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A quand l’université Ki-Zerbo ?

Publié le mardi 17 mai 2005 à 07h27min

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André-Eugène Ilboudo, dans sa déclaration, soutient l’idée d’un devancier, Me Appolinaire Kyelem : cette idée consiste à baptiser l’université de Ouagadougou université Ki-Zerbo. Pour l’auteur, plusieurs raisons militent en faveur de ce choix.

Me Appolinaire Kyelem avait, dans un article, demandé que l’université de Ouagadougou soit baptisée Ki-Zerbo. Quelques-uns avaient trouvé l’idée lumineuse, mais le moment prématuré.

Consacrer une institution aussi prestigieuse comme l’université à un opposant, à une personne qui veut être César à la place de César, cela aurait été reconnaître la valeur de son vis-à-vis. Or en politique, il ne faut rien absolument rien, concéder à un opposant.

Lors d’un forum public, qui a eu lieu tout juste après la publication du livre du professeur Ki-Zerbo, "A quand l’Afrique", un député à l’Assemblée nationale avait osé nier, devant témoin, la valeur intrinsèque du professeur Ki-Zerbo. Pour lui, la reconnaissance quasi universelle du mérite de ce vieux n’est qu’une histoire de flagornerie de Blancs.

Il était allé jusqu’à renier la profondeur de sa pensée (il a pourtant reconnu à la suite de la discussion, qu’il n’avait pas encore vu, pas encore vu je dis bien, le livre dont il était question, et j’ai su aussi par la suite que notre honorable n’avait pas le BEPC). Bref, pour lui, l’opposant Ki-Zerbo n’est rien. C’était abrupt comme position, mais c’est comme cela.

Comme je pense que Me Kyelem ne fera pas de "l’acharnement médiatique", je me permets de reprendre sa suggestion pour au moins trois raisons, car aujourd’hui, je crois, sincèrement, que le temps est venu pour que notre université soit baptisée université Ki-Zerbo.

Commençons par la sérieuse objection. Ceux qui peuvent soutenir cette proposition sont des intellectuels. Or l’on sait que le combat entre intellectuels est plus féroce que le combat entre militaires.

Pas de négociation qui tienne ! Pas de concession ! Un de mes professeurs, malheureusement aujourd’hui décédé, soutenait avec foi que "Les intellectuels sont plus méchants que les militaires. Ils détruisent même ta postérité". Hormis cette maladive jalousie du "pourquoi lui et pas moi", tout milite pour la reconnaissance du prof.

"Ki-Zerbo ne gêne plus personne"

La première raison : Ki-Zerbo est le premier agrégé africain d’histoire. L’on peut ne pas aimer les diplômes. L’on peut même trouver à redire sur les intellectuels, soutenir avec raison que les intellectuels africains sont en fait le problème de l’Afrique au lieu d’en être la solution. Néanmoins, le professeur Ki-Zerbo est l’un des tout premiers à avoir réussi à un prestigieux concours, et il est de chez nous.

Proposons donc son exemple aux jeunes. La deuxième raison : c’est un homme qui a été constant dans ses choix. (Si j’avais approuvé la pertinence de ses choix, j’aurais milité dans son parti ; c’est donc dire que je ne juge pas ses choix).

Mais dans un monde où les jeunes sont déboussolés, manquent de repères, la constance du professeur Ki-Zerbo dans ses choix, dans sa démarche intellectuelle, peut être proposée aux jeunes. Comme l’histoire du caméléon de H. A. Bâ, disons aux jeunes : "Dans la vie, ayez un objectif, et même lentement et tout en vous balançant, concentrez-vous sur cet objectif".

La troisième raison : le vieux vient de tirer sa révérence en politique. Il est désormais inoffensif. Il ne gêne personne !

La quatrième raison, subsidiaire, est que bien qu’il ne faille jamais affirmer à un chef qu’il vivra 1000 ans sous peine que ses thuriféraires vous demandent "et à qui appartiendra le reste des ans ?", Ki-Zerbo ne peut plus vivre encore son âge. C’est pour cela qu’il est souhaitable que l’université de Ouagadougou devienne "université Ki-Zerbo de Ouagadougou". De son vivant. Un tel acte ne rabaisserait personne.

