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Démocratie burkinabè : Pour que le train continue d’arriver à l’heure

Publié le samedi 14 mai 2005 à 09h00min

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Le scrutin présidentiel de novembre 2005 devrait confirmer la maturité du processus électoral au Burkina. Une maturité qui est en fait celle de tout le processus démocratique. La perfection reste un idéal mais en matière d’enracinement de la démocratie, le Burkina avance.

On citera volontiers comme un exemple d’illustration, les propos de l’ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne en fin de séjour qui a récemment déclaré que "le processus de discussion interne sur la démocratie (au Burkina) est continu. Je crois que la démocratie va se développer encore et sans interruption ... Le Burkina est très avancé et n’a plus besoin d’aide dans ce secteur ... cela doit constituer un exemple pour certains pays voisins...".

Voilà l’avis d’un observateur bien averti qu ’on ne peut pas soupçonner de complaisance vis-à-vis du pouvoir en place ni même de manier la langue de bois diplomatique, lui qui est en fin de mission et qui plus est, admis à la retraite. Les "Faso-pessimistes" doivent donc mettre beaucoup d’eau dans leur vin. Qu’ils abandonnent les clichés réducteurs sur les institutions républicaines pour reconnaître les remises en cause interne du système qui permettent au pays de connaître une vie politique à la fois stable, ouverte, pacifique et riche en débats. En Afrique, ce n’est pas rien, bien au contraire. Les trains de la démocratie qui arrivent à l’heure sont plutôt rarissimes. Quand il y en a un comme celui du Burkina, on devrait s’en féliciter.

L’exception burkinabè est bonne à mettre en évidence tout en appelant à plus de responsabilité de la part des acteurs de la vie nationale pour des progrès encore plus décisifs dans l’approfondissement de la démocratie. A ce propos, tous les scrutins sont comme un test de niveau et de vérité. La présidentielle à venir a déjà gagné le pari de la diversité des postulants à la magistrature suprême. Il reste néanmoins trois inconnues qui seront déterminantes pour confirmer les nouvelles avancées que tout le pays et ses partenaires sont en droit d’attendre de cette élection :

Première inconnue : la bonne organisation matérielle. Elle incombe à la CENI, appelée à jouer le jeu de la transparence et de l’équité. On a déjà remarqué ses efforts pour associer tous les acteurs au processus d’informatisation et de révision des listes électorales. Mais beaucoup reste à faire dans la sensibilisation et l’information dues aux citoyens afin qu’ils puissent se retrouver dans les dédales des changements intervenus au niveau de l’emplacement des bureaux de vote. Que faire en cas de changement de lieux de résidence, pas seulement forcé mais volontaire ? On pense notamment aux fonctionnaires affectés, et à tous les citoyens qui pour une raison ou pour une autre ont déménagé. En aval des inscriptions et réinscriptions sur les listes électorales, la publication du nombre de bureaux de vote et des lieux géographiques de leur implantation renforcera cette transparence.

Secundo : le taux de participation est aussi un critère important de crédibilité du scrutin. Il traduit non seulement le degré d’engagement et de participation des citoyens à la vie politique mais aussi la capacité des partis politiques à les mobiliser et à les intéresser à leurs messages. C’est connu, la désaffection des citoyens par rapport aux partis politiques est l’un des dangers qui guette les systèmes démocratiques multipartites. Quand elle survient, elle traduit un manque de confiance des citoyens qui renvoie dos à dos, pouvoir et opposition au point de se désintéresser des scrutins qui engagent l’avenir du pays.

Ici, les responsabilités des partis politiques et des candidats à l’élection présidentielle sont pleines et entières. A eux de trouver le message juste, d’innover dans la manière de battre campagne pour déplacer le plus grand nombre d’électeurs vers les bureaux de vote le jour du scrutin. Mais la responsabilité de la CENI est encore engagée. Il faut des listes électorales actualisées, exemptées des doubles inscriptions et des noms des défunts afin que le taux de participation reflète le nombre réel des citoyens en âge et en mesure de voter. Cela va de soi que des listes électorales gonflées de beaucoup d’impuretés vont jouer négativement sur le taux de participation.

Troisièmement : l’après proclamation des résultats. C’est récurrent en Afrique que les résultats des élections sont souvent contestés et sans la manière. En effet, avant même de déposer les recours légaux prévus en la matière, avant même que les institutions compétentes ne se prononcent sur la régularité du scrutin, les perdants contestent, y compris des fois par la violence, les résultats provisoires. Le séminaire initié cette semaine par la Cour constitutionnelle à l’intention des partis politiques et de la société civile sur le contentieux électoral est donc le bienvenu. Espérons alors que les états-majors des différents candidats seront bien informés pour nous éviter les contestations de principe et sans la manière des perdants, manifestation symptomatique de non fair-play dommageable à la démocratie.

Djibril TOURE
L’Hebdo

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