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Les principales méthodes antidémocratiques pour gagner une élection ou pour se maintenir au pouvoir

Publié le lundi 9 mai 2005 à 07h23min

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Les processus démocratiques imposés à l’Afrique par le Sommet France-Afrique de La Baule depuis les années 1990 pour mettre fin aux dictatures militaires et civiles et leurs lots de réfugiés politiques que l’Occident (la France surtout) n’arrivait plus à supporter financièrement et politiquement, ont fait naître des conflits multiples.

A cause des élections mal organisées ou volées et de la volonté des dictateurs reconvertis ou révélés à se maintenir ou parvenir au pouvoir.

En observant tous ces processus démocratiques en panne, les méthodes antidémocratiques et les fraudes souvent utilisées par les uns et les autres peuvent, de notre avis, se regrouper en dix, suivant le degré de culture de la classe politique ou de l’ignorance de nos populations. Elles commencent depuis le dépôt des listes de candidature, jusqu’au déclenchement des guerres civiles, en passant par le bourrage des urnes, les inscriptions et les votes multiples des électeurs, la rétention des cartes d’électeurs des partis politiques adverses et les « votes » des morts, la falsification des procès verbaux d’élection, la corruption des électeurs, les menaces et les intimidations des électeurs des partis politiques adverses, la destruction ciblée des urnes ou des bureaux de vote, les découpages circonstanciels ou intentionnels du territoire national et l’adoption calculée des modes de scrutin et enfin, la prise en otage du processus électoral.

Notre intervention sur cette question de fraudes électorales et autres dénis de droit qui ne finissent pas de mettre le feu à nos pays, n’a d’autre but que de susciter ou relancer le débat au sein des état-majors des partis politiques, afin qu’ils éduquent leurs dirigeants et leurs militants, pour plus de comportements civilisés à l’avenir. Elle vient du constat fait lors des débats menés en aparté avec des hommes politiques insoupçonnés, censés comprendre et éclairer les masses, qui ont des positions et des points de vue les plus étonnants sur la question. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce qui arrive aux autres peut bien nous arriver !

Avant hier, le Libéria et la République Démocratique du Congo... , Hier la Côte d’ Ivoire, aujourd’hui le Togo, demain à qui le tour ? C’est pourquoi, toute contribution pour enrichir le présent point de vue serait la bienvenue.

A commencer donc par l’exclusion des candidats, les procédés antidémocratiques sont nombreux et divers, varient d’un scrutin à un autre, et s’inventent à chaque scrutin et nous n’avons donc pas la prétention de tout dire.

I °) L’exclusion des candidats, le premier déni de droit utilisé par nos hommes politiques pour éliminer leurs adversaires.

L’exclusion des candidats à une élection que l’on veut gagner, est la méthode la plus sauvage et la moins subtile pour se passer d’un adversaire coriace . Elle est basée le plus souvent sur l’origine sociale du candidat que l’on veut écarter. Pour parvenir à écarter des candidats opposés, les adeptes de cette méthode ont souvent recours aux textes de loi fixant les conditions d’éligibilité à une élection donnée. Ainsi, la loi exigera des candidats qu’ils soient ce qu’ils ne peuvent pas être, compte tenu de leur origine sociale ou des préjugés établis contre eux. Ce sont des considérations souvent liées à la race, à l’ethnie, à la nationalité, au lieu de résidence et aux moyens économiques. Lorsque ce n’est pas la loi qui édicte ces considérations, on les retrouve dans les état-majors politiques ou dans les discours des hommes politiques lors des campagnes électorales.

1- L’exemple d’exclusion liée à la race, le plus patent de notre époque, fut l’apartheid en Afrique du Sud, qui privait les Noirs de leurs droits de vote et de bien d’autres droits dévolus aux Blancs. L’abolition de ce système avec la fin de la guerre froide a permis aujourd’hui d’avoir une nation « arc-en-ciel » donnant des leçons de démocratie multipartite et intervenant dans des crises en Afrique pour réconcilier des frères ennemis.

2 - Les exclusions liées à l’ethnie se retrouvent au niveau des élections locales ou législatives. Elles ne sont pas le plus souvent codifiées, mais on les retrouve au sein des état-majors des partis politiques lors de la confection des listes de candidatures, et dans les discours des hommes politiques lors des campagnes électorales : « Untel est de telle ethnie, il ne faut pas le mettre sur notre liste » ; « S’il veut être maire ou député, qu’il aille chez lui, c’est sa mère qui est de chez nous ! » etc, entend-on dans les état-majors des partis politiques et lors des meetings des candidats.

