa volonté de servir son pays dans la paix et la démocratie.

De démocratie, parlons-en justement. Ceux qui soutiennent qu’un militaire en l’occurrence Sangoulé Lamizana ne pouvait être démocrate devraient réviser leur position. Même si on ne peut partir du cas particulier de Lamizana pour généraliser, reconnaissons que les Voltaïques ont joui sous son pouvoir de l’essentiel des libertés dont celles d’opinion, d’expression, de réunion, de regroupement syndical, politique, etc. D’aucuns pourraient soutenir que l’existence de ces seules libertés ne fait pas la démocratie. A cette étape de l’histoire politique du pays dans un environnement extérieur où on ne tolérait, à quelques exceptions près, aucune manifestation d’opposition au pouvoir, il y a lieu de dire que la Haute-Volta n’était pas un enfer.

Encore une preuve : Sangoulé Lamizana s’est retrouvé en 1978, à une élection présidentielle au second tour face à M. Macaire Ouédraogo qui aurait pu le battre s’il n’avait eu in extremis le soutien de "vieux barrons du RDA (Rassemblement démocratique africain)". Un chef d’Etat africain (de surcroît un général) contraint par les règles d’une compétition qui s’est voulue libre, transparente et démocratique à un second tour face à un "inconnu" : Lamizana a pourtant subi cette dure épreuve. Et cela dans une Afrique où nombre d’Etats ignoraient ou ne voulaient même pas ces genres de compétition.

D’aucuns pourraient donner à tous ces faits peu d’importance politique. Certains affirment que le bilan de Lamizana n’a pas été des meilleurs. Il y en a pour dire que c’est sous Lamizana, que le Burkina a eu une guerre en 1974 avec le pays frère du Mali. Une guerre que les Maliens et les Burkinabè du reste regrettent amèrement aujourd’hui parce qu’ils pouvaient l’éviter.

L’histoire se chargera de dresser avec plus d’exactitude le bilan de Lamizana. Les Burkinabè reconnaissent qu’ils ont perdu un monument ; l’amour, la générosité, l’intégrité, la sobriété personnifiés. Avec Lamizana, c’est un mythe dans le collectif des Burkinabè qui s’en va, un symbole, une référence, comme l’a déclaré le président Blaise Compaoré, tout ému, dans son oraison funèbre.

Bessia BABOUE
Sidwaya

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