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Afghanistan - Irak : La démocratie à l’américaine à l’épreuve du chaos

Publié le lundi 16 mai 2005 à 07h13min

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Près de quatre ans après l’intervention de l’armée américaine (18 000 soldats) en Afghanistan, ce pays reste une grande poudrière. Le moins que l’on puisse dire, est qu’il n’est ni pacifié, ni démocratisé. Certes, les Talibans, ceux-là-mêmes que les USA avaient aidés à chasser les Soviétiques, ont été officiellement "vaincus".

Certes aussi, un scrutin présidentiel sous supervision américaine a eu lieu et a consacré la victoire d’Hamid Karzaï, la marionnette des Etats-Unis qui le présentent comme l’expression de la volonté populaire des Afghans alors qu’il reste presque reclus dans son palais, protégé par une meute armée jusqu’aux dents.

Des élections législatives et municipales sont aussi prévues pour septembre prochain. Mais à quel prix ? Depuis le début de l’année, selon les chiffres officiels fournis par l’armée d’occupation, les affrontements militaires en Afghanistan auraient fait plus de 200 morts dont près de 150 rebelles présumés, une quarantaine de policiers, une quinzaine de soldats afghans, une dizaine de soldats américains et une trentaine de civils. Bien maigre butin pour une superpuissance si on devait s’en tenir à ces chiffres. Il est évident que ces estimations sciemment filtrées, sommaires donc, ne reflètent pas la réalité.

Car, c’est toujours de bonne guerre qu’une armée d’invasion, pour ne pas heurter la conscience de son opinion publique, présente toujours un bilan reluisant de sa campagne militaire. Surtout qu’aux Etats-Unis, commence à prendre corps et à se développer un grand courant d’objection de conscience hostile à l’interventionnisme militaire des Etats-Unis.

A cela, il convient d’ajouter les conséquences humaines de ce conflit. En effet, 40% des militaires présents en Irak seraient atteints par ce qu’on appelle "l’alarmante dégradation" du moral des hommes déprimés par la durée et la fréquence de leurs missions. La réalité est encore plus alarmante. Selon des informations publiées par le Canard enchaîné et reprises par JAL’I, depuis l’expédition militaire américaine en Afghanistan et en Irak, le bilan des pertes américaines est plus lourd que ne le laissent croire les stratèges du Pentagone.

L’US Army aurait perdu dans ces deux pays, 120 chars lourds, 120 blindés moyens, 78 avions de combat et de transport sans compter les hélicoptères abattus. A ce jour, 159 milliards de dollars auraient été dépensés pour la guerre et l’occupation de l’Irak et 80 milliards de dollars votés pour la lutte antiterroriste.

Quant aux opérations menées actuellement en Afghanistan, elles reviendraient à 5 milliards de dollars par mois. Evidemment, Washington qui se tait sur les pertes en vies humaines, a une autre lecture de la situation. Il ne s’embarrasse pas d’amalgames et ne craint pas de comparer l’intervention américaine contre l’Allemagne nazie pour libérer l’Europe et restaurer la démocratie à celle qui a cours actuellement en Afghanistan et en Irak.

L’Administration Bush oublie que l’Amérique avait longtemps pratiqué l’isolationnisme avant de s’engager dans le conflit en Europe. C’est ce qu’on appelle tordre le cou à l’histoire. Washington feint d’ignorer qu’il n’y a eu d’envahisseur ni en Afghanistan ni en Irak.

Seulement, avec ses puissants moyens de propagande, l’Amérique peut médiatiquement matraquer tout le monde, diaboliser les autres peuples et faire croire au peuple américain, plus préoccupé par les problèmes de politique intérieure que par les sujets de politique étrangère, que la cause qu’elle défend est noble. Devant l’Américain moyen qui ne se foule pas la rate pour chercher à voir et comprendre ce qui se passe au-delà de son horizon immédiat, l’Administration américaine fait défiler tous les clichés négatifs sur les autres pays, les méchants qui ne partagent pas les mêmes idéaux que l’oncle Sam.

Jusqu’à ce que cette espèce de répétition de l’histoire vienne rappeler, comme hier au Vietnam et même en Somalie, que dans les rapports entre Nations, aucun pays, si puissant militairement soit-il, ne peut éternellement dominer un autre. Tout comme le Vietnam a été un gâchis sur tous les plans, ce qui se passe actuellement en Afghanistan et surtout en Irak où la guerre est devenue transversale (Irakiens contre soldats américains et vice-versa et Irakiens contre Irakiens) ne l’est pas moins.

Bref, c’est manifestement l’illustration du chaos et de la négation de la démocratie . En croyant fortifier sa prétendue démocratie sur les cadavres des citoyens, Washington ne fait qu’exacerber le sentiment antiaméricain des populations. Le dernier en date est illustré par les manifestations hostiles à l’Amérique et qui se déroulent actuellement dans plusieurs villes d’Afghanistan suite à des informations sur des profanations présumées du Coran par des soldats américains devant des prisonniers de la base de Guantanamo. Ces manifestations qui ont embrasé les esprits, sont loin d’être terminées et ont déjà fait plusieurs morts.

La secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, a beau vouloir calmer la situation, l’Amérique vient de réveiller peut-être les démons d’une guerre sainte que Bush avait eu la maladresse de déclarer après les attentats du 11 septembre avant de se raviser. Le seul résultat tangible et peu flatteur de l’invasion américaine en Afghanistan, c’est l’apparition au grand jour, de la drogue cultivée presque à ciel ouvert par les populations en compensation à leur misère que la démocratie à l’américaine leur a apportée. Les Talibans au moins avaient gagné la guerre contre la drogue. Leur ennemi juré, l’Amérique, ne semble avoir gagné aucune bataille.

Le Pays

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