3 - Les exclusions liées à la nationalité sont souvent basées sur des préjugés liés à l’ethnie, au patronyme ou à l’histoire du candidat gênant. Elles se pratiquent lors des élections présidentielles qui sont des élections d’envergure nationale. Ainsi, on élabore des lois d’exclusion exigeant d’être né de telle nationalité, de père et de mère eux-mêmes nés de la même nationalité, d’être de telle autre nationalité d’origine, de ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité, etc, comme si nos Etats conférant ces nationalités étaient des Etats millénaires. Les exemples d’exclusions les plus flagrantes ont eu lieu d’abord en Zambie où Kenet Kaunda, le père de l’indépendance de son pays, ayant dirigé ce pays pendant (20) vingt ans, a été traité de Malawite par le camp de Frédéric Tshiluba pour parvenir au pouvoir. Il y a l’exemple du Niger avec la tentative d’exclusion du président Mamadou Tandja que l’on a traité de Mauritanien et, plus près de nous, la Côte d’ Ivoire qui n’est pas encore sortie de ses turbulences avec le cas Ouattara..

4 - Les exclusions basées sur le lieu de résidence se pratiquent au niveau de toutes les élections. Les conditions de résidence souvent édictées pour exclure les candidats indésirables sont impossibles à remplir par les intéressés à cause de l’insécurité qu’on y a créée contre eux, et des activités professionnelles qu’ils mènent en dehors de la circonscription électorale. Si Gilchrist Olympio pouvait vivre au Togo sans être trucidé par ceux qu’on connaît, il remplierait les conditions d’éligibilité pour être candidat à l’élection présidentielle du 24 avril 2005. On ne peut pas non plus être fonctionnaire international et remplir de telles conditions de 12 ou de 24 mois d’affilée de résidence que l’on édicte çà et là pour être candidat.

5 - Les exclusions liées aux moyens économiques se voient au niveau des lois comme au niveau des partis politiques. On exigera des candidats ou des postulants à la candidature d’une élection donnée, qu’ils aient tels moyens économiques ou fait telles réalisations d’infrastructures sociales, agricoles ou industrielles ; toute chose ne se rapportant pas forcément à leur popularité ou à leur estime vis-à-vis des électeurs.

Les méthodes d’exclusion ci-dessus énumérées pour gagner des élections sont les plus dangereuses parce qu’elles engendrent des frustrations et des guerres civiles.

Pour que notre pays ne tombe pas dans les mêmes travers que des pays comme la Côte d’Ivoire et le Togo connaissent , nos hommes politiques doivent commencer par nettoyer tous les textes de loi qui prêtent à des interprétations malveillantes, à commencer par les dispositions de notre constitution sur les conditions d’éligibilité à la Présidence du Faso. En effet, quand on écrit dans notre constitution que le candidat à la Présidence du Faso doit être né Burkinabé de père et de mère Burkinabé, cela peut prêter à des interprétations malveillantes d’hommes politiques de mauvaise foi, pour peu qu’ils se sentent incapables de gagner des élections libres et transparentes. Hormis Me Gilbert Noël Ouédraogo de l’ADF-RDA et peut être Me Bénéwendé Stanislas Sankara de l’ UNIR-MS , dont j’ignore la date de naissance, qui sont nés Voltaïques ou Burkinabé, tous les autres candidats à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005, connus jusqu’ici, à commencer par le Président du Faso en exercice Blaise Compaoré , sont nés avant le 05 Août 1960, date de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, à une époque coloniale, avec le statut d’indigénat. Il peut paraître saugrenu de poser le problème ainsi chez nous, mais attention aux démons de la division !

Cessons donc de fétichiser la nationalité burkinabé ou de sacraliser le fauteuil du président du Faso, pour être un Etat véritablement moderne, à l’instar du Mali qui a réglé cette question par la seule condition d’être Malien, tout court.

Nos hommes politiques doivent aussi avoir un discours unificateur de toutes les ethnies qui composent le Burkina, en faisant des luttes d’idée ou de programme basées essentiellement sur les réalisations d’infrastructures économiques et sociales. Les Burkinabè et le Burkina en sortiront grandis.

