LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

30 ans de la CEDEAO : On attend des actes concrets

Publié le mardi 24 mai 2005 à 07h18min

PARTAGER :                          

28 mai 1975 - 28 mai 2005. Dans quelques jours, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) va fêter ses 30 ans. Après trente années d’existence, quel bilan tirer des activités de cette communauté économique africaine ?

Pour sûr, elle s’est beaucoup investie dans les règlements des conflits qui déchirent et défigurent l’Afrique. Côte d’Ivoire, Libéria, Sierra Léone, etc., elle a joué un rôle déterminant pour le retour au calme et à la paix.

Des expériences qui témoignent de la volonté de l’organisation sous-régionale de ne pas se confiner au seul rôle d’intégration économique du continent. Ces dernières années, en montrant qu’elle peut apporter sa touche particulière au rétablissement et au maintien de la paix, elle a apporté la preuve que les règlements des conflits peuvent trouver des solutions aussi africaines. Il convient à cet égard de reconnaître que cette organisation sous-régionale africaine, initialement créée pour favoriser l’intégration économique, a pu s’impliquer de manière croissante dans la résolution des conflits et le rétablissement de la paix.

Son propre intérêt n’est-il pas dans la stabilité de ses Etats membres ? Dernièrement, l’organisation a convoqué conjointement avec l’Union africaine, un sommet à Abuja en vue d’amener les acteurs de la vie politique togolaise à trouver une solution à la crise post-électorale au pays du défunt président Gnassingbé Eyadéma.

Reste qu’elle doit se montrer impartiale si elle tient à ne pas essuyer les critiques des populations pour lesquelles elle est censée travailler. En effet, on comprend mal qu’elle accepte de se satisfaire de la continuité du régime de Faure Gnassingbé, parvenu au pouvoir sur fond de contestation du scrutin du 24 avril dernier. Car, dans le communiqué lu au sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO, à Lomé, elle a appelé pratiquement l’opposition à prendre acte de l’élection de Faure Gnassingbé.

Reléguer au chapitre des pertes et profits toutes les exactions, intimidations, tueries et autres arrestations dont le régime togolais s’est rendu coupable, "relève d’une mauvaise foi évidente", a souligné l’opposition togolaise dont les représentants n’accordent plus grande confiance dans la CEDEAO. La logique voudrait qu’autant elle s’est battue pour le respect de la Constitution et pour que Faure fasse machine-arrière, autant elle devrait observer les dernières élections. Et pire, le fait qu’elle ait gardé le silence, malgré des élections qu’on dit avoir été empreintes de graves irrégularités, est le signe qu’elle accepte de maintenir Faure au pouvoir.

La CEDEAO a-t-elle pris la juste mesure du danger que représentent les mauvaises solutions qui n’apportent toujours que des conséquences dramatiques ?
Tout compte fait, cette attitude la décrédibilise. Elle pourrait être d’autant plus sur la sellette qu’elle a donné l’impression de mener une politique du deux poids deux mesures. A l’égard de Laurent Gbagbo, elle a pratiquement fait preuve de mansuétude.

Mais quoi qu’il en soit, c’est déjà un pas de franchi que d’avoir fait en sorte que les gestions des conflits et le maintien de la paix aient une touche de plus en plus africaine. Une paix qui se discute, cette fois-ci, sous l’arbre à palabres à l’africaine.

Mais, si sur cet aspect, la CEDEAO fait des efforts, il faut bien reconnaître que sur le dossier de la libre circulation des personnes et des biens, objectif majeur de la Communauté économique, elle semble avoir plié l’échine, si bien qu’on croirait qu’elle est beaucoup plus présente sur le terrain du règlement des conflits et qu’elle se donne des rôles beaucoup plus politiques qu’économiques. Depuis trente ans qu’elle existe, elle n’a pas réussi à lever les entraves liées à la libre circulation des personnes dans son espace.

Il est vrai qu’elle a institué un passeport CEDEAO qui devrait, en principe, permettre aux ressortissants des pays membres de voyager sans visa dans la sous-région. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre, les voyageurs étant toujours l’objet de rackets sur les différents corridors de l’espace CEDEAO.

Certes, des projets intégrateurs ont vu le jour, dans le domaine de la communication ainsi que du réseau routier. Mais le manque de performance de l’Organisation dans le domaine précis de la libre circulation des personnes, fait croire qu’elle est une coquille vide. Autre entrave, au niveau de la CEDEAO : la diversité des monnaies. A plusieurs reprises, elle a tenté de se réorganiser en gérant ses monnaies (8 monnaies au total circulant à l’intérieur du territoire), mais s’est heurtée à de graves difficultés.

En adoptant un programme de rattrapage de son "petit-frère" l’UEMOA, programme qui met l’accent sur la création d’une union monétaire entre les pays membres de l’UEMOA d’ici 2003, suivi d’une fusion entre cette union et l’UEMOA en 2005, l’organisation avait suscité des espoirs. Aujourd’hui, où en est le projet ? On attend toujours des signes tangibles. On a l’impression qu’après seulement 10 ans, l’UEMOA a fait ce que la CEDEAO n’a pu faire en 30 ans, du moins sur le plan économique. A l’UEMOA, les pays qui ne respectent pas les critères de convergence au sein de l’UEMOA sont rappelés à l’ordre.

Preuve que l’institution accorde une attention somme toute particulière à la santé économique de ses Etats membres. Mais tout comme ne l’a pas fait la CEDEAO à sa création, l’UEMOA doit faire attention aux Etats qui frappent à sa porte pour une adhésion. Certains pays frappent depuis à celle de la Commission européenne, notamment la Turquie, sans être assurée d’y entrer parce que la Commission se veut très exigeante. Nos organismes d’intégration devraient observer la même attitude de prudence pour ne pas entamer leur crédit. Elles ne devraient pas non plus perdre de vue que les populations attendent des actes concrets de l’intégration et non de vains mots.

Quant à la CEDEAO principalement, autant il lui faut jouer un rôle majeur dans l’intégration économique, autant elle doit véritablement être une CEDEAO des communautés sociales. Même si elle déploie des efforts en vue de l’extinction des conflits en Afrique, elle doit faire preuve d’anticipation, c’est-à-dire ne pas laisser les conflits éclater avant d’agir.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique