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Profanation du Coran à Guantanamo : Le tuyau percé de Newsweek fait des ravages

Publié le jeudi 19 mai 2005 à 07h27min

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Par leur spécificité et leur capacité à s’adresser au monde entier, les médias ont une grande responsabilité sociale qui, à notre sens, n’est plus à démontrer. Et les violences déclenchées suite à la publication le 9 mai 2005 par l’hebdomadaire américain Newsweek, ...

...d’un article où on apprend que les soldats américains ont souvent profané le Coran, livre saint des musulmans, pour faire craquer des détenus lors des interrogatoires sur la base militaire de Guantanamo, sont là pour convaincre tous ceux qui en douteraient encore.

Ces violences ont fait une quinzaine de morts et des centaines de blessés un peu partout dans le monde musulman, notamment en Afghanistan et au Pakistan, où les manifestants s’en sont pris aux intérêts américains.

Dans un court article, Newsweek avait affirmé que des boys avaient jeté des exemplaires du Coran dans les toilettes pour faire pression sur certains prisonniers du camp Delta, la prison de la base américaine de Guantanamo. Le canard a soutenu tenir cette information d’un responsable américain.

Suite aux violentes manifestations, le journal a dû se rétracter pour dire qu’il n’était plus très sûr de sa source et que, par conséquent, l’information pourrait être fausse. Mais le mal était déjà fait.

Ce qui peut étonner plus d’un, c’est que la presse anglo-saxonne dans son ensemble est réputée sérieuse, crédible, s’attachant plus volontiers aux faits et à leur vérification, remuant plus d’une fois la plume dans la main avant toute rédaction. On ne pouvait pas attendre d’elle une telle bavure.

Newsweek aurait-il était la victime d’une fausse source ? La question reste posée. Mais pour nombre d’observateurs, si le journal se rétracte maintenant, c’est qu’il subit une forte pression de la Maison Blanche. Depuis la publication de l’article incriminé, d’anciens détenus de cette prison soutiennent, ce qui était presqu’un secret de polichinelle, que cette pratique avait effectivement cours à Guantanamo.

Tout cela écorne davantage une image déjà fortement ternie des Etats-Unis d’Amérique dans le monde entier, notamment musulman. C’est certain que si cette gaffe avait été commise par un média africain, la communauté internationale lui serait tombée dessus à bras raccourcis, et lui aurait tiré les oreilles.

Mais cette mésaventure de Newsweek n’est pas sans rappeler cette autre qui est arrivée au très respectable Washington Post avec son reporter de guerre, Jason Blair, qui est resté dans un hôtel aux Etats-Unis, mais qui, tous les jours, faisait vivre aux lecteurs la terreur de la guerre d’Afghanistan avec de poignants témoignages d’Afghans qu’il n’avait pourtant jamais rencontrés. Du bidonnage en fait.

Que les affirmations de Newsweek soient justes ou fausses, cela n’enlève rien au problème posé. Les GI’s, qui ont le physique de l’emploi, ont montré plus d’une fois qu’ils étaient capables de telles énormités, n’écoutant que leur puissance, ne respectant rien ni personne, se fichant parfois comme d’une guigne des valeurs culturelles des peuples qu’ils soumettent ou pour la libération desquels ils disent être venus. Il n’y a qu’à se souvenir du scandale de la prison d’Abou Ghraïb en Irak, où ils ont mis à poil des détenus contraints de simuler des postures de fornication.

L’Oncle Sam ferait mieux d’enseigner à sa soldatesque le respect du prochain et de sa religion. Il est même bien payé pour le savoir, car si en Irak et en Afghanistan il y a toujours de la résistance et des attentats quotidiens, la dimension religieuse y est pour quelque chose. Il ne faut pas poser des actes susceptibles d’exciter négativement cette fibre religieuse qui peut saoûler et revigorer plus d’un modéré et gonfler à bloc plus d’un extrémiste.

Ce cas de Newsweek repose avec acuité la problématique de la responsabilité sociale des médias. « Nous pensions que notre information valait la peine d’être publiée, car un responsable américain affirmait que des enquêteurs en avaient trouvé la preuve », ont affirmé les responsables du journal. Ils n’imaginaient certainement pas les répercussions qu’aurait leur information dans les pays musulmans.

Dans tous les cas, on peut affirmer que Newsweek a fait ici preuve de légèreté. En effet, faut-il, au nom du principe que « rien de caché ne sera plus jamais secret » livrer en pâture des vies humaines ? That is the question.

San Evariste Barro
L’Observateur

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