Lorsque ceux qui prétendent être candidats arrivent à être retenus pour une élection donnée, les méthodes utilisées par les fraudeurs de tous bords sont celles développées ci-dessous, qui sont des méthodes directement liées aux opérations de vote, à commencer par le bourrage des urnes :

II°) -Le bourrage des urnes

Le bourrage des urnes consiste à ajouter, par des fraudes, des bulletins de vote exprimant des votes favorables dans des urnes destinées à assurer les opérations de vote, dans les bureaux de vote le jour du scrutin, de sorte qu’au dépouillement on se retrouve avec le plus grand nombre de voix. Le bourrage des urnes suppose qu’on ait des bulletins de vote supplémentaires, parallèlement à la structure chargée de l’organisation du scrutin (la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) . Il peut se faire tout juste avant le début du scrutin ou pendant le scrutin lors des votes des électeurs :

1 - il se fait au début du scrutin en mettant au préalable dans des urnes, un certain nombre de bulletins exprimant des votes favorables. Dans ce cas, les urnes non transparentes, qui sont le plus souvent faites en bois, arrivent fermées dans les bureaux de vote avec ces bulletins.

2 - il se fait pendant le scrutin en dotant des électeurs de ces bulletins, qui les introduiront dans les urnes, en plus du bulletin de leur vote réel, une fois dans l’isoloir. Ce procédé suppose qu’on n’a pas pu bourrer les urnes en amont, du fait de la transparence des urnes, ou de la vigilance des adversaires.

Le bourrage des urnes peut se faire avec les bulletins uniques, comme ceux utilisés aux législatives du 05 mai 2002 au Burkina, et avec les bulletins individuels naguère utilisés dans nos scrutins.

Pour parer au bourrage des urnes, la transparence des urnes seule ne suffit pas. Il faut avoir dans les bureaux de vote des représentants politiquement conscients et compétents en matière électorale. On peut déceler du bourrage lors du dépouillement en confrontant le nombre de votants au nombre de bulletins dépouillés ; si le nombre de bulletins dépouillés est supérieur au nombre de votants, c’est qu’il y a eu bourrage. Il est clair, dès cet instant, que les résultats d’un tel bureau de vote sont à annuler, au cas où on n’arrive pas à déceler les faux bulletins de vote des vrais.

Le bourrage des urnes est la plus vieille méthode de nos démocraties et a été utilisé pendant très longtemps comme moyens de trucage des élections.

Lorsque l’on ne peut ni exclure des candidats, ni bourrer des urnes, les techniciens des fraudes ont inventé le système des inscriptions et des votes multiples.

III°) -Les inscriptions et les votes multiples des électeurs.

Les inscriptions et les votes multiples consistent à faire inscrire plusieurs fois sur les listes électorales des électeurs que l’on fera voter plusieurs fois. De secteur en secteur, de village en village, de bureau de vote en bureau de vote, ces « électeurs » sont le plus souvent transportés par cars entiers pour assouvir leurs desseins.

Presque tous les partis politiques, opposition ou pouvoir, ont utilisé cette méthode pendant les municipales du 24 septembre 2000 et les législatives du 05 mai 2002.

Pour combattre ce système, on lui a opposé l’utilisation de l’encre indélébile qu’on a vite fait de contrer par diverses techniques pour effacer cette encre souvent apposée sur la paume de la main ou sur le bras. La tendance actuelle est à l’informatisation du fichier électoral, avec des cartes d’électeurs « infalsifiables » avec photo, pour enrayer le système. Nous attendons de voir ce que la CENI du Burkina nous réserve avec le système qu’elle est en train de mettre en place pour freiner les inscriptions et les votes multiples.

Dans l’impossibilité d’utiliser les méthodes ci-dessus, le système auquel on fait appel est celui de la rétention des cartes d’électeur.

IV°)- La rétention des cartes d’électeurs des partis adverses et les « votes » des morts.

La rétention des cartes d’électeurs consiste à distribuer les cartes d’électeurs de ses partisans, à retenir ou à faire disparaître par tout autre procédé, les cartes d’électeurs de ses adversaires. Elle est possible lorsque, à partir d’un fichier électoral tiré d’un recensement global ou administratif de la population, on a établi un corps électoral et imprimé des listes et des cartes d’électeurs.

Les élections législatives de 1997 au Burkina ont connu cette technique utilisée en grande partie par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et par d’autres partis d’opposition qui se sont avisés très tard de la supercherie des « techniciens » du parti de Jean Léonard Compaoré.

