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Sénégal : Guerre de positionnement au PDS

Publié le lundi 16 mai 2005 à 07h42min

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On l’a constaté : depuis l’indépendance du Sénégal, les couples qui ont trôné à la tête de l’Etat ont divorcé, car à un certain moment, ce mariage souvent d’amour, mais surtout de raison, s’est trouvé confronté à la problématique du dauphinat.

On peut citer Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, Abdou Diouf avec Jean Colin, puis Habib Thiam. D’aucuns ont pensé pourtant que le binôme Abdoulaye Wade- Idrissa Seck ferait exception à cette règle non écrite qui veut que le chef de l’Etat "casse" toujours celui que ses concitoyens considèrent comme son remplaçant putatif. Hélas, implacable, cette loi s’est encore appliquée.

Et pourtant, que d’années de compagnonnage entre "Gorgui", le vieux (Wade), et "Ngorsi", le petit bonhomme (Seck). En 1974, alors que Seck a 15 ans, il adhère au PDS de Wade. En 1988, à 29 ans, il est directeur de campagne de ce dernier. En 1995, il est ministre du Commerce dans le gouvernement de cohabitation avec le PS. En 2000, après la victoire du Sopi, il devient le dircab de Wade, puis est bombardé PM le 4 novembre 2002, jusqu’au 21 avril deux ans plus tard, jour où il est limogé, après une longue brouille avec l’homme dont il fut le pygmalion politique.

En vérité, le départ de celui qui était considéré comme "l’âme damnée" de Wade marque le summum d’une déchirure entre deux hommes clés du PDS. Qui risque d’imploser, même si souvent aux déclarations et gestes actuels du chef de l’Etat, qui confinent à un "lâchage", répondent en échos, malgré l’amertume perceptible de l’ex-PM, des actes de respect et de conciliation.

Et pourtant, qu’elle fut fulgurante, cette ascension, grâce au même Wade et, reconnaissons-le, au bagout et au dynamisme de l’intéressé, à savoir Seck. Dès le 1er avril 2000, au lendemain de la victoire à la présidentielle, il est, repétons-le, dircab, en même temps qu’un certain... Moustapha Niasse est propulsé PM. Et pour cause, Niasse qui était à la tête du Front pour l’alternance (FAL), qui signifie aussi "élire" en wolof, a été l’allié principal de cette victoire du 19 mars 2000.

Certains pensent aujourd’hui que c’est en fait à partir de ce jour qu’a été véritablement scellé le destin politique de Seck. Très vite en effet, on a établi un parallèle entre lui et Tanor Dieng, considéré à un certain moment comme le dauphin de Diouf. Et sur ce sujet, on prête ces propos à Wade :"Je crois que Diouf voulait faire de Tanor son dauphin, il ne m’a pas dit expressément cela, mais les termes dans lesquels il me parlait de ce dernier ne pouvaient pas prêter à équivoque. Idrissa Seck est mon dircab... ni lui ni moi ne songeons qu’il puisse s’agir de dauphinat. Je n’ai pas de dauphin et je prie Dieu de ne pas en avoir". Las ! Car si Wade semble ne pas considérer son compagnon de 30 ans comme son successeur éventuel, ce dernier par contre faisait tout pour conforter l’opinion à croire le contraire.

D’abord par une belligérance feutrée puis ouverte entre d’une part lui et Niasse, et d’autre part entre lui et les pro-Wade. Par touches successives faites de disgrâces et de fortunes diverses, il fera le vide autour du chef de l’Etat, pour être in fine, à partir du 4 novembre 2002, PM et patron du PDS après Wade. Seul maître donc après Wade au sein de ce parti présidentiel, Seck pouvait tisser sa toile et se préparer éventuellement à être calife en 2007, date de la prochaine présidentielle.

