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Décès du Général Sangoulé Lamizana : Militaire jusqu’au cimetière

Publié le lundi 30 mai 2005 à 08h35min

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Décédé le jeudi 26 mai 2005 en début de soirée à l’âge de 89 ans, le général Aboubacar Sangoulé Lamizana, ancien chef de l’Etat, a été inhumé hier dimanche 29 mai dans le carré militaire du cimetière de Gounghin. Des obsèques nationales (en présence du président Blaise Compaoré) et populaires pour celui qui aura été, pour tous les Burkinabè, un bon père.

Hier matin, le général d’armée Aboubacar Sangoulé Lamizana n’a pas répondu à l’appel du président Jean-Baptiste Ouédraogo (JBO) qui lui rendait un hommage au nom des anciens chefs d’Etat. Il ne répondra d’ailleurs plus à aucun appel puisqu’il a rendu l’âme le jeudi 26 mai 2005 à 19h 25 à la clinique Notre-Dame de la Paix où il avait été admis le même jour à la suite d’un malaise.

Dès le lendemain, les autorités burkinabè ont décrété un deuil national de 72 heures (drapeau en berne, interdiction de manifestations sportives ou de réjouissances populaires, etc.) et annoncé que des obsèques nationales seront organisées pour le défunt. C’est, il faut le reconnaître, le moins qu’on pouvait faire pour celui qui, après avoir servi dans l’armée française qu’il a quittée avec le grade de capitaine, fut le fondateur de notre armée nationale dont il a été le premier chef d’état-major général avant d’en être, en sa qualité de président de la République, le chef suprême du 3 janvier 1966 au 25 novembre 1980.

Beaucoup de recueillement et d’émotion

Samedi nuit donc, la dépouille mortelle de l’illustre disparu, parée de fleurs et recouverte des couleurs nationales, a été transférée à la maison du Peuple pour une veillée funèbre qui a vu défiler le Tout-Etat, la haute hiérarchie militaire, les responsables coutumiers et religieux (les musulmans en tête), les représentants des organisations internationales et interafricaines ainsi qu’une foule d’anonymes qui ont conféré à ces obsèques son cachet populaire. Il est 8h 30 mn ce dimanche 29 mai 2005 quand Blaise et Chantal Compaoré arrivent dans la cour de la maison du Peuple où aux chants funéraires traditionnels (samos en l’occurrence) avait fait place la musique militaire. Beaucoup de recueillement et d’émotion.

De solennité aussi. Quand retentit la sonnerie aux morts, certains manquent d’écraser une larme. La crème de l’armée est là. Les moins gradés de ceux qui portent le cercueil, en tenue d’apparat, sont des... lieutenants-colonels. C’est le président du Faso en personne qui prononce l’oraison funèbre suivie d’une petite parade militaire de deux sections de la garde nationale dirigées à distance par leur chef de corps le lieutenant-colonel Jean-Calevin Traoré.

Puis le cortège funèbre s’ébranle vers la grande mosquée de Ouagadougou où la Oumah dira une petite prière pour leur correligionnaire sous la direction du grand imam Aboubacar Sana. On aperçoit également Mahamoudou Bandé, l’espèce de Savonarole de l’islam burkinabè. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle, les mollahs autorisent le chef d’état-major des armées, le colonel Ali Traoré, ainsi que les porte-cercueil à entrer chaussés dans la mosquée.

A côté du sergent Koussoubé

Au carré militaire du cimetière de Gounghin où la tombe du général Lamizana jouxte celle du sergent Djilou Koussoubé (1) - tout un symbole -, une foule immense de simples mortels est venue assister à l’inhumation en même temps que le président Blaise Compaoré. Place aux discours.

Celui de la famille d’abord représentée par une fille du défunt, Mme Dao/Mariam Lamizana (ne pas confondre avec le ministre de l’Action sociale) ; puis des anciens combattants lu par l’intendant militaire de deuxième classe à la retraite Mamadou Sanfo ; ensuite du général Tiémoko Marc Garango, le ministre des Finances, père de la "garangose", cette politique drastique de gestion des finances publiques et de rigueur budgétaire qui a eu cours sous Lamizana. Enfin, l’hommage au nom des anciens chefs d’Etat, de JBO, celui qui a, pour ainsi dire, recueilli le dernier soupir de son prédécesseur.

De Blaise Compaoré, philosophe (de la mort) à l’occasion à JBO un tantinet poète, en passant par Mariam Lamizana, naturellement filiale, la voix étranglée par la douleur et Mamadou Sanfo volontiers martial quand il égrène les prestigieux états de services du soldat Lamizana dans les rizières d’Indochine ou les djebels algériens, tous se seront attachés à mettre en exergue les grandes qualités de celui qui fait presque l’unanimité : le courage, le don de soi, la combativité du militaire ; la tolérance, l’amour de la paix, le dialogue et la démocratie du politique dont il faut espérer, a dit Jean-Baptiste Ouédraogo, que la génération actuelle d’hommes politiques saura s’inspirer ; la modestie, l’intégrité, l’amour du prochain, la générosité... de l’homme tout simplement.

Toutes choses qui en faisaient un être exceptionnel, de "ces hommes rares et chers que Dieu produit de temps en temps", JBO dixit. Un concert tous azimuts de louanges et d’hommages, mais pour convenus qu’ils aient pu paraître, rarement dythirambes posthumes auront autant collé à la réalité. Ce qui a fait dire à Blaise Compaoré, s’adressant au mort, que "la cristallisation de tant de vertus en votre personne vous a élevé au rang d’un véritable mythe dans l’imaginaire collectif des Burkinabè".

Mais si on devait regretter quelque chose, c’est que, vu l’âge vénérable du défunt, l’effusion populaire que confère la parenté à plaisanterie entre mossi et samo, comme celle, mémorable, qu’on a vécue aux obsèques du cardinal Paul Zoungrana, n’ait pas joué à fond. Sans doute la rigueur du protocole d’Etat et la raideur des militaires y sont-elles pour quelque chose. Notre consœur Henriette Ilboudo et d’autres militants de la parenté à plaisanterie ont certes fini par obtenir, en plus de quelques billets, un mouton, mais un cordon humain, ou plutôt de samos, cernait la tombe pour empêcher un quelconque mossi de s’y engouffrer.

Le dernier et le bon mot, est toutefois revenu au mossi Jean-Baptiste Ouédraogo qui a fait du samo Sangoulé Lamizana, "le chef de ce royaume particulier de Gounghin (le cimetière NDLR) où il n’y a ni grève ni révolte". Et à défaut de le coiffer, c’est sur le cercueil qu’il a posé le bonnet du nouveau chef qui a été enterré dans la plus pure tradition islamique, c’est-à-dire sans cercueil.

(1) L’unique militaire voltaïque tombé au front en 1974 lors du conflit frontalier avec le Mali.

Observateur Paalga, Ousséni Ilboudo

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