En Côte d’ Ivoire, on voit le Président Laurent Gbabgo venir à cette méthode, après avoir été contraint à accepter la candidature de son principal opposant, Alassane Dramane Ouattara, avec la décision prise par lui de confier en amont, l’établissement des listes et de cartes d’électeurs à l’Institut National de la Statistique (INS ). Il pourrait ainsi assurer sa réélection en retenant ou en faisant disparaître les cartes d’électeurs des militants « RDR », faciles à détecter dans un pays où les partis politiques se rapportent en majorité aux ethnies.

L’établissement des listes et des cartes d’électeurs à partir d’un recensement administratif ou global peut faire aussi courir le risque du « vote » des morts car, le plus souvent, ce sont des recensements vieux d’au moins cinq (5) ans qui ne rendent pas compte de plusieurs décès de personnes au cours de la période. En distribuant les cartes d’électeurs des personnes décédées dans les concessions, des citoyens malhonnêtes pourraient marchander, comme on l’a souvent vu, « leurs voix » en allant voter en leur nom.

Pour empêcher la rétention des cartes d’électeurs des partis adverses et les « votes » des morts, il faut des inscriptions directes des personnes en âge de voter. L’inscription directe consiste à inscrire sur une liste électorale, toute personne se présentant devant les bureaux de recensements des commissions électorales, préalablement établis et connus de tous, et à lui donner sur le champ sa carte d’électeur indiquant le jour et le lieu du vote. Ces inscriptions peuvent être informatisées pour déceler les inscriptions multiples qu’on annulera pour éviter les votes multiples.

V°)- De la falsification des procès verbaux d’élection.

Les procès verbaux d’élection sont des documents qui récapitulent, après le dépouillement et le décompte des voix de chaque parti ou de chaque candidat, au niveau de chaque bureau de vote, le nombre de voix obtenues par chacun. Il s’établit en plusieurs exemplaires (04), mis sous plis fermés distincts selon leurs destinations, de sorte qu’à la proclamation des résultats par chaque structure décentralisée, la CENI et le Conseil constitutionnel, on ait une concordance de ces résultats. Ces procès verbaux doivent porter, en plus de la signature des membres du bureau de vote, la signature des représentants des candidats ou des partis politiques en compétition.

Falsifier donc les procès verbaux d’élection, suppose :

1 - que des partisans d’une même formation politique ou d’un même candidat se soient retrouvés tous dans un même bureau de vote sans la présence des autres ; ils porteraient dans ce cas, si besoin, les résultats qu’ils voudraient et qui arrangeraient leur candidat ou leur formation ;

2 - qu’on ait pu tromper la vigilance des représentants des autres partis ou candidats, du fait de leur ignorance ou de leur manque d’attention, ou du fait qu’on les ait tout simplement corrompus ;

3 -qu’on ait disposé d’imprimés de procès verbaux en nombre suffisant, parallèlement à la structure chargée d’organiser le scrutin, et qu’on y ait porté les résultats qu’on ait voulu avec des fausses signatures, pour être acheminé aux structures chargées de l’organisation du scrutin, qui sont forcément complices, pour la proclamation des résultats.

Un tel système est très difficile à combattre parce que, pour y parvenir, il faudrait avoir un représentant dans tous les bureaux de vote et dans toutes les structures de l’organisation du scrutin ; il faudrait aussi que ces représentants soient des militants lettrés, conscients, vigilants et incorruptibles, toutes choses difficiles à réaliser dans un contexte où le « militantisme alimentaire » prime sur toutes autres considérations. N’est-il pas donné de voir, que des partis politiques ou des candidats aient zéro voix dans des bureaux de vote où ils avaient pourtant des représentants censés voter pour leur parti ou leur candidat ? Les partis politiques où les candidats doivent avoir les moyens de leur politique, s’ils ne veulent pas continuer à dénoncer, systématiquement et sans succès, « les fraudes » dont ils ne peuvent jamais apporter la moindre preuve.

Aussi difficile à combattre, la corruption des électeurs est une des méthodes les plus utilisées et les plus courantes à toutes les élections organisées dans nos pays.

VI°)- La corruption des électeurs.

La corruption des électeurs est l’achat de conscience, par des moyens financiers, des électeurs afin de détourner leur vote en faveur du bailleur de fonds ou du candidat de celui-ci, si ce n’est pas le candidat lui-même qui est le bailleur. Elle se fait de façon directe ou de façon indirecte :

1 - la corruption se fait de façon directe en distribuant des billets de banque aux électeurs, en leur distribuant des vivres en nature et en organisant des soupes populaires à travers des réjouissances animées par des troupes de danses et autres groupes musicaux loués pour la circonstance. Pour être sûr d’un tel vote « acheté », il est arrivé que des candidats ou des partis demandent aux électeurs de ramener, après leur vote, les bulletins de vote de leurs adversaires dans des concessions ou des lieux désignés à l’avance. Il y eut même, à certains endroits, des comptoirs d’achats de bulletins de vote des partis ou des candidats adverses pour assurer des victoires.