Mais ce qui paraissait être pour Seck un boulevard pour accéder à la bâtisse coloniale de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor (siège de la présidence) se révéla par la suite être un traquenard pour cet ex-étudiant de Sciences-Po et de l’université de Princeton (USA). Très rapidement, les tirs groupés du camp Wade se firent jour et c’est ainsi que depuis des mois, Seck, hier le fils spirituel de Wade, est devenu l’homme à abattre politiquement. Que ce soit sur internet ou au cours d’entretiens, on ne manque pas l’occasion d’accabler Seck de tous les péchés du Sénégal.

Par exemple, le livre-requisitoire paru en juillet 2003 du journaliste de Sud Communication Abdou Latif Coulibaly, intitulé "Wade, un opposant au pouvoir : l’alternance piégée" a, selon les pro-Wade, été commandité et financé par Seck. Il est vrai que depuis l’année dernière Wade a répondu par un livre blanc signé de Iba Der Thiam. Ce qui est certain, le round d’observation est terminé entre les deux hommes du parti au pouvoir à Dakar. Si Wade, pendant longtemps, a protégé Seck, il est devenu depuis ce 21 avril 2004 (limogeage de l’ex-PM) son pire ennemi politique.

Convaincu que son "fils" a comploté dans son dos, Wade, à l’évidence, a des raisons de vouloir la déchéance politique de ce dernier. A commencer depuis quelques temps par une "purge" des pro-Seck des différentes instances du PDS et des postes de responsabilités de l’Etat. Il est vrai que Seck n’est pas le seul à payer au prix fort les "actes ambivalents" du champion du Sopi.

Parvenu au sommet de l’Etat, Wade, il faut le souligner, a rapidement éconduit ses alliés sans lesquels il n’aurait pas été élu. Ce ne sont pas Niasse, Amath Dansokho et autre Madior Diouf qui diront le contraire. Mais si Seck semble actuellement la cible privilégiée du camp présidentiel, c’est que l’homme représente quelque chose. En trois décennies de vie au PDS, il s’est forgé une image de lutteur tenace, d’homme de terrain, d’intellectuel, et en politique, ça paie.

A moins de deux ans de la présidentielle, Wade semble vouloir diaboliser à l’extrême le maire de Thiès, puisque pas plus tard que la semaine dernière, le domicile de Seck a été pris d’assaut par des militants PDS, visiblement instrumentalisés, qui l’ont bombardé de fruits pourris et de bien d’autres ordures. Le président sénégalais a-t-il décidé d’en finir définitivement ( ?) avec cet homme de 46 ans ou veut-il le punir pour l’exemple, afin d’étouffer dans l’œuf toute velléité de prétention au fauteuil présidentiel dans son camp ? En tout cas, sans tomber dans un déballage de mauvais aloi, Seck est convaincu qu’il est dans la lorgnette de Wade et ses poches ne doutent plus des intentions du plus célèbre crâne rasé du Sénégal.

Pour le moment, Seck voyage beaucoup, écrit également (un livre écrit par lui était d’ailleurs annoncé, au titre très évocateur de Lui et moi), et reste permanemment en contact avec ses hommes, lié à ses "réseaux", et attend de voir venir. Il semble convaincu qu’au stade où en sont les choses, ça passera ou ça cassera. Le vieux chef, à moins de deux ans de la course à la magistrature suprême, lui, garde toujours le mystère sur sa candidature en 2007. Sans doute est il englué dans les dédales du bilan des 5 ans du Sopi (qui, il faut le dire, n’est pas fameux), qu’il doit justifier à tous ceux qui ont cru en lui.

Si l’actuel président se présentait en 2007, Seck, qui est toujours "éteint" en Wade, s’éclipserait probablement ; mais si par extraordinaire Wade ne voulait plus rempiler, ce serait la voie ouverte aux multiples candidatures au PDS, et bien sûr ailleurs, les présidentiables, au Sénégal, ne manquant pas. On n’en est pas encore là et, à l’évidence, l’heure est au positionnement.

Observateur Paalga

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