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Afrique : Toujours rien que des "signes d’espérance"

Publié le mardi 17 mai 2005 à 07h30min

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Dans le rapport 2005 de la Francophonie, Justin K. Bisanswa, enseignant à l’université Laval (Canada), a eu du mal à définir la situation actuelle de l’Afrique. Son embarras s’est exprimé en ces termes : "des signes d’espérance, mais". Des signes.

C’est dire que l’amorce d’un véritable développement économique sur fond de bonne gouvernance n’a pas encore été entamée et que le continent africain, malgré quelques "signes", demeure englué dans d’immenses difficultés.

En jetant un regard panoramique sur les différentes régions du continent, le constat est alarmant. Les quelques îlots d’espoir incarnés par les pays à performance politique et économique ascendante, n’arrivent visiblement pas à créer un impact positif sur le reste du continent. Sur le plan des processus démocratiques, cette année est marquée par de nombreux scrutins, ce qui est déjà un pas qualitatif. Toute élection consacre, en principe, le recul de l’Etat d’exception. Mais en Afrique, très souvent, les élections sont au contraire des vecteurs de troubles.

Tout simplement parce qu’elles sont manipulées par les tenants du pouvoir qui, pour rien au monde, ne veulent céder leur place. Côte d’Ivoire, Togo, Centrafrique, Ethiopie... Il y a toujours quelque chose à redire du modèle électoral africain qui refuse d’emprunter les chemins consensuels de la transparence. Résultat, on continue de tourner en rond et, pire, de plonger, puisque des milliards sont engloutis dans des élections truquées et de surcroît génératrices d’instabilité.

Mais beaucoup de dirigeants africains s’accommodent de cette situation, avec la bénédiction de leurs parrains occidentaux. Aujourd’hui, par exemple, il suffit de se proclamer champion de la lutte anti-terroriste, pour avoir les bonnes grâces de la Maison blanche. Le cas mauritanien, où l’opposition est persécutée et les libertés publiques bafouées, est édifiant.

Ce pays est le chouchou des Etats-Unis et d’Israël qui, de ce fait, perpétuent un régime peu regardant vis-à-vis des droits de l’homme. Beaucoup d’autres dirigeants africains, pour avoir la paix avec l’Amérique, se sont convertis à cette nouvelle religion qui a pour prophète George W. Bush. Ce sont toutes ces complicités qui favorisent les pratiques anti-démocratiques et permettent aux dirigeants de s’enrichir impunément pendant que les populations crèvent de faim.

L’Afrique doit être dos au mur, acculée, voire isolée, pour qu’enfin un déclic se déclenche et que le développement s’enclenche. Un Jean Marie Le Pen au pouvoir en France entraînerait l’expulsion de milliers d’Africains, créerait une réaction d’indignation, puis un sursaut d’orgueil qui amènerait l’Afrique à une prise en charge de ses concitoyens.

Il faut un électrochoc pour réveiller tous ces leaders englués dans le train-train quotidien de leur bien-être personnel, préoccupés seulement par la sécurité de leurs fonds planqués dans les paradis fiscaux et soucieux uniquement de se maintenir le plus longtemps au pouvoir.
L’Afrique de l’élite n’a plus de dignité.

Autrement, elle se serait sentie honteuse d’être incapable de s’unir autour de l’essentiel, le bien-être des populations, alors que tous les autres continents se retrouvent, s’unissent et s’organisent pour avancer. L’Afrique est plutôt malade du syndrome des micro-Etats. Chacun veut régner sur sa portion de terre, aussi ingrate soit-elle, et disposer du droit de vie et de mort sur des populations, aussi pauvres soient-elles.

On comprend pourquoi le NEPAD tarde à se concrétiser. Pendant qu’on chante les vertus de l’intégration, chaque chef d’Etat s’évertue à négocier, individuellement, ses amitiés et ses alliances extérieures, parfois au détriment de ses pairs. Quand on voit la guerre à laquelle se livrent les Africains quand un poste de responsabilité internationale est en jeu, quand il s’agit d’abriter la coupe du monde en football ou de siéger au Conseil de sécurité de l’ONU, on ne peut que s’interroger sur la capacité de l’Afrique à affronter, de façon déterminée, et unitaire, les défis qui se posent à elle.

On ne peut que sombrer dans le pessimisme, comme toutes ces populations qui bravent la mort, pour émigrer en Europe. On ne peut que rester songeur face à l’état d’esprit de Michel Roussin, ancien ministre français de la coopération, qui a écrit dans son ouvrage Afrique majeure : "Aujourd’hui, avec les années et l’expérience, j’ai une vision optimiste de l’Afrique que je souhaite faire partager : l’image d’une Afrique économique, autonome et responsable". Que Dieu, dernier recours pour tous les désespérés du continent, l’entende !

Le Pays

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