2 - la corruption se fait de façon indirecte en misant sur des grands électeurs qui sont des personnalités influentes de nos sociétés traditionnelles, en l’occurrence, les chefs coutumiers et les notables. Ces votes sont le plus souvent sûrs parce qu’ils sont liés au respect des coutumes et des personnes qui les représentent.

Pour contrer la corruption ou l’achat de conscience des électeurs, on est parvenu, après plusieurs luttes, à instituer le bulletin unique qui n’oblige plus les électeurs ayant reçu de l’argent ou des consignes de vote, à prouver leur vote. Ceux qui distribuent des billets de banque et autres biens aux électeurs en vue de les corrompre, le font à leur risque. Le seul problème à ce niveau, reste le militantisme ouvert de nos notables et chefs coutumiers dans des partis politiques alors qu’ils sont des personnes censées être au-dessus des partis. Doit-on continuer à les laisser influencer les votes de nos populations ? Le débat reste ouvert et le Centre pour la Gouvernance Démocratique ( C G D ) du professeur Loada a eu le mérite d’avoir pris le problème à bras le corps dans une de ses études qui a rencontré la colère de ces chefs à une de ses rencontres d’échanges.

VII°)- Les menaces et les intimidations des électeurs des partis politiques adverses.

Les menaces et les intimidations des électeurs des partis ou des candidats adverses, consistent à créer la peur et la psychose au sein de l’électorat par tous les moyens, afin d’empêcher ces derniers à sortir massivement pour voter le jour du scrutin. Avec une faible participation des électeurs dans le camp adverse et une forte participation dans son propre camp, on est sûr de remporter les élections même si mathématiquement ou théoriquement il était démontré qu’en cas d’un scrutin tranquille et équitable, le camp adverse l’emporterait.

Nous pouvons prendre comme exemple, ce qui vient de se passer au Togo où l’ Opposition radicale , avec Bob Akitani, par des calculs théoriques, devraient en principe l’emporter sur le Rassemblement du peuple togolais (R P T) avec Faure Gnassingbé, dans une logique de lutte « Nord contre Sud ».

Cette pratique finit par des affrontements inévitables si, malgré toutes les menaces et intimidations , les électeurs sont déterminés à exprimer leur vote, on en vient à la destruction ciblée des urnes ou des bureaux de vote.

VIII°) - La destruction ciblée des urnes ou des bureaux de vote.

La destruction ciblée des urnes ou des bureaux de vote consiste à identifier les fiefs électoraux de ses adversaires, à faire des « descentes musclées » dans les bureaux de vote de ces fiefs, en vue de détruire tous les matériels pouvant prouver la victoire de son adversaire. Le matériel indiqué dans ce cas est l’urne contenant les bulletins de vote non encore dépouillés, si ces « descentes » sont faites quelques minutes avant l’heure de fermeture des bureaux de vote.

Les images des « descentes » de militaires dans des bureaux de vote, le 24 avril 2005 au Togo sont encore fraîches dans les mémoires. Même si la proportion des bureaux de vote touchés par cette barbarie politique est « faible », reconnaissons que cela n’honore pas l’ Afrique et entache la « victoire » programmée de Faure.

IX°) - Le découpage circonstanciel du territoire en circonscriptions électorales et les modes de scrutin « injustement » adoptés pour noyer « les petits ».

Le découpage circonstanciel et intentionnel du territoire en circonscriptions électorales, pour gagner une élection consiste à regrouper ou à exclure, par la manipulation des limites territoriales habituellement connues, des électeurs favorables ou défavorables. Il consiste encore à faire de grands espaces géographiques dans lesquels on est sûr d’épuiser et de noyer ses adversaires. Il peut enfin consister à faire des découpages territoriaux en circonscriptions électorales équivalentes qui ne tiennent pas comptent de l’importance numérique ou de la densité des populations qui sont la base de toute démocratie :

1 - le découpage circonstanciel et intentionnel du territoire pour regrouper ou exclure des électeurs favorables ou défavorables, a été expérimenté pour la première fois dans notre pays, sous le règne du président Maurice Yaméogo du RDA, qui a eu à rallier des régions de Sud-Ouest du Burkina (Gaoua) à celles du Centre-Ouest (Koudougou) et celles du Sud (Pô et Tenkodogo) à celles du Nord (Ouahigouya )... dans le seul but de noyer les voix de ses adversaires dans des ensembles plus grands et plus favorables à son parti. Des témoins de l’histoire pourraient décrire avec précisions et détails les techniques de ce « savant » politique.