Dans la vie d’un peuple, il est toujours bon de reconnaître les mérites des hommes... quand ils sont encore vivants. N’attendons pas sa disparition pour nous quereller sa dépouille comme l’ont fait les Sénégalais à propos de C.A. Diop (tiens ! encore un autre professeur, un autre opposant, un autre de reconnu mondialement).

La distribution des médailles de la République sert-elle à quelque chose ? Chez Ki-Zerbo, cet acte n’aura aucune incidence sur la valeur indiciaire du salaire. Pendant cette semaine du CAMES, ce serait véritablement un hommage rendu à tous nos professeurs que de baptiser du nom du premier secrétaire du CAMES l’université qu’il a aidé à créer. Et Me Kyelem de conclure : "Et ce ne serait que justice !"

André-Eugène Ilboudo

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Vos commentaires

  • Le 17 mai 2005 à 14:31, par somwékré En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

    Et moi aussi d’ajouter avec vous que ce ne serait qu’une démarche clairvoyante et opportune, surtout en ce moment. Je souscris entièrement à la consécration de l’intellectuel, en oubliant l’homme politique souvent égaré et en excusant aussi le vieil homme intolérant qui a prêché au sein du collectif la haine, la vengeance et le refus du pardon, au mépris de la sagesse.
    Cela ne serait pas une consolation pour l’homme politique qui n’a connu que des échecs dans sa carrière politique, mais le sacre éternel de quelqu’un qui aura apporté quelque chose à la communauté scientifique internationale et que notre pays a eu le privilège (peut-être pas mérité) de voir naître.
    Je propose que tous ceux qui souscrivent à cette démarche le manifestent de quelque manière que ce soit, à travers la presse nationale mais aussi et surtout à travers ce site.

    • Le 17 mai 2005 à 22:11 En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

      Je cite

      "en oubliant l’homme politique souvent égaré et en excusant aussi le vieil homme intolérant qui a prêché au sein du collectif la haine, la vengeance et le refus du pardon, au mépris de la sagesse. Cela ne serait pas une consolation pour l’homme politique qui n’a connu que des échecs dans sa carrière politique"

      Au délà du fait que ce sont des affirmations gratuites et militantes, j’aimerais souligné quand même que la vie politique de Ki Zerbo est très loin d’être des échecs comme vous le voyez, ce que vous appelez échec est ce qui forge chez lui mon respect : à savoir la constance dans ses convictions. C’est l’un des rarres hommes politiques à n’avoir pas monnayer son cerveau contre des "feuilles" ou un poste de ministre. Il a aussi donné une autre image de la politique : un combat d’idées et de visions et non un combat d’individus. Quant à ses positions au sein du collectif, c’est tout aussi salutaire car il appelait la jeunesse à réfuser toute injustice, tout pardon sans repentance . C’est à mettre aussi à son mérite.
      Sur le plan intellectuel, je doute que ce débat vous intéresse mais Ki Zerbo a contribué à donner de la voix au Burkina au sein de l’Afrique et a même donné une voix et une voie à l’Afrique toute entière, notament à travers tous ce qu’il a fait pour l’éducation : les manuels d’histoire, ainsi que l’Histoire Générale de l’Afrique dont il a dirigé la publication.

      • Le 18 mai 2005 à 14:28, par somwékré En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

        Mon cher,
        votre réaction à mon écrit respire la haute intellectualité, mais je crois que c’est cela qui est souvent source de la myopie politique de beaucoup d’entre vous. Ainsi, tu ne pourras pas me convaincre qu’un homme politique qui a créé un parti politique digne de ce nom n’a pas échoué si, en aucun moment, il n’est arrivé à conquérir le pouvoir d’Etat. C’est le cas pour notre éminent professeur, et c’est pas l’abaisser que de le reconnaître. Je me réfère à la définition du parti politique que vous, les intellectuels, en donnez.
        Il vous faudra plus que ces quelques phrases pour me convaincre que la carrière politique du Professeur qui s’est faite essentiellement à l’opposition est une réussite. C’est tout à son honneur si pendant ces longues années il ne s’est pas compromis de quelque manière que ce soit (politique, intellectuelle ou financière) pour être du pouvoir. Cependant, c’est un échec si pendant tout ce temps il n’a pu battre aucun de ce à qui il a eu à s’opposer. Approche le et il te dira certainement qu’il y a comme un goût d’inachevé dans sa carrrière politique.
        Quand vous affirmez que le Ki-Zerbo intellectuel ne m’intéresse pas, je vous concède le droit de faire arbitrairement cette sélection de ceux qui sont sincères. Mais, envoyez moi tout de même une pétition et je vous la signe sans cligner des yeux.

