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Décentralisation : "Le Burkina tourne en rond"

Publié le mardi 10 mai 2005 à 07h42min

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La pléiade africaine du Burkina dénonce les balbutiements dans la gestion de la décentralisation dans le pays. Elle s’insurge également contre l’ingérence de personnalités politiques dans la conduite de certaines communes.

Il est universellement reconnu que le pire dans toute action humaine est l’hésitation et ses corollaires tels que l’absence de détermination et le refus de s’assumer. Ce qui vient d’être dit est le cas du Burkina Faso. En ce qui concerne la décentralisation au sujet de laquelle le gouvernement est en train de tourner en rond depuis une quinzaine d’années ; il adopte des textes, les modifie, les soumet au Parlement, les retire, les réintroduit, les applique, ne les applique pas, à telle enseigne que lui-même ne sait pas exactement où il en est.

En effet, depuis l’avènement des Programmes d’ajustement structurel (PAS), et sous la poussée - comme d’habitude - des partenaires au développement, le gouvernement du Burkina a opté pour une "décentralisation complète", susceptible de conférer au territoire national un développement harmonieux et durable en lieu et place de celui précaire et néo-colonial, superposition de deux facettes antinomiques à savoir celle imitée et celle traditionnelle.

Mais depuis ce temps qui date du début des années 90, le gouvernement n’arrive pas à prendre des textes opérationnels, adaptés et stables, ce qui induit une grande cacophonie dans la réglementation en matière de décentralisation. Les difficultés dans la mise en oeuvre d’une véritable politique de décentralisation sont de plusieurs ordres parmi lesquelles l’on peut retenir les suivantes :

i. Sur le plan formel, la trop grande implication du gouvernement dans la gestion des collectivités, au-delà même de l’esprit et de la lettre des textes d’orientation de la décentralisation (TOD).

Tout le monde a constaté ce qui s’est passé dans les communes de Ziniaré, de Ouahigouya et de Zorgho, où les dossiers ont été récupérés des municipalités et gérés par le gouvernement, qui ne cachait pratiquement pas sa fierté de débusquer et de combattre les gabegies dans la gestion des communes.

ii. Sur le plan informel, tout le monde sait que les responsables des collectivités, sont sous la tutelle de certains caciques du pouvoir qui les font élire, pour ne pas dire nommer puis traîner dans la boue dès que ces "petits maires" osent prendre leur indépendance, les faire porter tous les péchés d’Israël avant de les crucifier.

Bon nombre de conseillers municipaux, de gouverneurs, de hauts-commissaires, de préfets sont aux ordres de certains responsables du pouvoir, dans le mépris d’une administration républicaine et des intérêts des populations.

iii. Selon la loi, les fonctions de conseiller et celles de maire sont gratuites, bien qu’elles soient assorties d’indemnités. En clair, contrairement aux députés, les maires ne sont pas en position de détachement dans leur mairie.

Si la loi, qui s’est inspirée de ce qui se passe en Occident dispose ainsi, c’est que les fonctions de conseiller municipal ou régional sont des fonctions de représentation, de prestige, de défense des intérêts des populations mandantes et tout à fait compatibles avec des obligations professionnelles normales de haut fonctionnaire, d’agent de l’Etat, de dirigeant politique d’employé de secteur privé, la gestion au quotidien étant placée sous la direction d’un secrétaire général.

Ainsi, par exemple dans l’Hexagone, l’immense majorité des ministres, des députés, des sénateurs, de présidents d’institution et même le président de la République sont des maires de commune, installés à Paris, laissant la gestion de leur commune aux secrétaires généraux.

Mais que se passe-t-il au pays des hommes intègres ?

Pour rendre à César ce qui est à César, il faut reconnaître que, outre les maires à la retraite ou qui exercent des fonctions libérales, il y a des maires qui sont en harmonie avec la loi en exerçant leur occupation professionnelle normale, en laissant leur secrétaire général gérer quotidiennement la mairie, tout en assumant les prérogatives liées à la présidence du conseil municipal, à la prise des décision, à la mise en place des cadres d’orientation à terme, à la coopération décentralisée.

Par contre, certains maires, fonctionnaires de leur état, ont carrément abandonné leur poste contre une présence assidue à la mairie où ils s’occupent de tout et de rien, et surtout des affaires qui ne les regardent pas, hypothéquant ainsi la quiétude d’honnêtes citoyens. Ces maires sont ainsi payés pour rien, ce qui constitue une hémorragie financière au détriment de l’Etat.

Toutes ces questions sont fort préoccupantes à la veille d’élections municipales qui vont fournir au Burkina Faso près de 20 000 conseillers muncipaux, plus de 700 conseillers régionaux, 13 présidents de conseil régional, près de 400 maires.

Si aucune mesure n’est prise pour accompagner cette révolution, il est naturel de se demander si les ressources financières de l’Etat pourront payer tous ces fonctionnaires qui seront élus maires ou présidents de conseil régional et payer aussi leurs remplaçants, s’ils doivent se comporter comme leurs prédécesseurs. L’autre question est liée, au niveau des communes rurales, à la cohabitation d’un maire et d’un préfet dont les compétences territoriales sont identiques.

S’il est vrai que l’un, le maire, est une personnalité décentralisée représentant les populations mandantes et que l’autre, le préfet, nommé par le gouvernement représente l’Etat, le niveau culturel des uns et des autres permettra-t-il une bonne distinction des deux rôles ? Dans les cas des conflits de compétence qui ne manqueront pas de naître, en faveur de qui, le gouvernement tranchera-t-il. Rendez-vous dans un an pour connaître la réponse à cette question sur le terrain.

La Pléiade africaine du Burkina

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