- 2 - au Tchad, le pouvoir d’ Idriss Déby a expérimenté la méthode du découpage du territoire en circonscriptions électorales équivalentes sans tenir compte de l’importance numérique des populations, parce que ses fiefs électoraux qui sont le Nord et le Centre du pays, sont les régions les moins peuplées du pays, soit 25% de la population, et s’est retrouvé avec une majorité écrasante de sièges à l’Assemblée nationale. Il est clair que cette méthode ne respecte pas le principe démocratique d’égalité de voix et des électeurs.

- 3 - en mai 2002, le CDP pensait avoir trouvé le système pour épuiser et noyer les « petits partis » en créant des circonscriptions électorales gigantesques et conformes à sa taille de parti mastodonte. Mais il a suscité, sans le vouloir, des votes ethniques ou micro-régionalistes qui ont failli le perdre. On connaît le résultat de ces élections salués par tous les démocrates épris de paix et de justice, obligeant le CDP à s’ouvrir et à coopérer avec d’autres formations politiques pour constituer une majorité parlementaire. N’est-ce pas pour cela que ce parti est revenu avec une loi qui rétablit l’ancien système de découpage qui fait des provinces les circonscriptions électorales ?

Les modes de scrutin sont des règles de jeu préétablis pour déterminer les sièges obtenus par chaque parti ou chaque candidat à l’issue d’une compétition électorale. Ils sont variables selon les pays et les personnes qui les établissent. Ils sont le plus souvent faits avec l’intention de noyauter les adversaires. Sans faire le tour d’horizon et le récit de tous ces modes de scrutin qui appellent à des calculs fastidieux des voix, il est clair pour tous les Burkinabé que le mode de scrutin à listes du système de « la proportionnelle au plus fort reste », proposé par le Collège des sages et les différentes commissions de réformes politiques, et accepté par le CDP malgré lui, est plus démocratique et plus représentatif des expressions plurielles que le mode de scrutin du « Tuukdjili », le scrutin à listes de « la proportionnelle à la plus forte moyenne ».

Ces procédés intentionnels et antidémocratiques ne sont pas directement liés aux opérations de vote le jour du scrutin, mais assurent la victoire préétablie des partis majoritaires au pouvoir qualifiés pour voter des lois modificatives, avec souvent des marges d’erreurs de « calculs ».

Lorsque rien n’est possible pour nos dictateurs pour appliquer toutes ces méthodes, ou s’ils ont tout utilisé sans succès, ils passent en force en prenant en otage tout le processus électoral.

X °) - La prise en otage du processus électoral.

La prise en otage d’une élection consiste à contraindre la structure chargée d’organiser le scrutin afin qu’elle proclame des faux résultats. Au cas contraire, les ministres chargés de l’intérieur ou de l’administration des territoires se chargent de le faire.

Nous avons toujours en mémoire, le Général Robert Guéi qui a investi le siège de la commission électorale le 25 octobre 2000 en Côte d’ Ivoire pour ramasser les documents devant servir à calculer les résultats des élections et les membres de la commission électorale, pour se déclarer ensuite vainqueur, après avoir exclu ses opposants potentiels et signé un deal avec Laurent Gbabgo . La suite, on la connaît...

Le Général Eyadema au Togo a pris en otage les élections présidentielles de 1993 et de 1998 pour se faire déclarer vainqueur par son ministre chargé de l’Intérieur en lieu et place des Commissions Electorales Nationales Indépendantes (CENI).

La liste des exemples n’est pas exhaustive.

A quand la fin de toutes ces pratiques antidémocratiques ? Les responsables des partis politiques au pouvoir comme de l’opposition sont interpellés. Aussi, une intensification des actions d’éducation démocratique entreprises par les organisations non gouvernementales (ONG) telles que le C G D, le GERDDES ou toute autre structure, à l’endroit de nos dirigeants et de nos autorités politiques, est souhaitable.

Veuillez recevoir, Messieurs les dirigeants des partis politiques, l’expression de toutes mes préoccupations citoyennes.

Touré Issiaka Barrou
Tél : 70 25 23 17

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