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Commonwealth -Mugabé : La bagarre du loup et de l’agneau

Publié le mercredi 10 décembre 2003 à 10h16min

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Sacré Mugabé. Visiblement poussé dans ses derniers
retranchements par le maintien de la suspension de son pays
du Commonwealth, il n’a pas hésité à claquer "définitivement" la
porte.

Le leader de l’Union nationale africaine du Zimbabwe
patriotique (Zanu-PF) a préféré, selon ses courageuses
déclarations, préserver "la souveraineté" de son pays à la
"vassalisation au Commonwealth". Comme on s’y attendait, la
témérité de Robert Mugabé à aller jusqu’au bout de sa logique
résonne au sein de l’opinion occidentale comme un affront à
l’"ordre établi". Conformément à l’intolérante pensée unique,
l’opprobre est une fois encore jeté sur le président zimbabwéen
sans autre forme de procès. Pouvait-il en être autrement ?

En fermant la porte du dernier sommet d’Abuja à Harare, ceux
qui voulaient voir Mugabé courber l’échine ne s’attendaient
probablement pas à le voir mettre ses menaces à exécution.
Officiellement, il s’agissait de le contraindre au "respect des
principes démocratiques et à la réconciliation nationale". Mais
l’organisation des Etats anglophones a-t-elle réellement créé en
son sein, les conditions d’une discussion franche et impartiale
sur la situation du Zimbabwe ?

Visiblement allergique aux visées
patriotiques qui ont sous-tendu la réforme agraire engagée par
l’homme fort d’Harare, la Grande-Bretagne n’a-t-elle pas juré de
lui mettre les bâtons dans les roues ?

Le souci de "la démocratie, de la bonne gouvernance et du
respect des droits humains" que prétend défendre le
Commonwealth aurait voulu qu’on aille au-delà de la bagarre
circonstancielle qui règne entre Londres et Harare pour se
préoccuper des intérêts supérieurs de la nation zimbabwéenne.

Face aux difficultés politiques et économiques que connaît le
Zimbabwe, à l’instar de la plupart des pays en développement,
la Communauté internationale gagnerait à accompagner son
dirigeant dans la recherche de solutions idoines plutôt que de le
diaboliser. Mais, en faisant une fixation sur la personne du chef
de l’Etat qui, en fait, défend les intérêts de son peuple,
l’organisation anglophone apporte de l’eau au moulin de ceux
qui l’accusent d’être aux ordres de Londres.

En tout cas, les
divisions ne manquent pas sur l’attitude à adopter à l’égard du
Zimbabwe entre les pays adeptes de la "fermeté"
(Grande-Bretagne, Australie et Nouvelle Zélande) et les plus
proches voisins du pays de Mugabé que sont notamment
l’Afrique du Sud et le Mozambique. A la suite de la prolongation
de la suspension, le président mozambicain, Joaquim
Chissano, n’est d’ailleurs pas allé par quatre chemins. "Le
processus d’isolement ne résout pas les problèmes", a-t-il
déclaré dimanche dernier au cours d’un entretien à la BBC.

Une
discordance qui prouve que l’ombre de Mugabé a pesé sur le
sommet d’Abuja au point de provoquer une crise au sein du
Commonwealth. Mieux, sa décision de retrait définitif de
l’organisation ne manque pas de ternir l’image de cette
organisation que d’aucuns considéraient jusque-là comme plus
conséquente que son alter-ego francophone.

Une chose est peut-être de contester les conditions de la
réélection de Mugabé en 2002 ou encore de le traiter de
"dictateur". Mais combien sont-ils, les chefs d’Etat mal élus,
contestables et contestés par leurs concitoyens à qui l’on
déroule allègrement le tapis rouge à Londres ou à Washington ?

En quoi Robert Mugabé mériterait-il d’être mis au ban de la
communauté internationale plus qu’un Georges Bush des
États-Unis d’Amérique, Ben Ali de la Tunisie, Gnassingbé
Eyadéma du Togo, Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou
N’Guesso du Congo, pour ne citer que ceux-là ?

Si le premier a
poussé l’orgueil militaro-économique de son pays jusqu’à
annexer sans l’aval de l’ONU des territoires pourtant souverains,
les autres ne doivent en réalité leur estime qu’à la préservation
des intérêts d’un Occident régi par des valeurs à géométrie
variable.

Comme nous l’avons souvent relevé, le plus grand tort du
leader Zimbabwe n’est-il pas finalement de s’être offusqué du
fait que les 80% des terres fertiles du pays soient aux mains
d’une minorité blanche au détriment de la majorité noire ?
Pour avoir voulu, vingt années après l’indépendance de son
pays, corriger une injustice qui n’avait que trop duré, Robert
Mugabé s’est certainement attiré le courroux d’une ancienne
puissance colonisatrice à qui l’indépendance n’a de sens que
lorsqu’elle préserve ses intérêts.

Quoi qu’il en soit, les déboires de Mugabé semblent tenir
beaucoup plus de la logique "du loup et de l’agneau". A travers
le Commonwealth, malheureusement encore, c’est la raison du
plus fort qui semble la meilleure face à une Afrique victime du
déséquilibre dans la circulation de l’information.

Tant que les
dirigeants du continent noir n’arriveront pas à corriger ce
déséquilibre, les pays occidentaux auront beau jeu, avec leurs
puissants moyens de communication, de diaboliser à souhait
tout gouvernant africain qui se montrerait dangereux pour leurs
intérêts.

Le Pays

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