        • Le 13 juin 2005 à 18:15, par Sidbala En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

          A lire les deux messages précédents , il ya une constante : le Pr Ki-Zerbo est imminent scientifique et un illustre fils du Burkina qui doit inspirer la fierté à tout burkinabè pour la qualité universelle du travail qu’il a accompli. L’appréciation de sa carrière politique est un autre débat. Et c’est là ou nous burkinabè pêchons parfois. Ne pas savoir nous valoriser.
          Je vous écrit de Dakar ou le Professeur Ki-Zerbo a fait la une des média pendant une semaine en fin Mai 2005. Tout simplement parce que les deux institutions unversitaires du pays (Uniersité de Dakar et de Saint Louis) lui ont consacré une semaine d’hommage pour la grandeur de sa contribution à la science. Ici il est qualifié "d’illustre savant burkinabè", "de bibliothèque pour l’Afrique" etc.. et croyez- moi que ce sont d’autres illustre personnages ( cheikh Amidou Kane notamment) qui ont animé d’inombrables conférences sur l’oeuvre du Pr Ki-Zerbo en sa présence. Et ça fait quelque chose quand on est burkinabè et on assiste à une conférence ou on évoque de telle qualité chez un compatriote. On se sent fier.
          Tout ça pour vous dire que l’idée de l’université Ki-Zerbo est plus que pertinente c’est une nécesité. C’est vrai qu’on est pas prophète chez soi mais quand on n’a pas beaucoup de prophètes on doit refléchir à deux fois avant d’en jeter un au risque de ne rien savoir de l’avenir.
          fraternellement

          • Le 14 juin 2005 à 18:25 En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

            Il faut vraiement avoir de la valeur intrinsèque pour reconnaitre celle de l’autre. Si au BF, l’on cultivait la méritocratie au lieu de la "feuillutocratie", il y a bien longtemps nous aurions fait un bon pas . Pas vers le gouffre ! Voyez tous ce radam autour du sport ! Il est bien vrai que toute nation dégénérée s’adonne au jeux, mais tout de même. Pour KI ZERBO, c’est une honte de chaque burkinabè de le voir ainsi traité.

        • Le 28 août 2005 à 00:43 En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

          Je rigole de votre ironie en vous lisant appeler le monsieur "intellecruel". En fait ce n’est pas ce que vous croyez qu’il soit. Ceci se tranche dans votre facon de vous adresser a lui - tuetoiement - après qu’il vous a vouvoyé.

  • Le 6 décembre 2006 à 16:05 En réponse à : > A quand l’université Ki-Zerbo ?

    Je vous soutien Mr ILBOUDO,

    Par votre bon sens et votre courage, je suis arrivé à comprendre la ligne, votre ligne et vos raisons. C’est vrai, j’avais envoyé un message à Cyriaque qu’il a diffuser sur fasonet aussi inopinement que les gens ont fistigé de leur manière. A l’époque mon idée était de faire ce qui pourrait servir aux jeunes, à la jeunesse.
    Et votre analyse est juste, ne serait ce que la première agrégation, le premier responsable du CAMES.
    Il y a plus que cela, car je trouve qu’aujourd’hui, avec l’émotion de sa disparution, de la perte car à son vivant, il pouvait toujours servir, oeuvrer à plus de projets pour la jeunesse. C’est ce que je croyais pouvoir stimuler.
    Aujourd’hui, je soutien totalement votre idée et je suis pour que l’Université de Ouagadougou devienne Université Joseph Ki ZERBO.

    Donald

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