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UE/ACP : les relations prennent un virage libéral

Publié le vendredi 6 mai 2005 à 08h17min

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La neuvième session de l’Assemblée parlementaire paritaire Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne (ACP/UE) à laquelle participaient près de 550 délégués s’est tenue du 14 au 21 avril 2005 à Bamako, au Mali.

Réunissant les parlementaires des pays signataires des accords de Cotonou en 2000, cette instance s’est fixée comme objectifs la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et le renforcement des relations Nord-Sud.

A Bamako, plusieurs sujets dont, la filière coton et le problème des subventions agricoles européennes et américaines, la situation des pays en situation de post-conflit, les objectifs du Millénaire, la scolarisation des filles, ou encore l’efficacité de l’aide...ont été débattus. Sur ce dernier point, faisant allusion à l’invasion de criquets dont plusieurs pays africains ont été victime durant la campagne agricole passée, le président malien Amadou Toumani Touré a déploré que le soutien des Européens ne soit pas arrivé au bon moment.

Mais le principal sujet de cette session portait sur la révision des accords de Cotonou signés le 23 juin 2000 dans la capitale béninoise. Après de longues discussions, le document signé, qui remplace les accords de Lomé, établit de nouvelles relations politiques, économiques et commerciales entre Européens et pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Il repose essentiellement sur la coopération économique et commerciale, l’appui financier et technique, le respect de l’état de droit, l’implication de la société civile et une place prépondérante accordée au secteur privée.

Pour l’Union européenne (UE), la réussite de sa politique de développement passe, bien sûr par l’aide, mais surtout par les facilités commerciales accordées aux ACP afin de leur permettre de s’insérer dans l’économie mondiale. C’est ainsi que depuis 1975, les relations commerciales entre UE/ACP sont régies par un régime dit préférentiel unique permettant aux ACP d’écouler plus de 90% de leurs produits sur le marché communautaire européen, à l’exception des armes.

Le but visé à travers ce mécanisme étant la diversion des économies et le renforcement des capacités d’industrialisation des pays ACP. Mais en dépit de ces liens privilégiés, les résultats sont en deçà des attentes puisqu’à l’heure actuelle, la part des ACP dans les importations communautaires ne représente que 2% contre 6,7% aux débuts des années soixante-dix. « Une situation due essentiellement, selon le président Ghanéen John Kufuor, à notre incapacité à ajouter de la valeur aux produits que nous vendons », le gros des exportations étant constitué de produits de base.

Pis, plus le temps passe, plus leur position se marginalise dans les échanges mondiaux. En vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, ce régime préférentiel est contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) entrées en application depuis 1995, les exportations européennes vers les ACP étant, elles, soumises aux droits de douanes.

Afin de parvenir, en douceur, au respect des règles de l’OMC, les accords de Cotonou prévoient la signature d’ici 2008, d’accords de partenariat économique (APE) entre l’UE et des zones économiques régionales, et à terme la création de libre-échange à l’horizon 2020.

Le principe consiste à donner les moyens à chaque pays de participer aux échanges régionaux avant d’envisager l’intégration mondiale, l’expérience ayant montré, notamment en Amérique latine et en Asie du Sud-Est que les pays qui ont su établir de bonnes relations commerciales avec leurs voisins en ont profité de la complémentarité régionale. Les APE devraient donc donner un coup de fouet aux échanges commerciaux entre pays d’une même région, et surtout permettre la mise en place d’instruments régionaux susceptibles d’attirer des investisseurs étrangers.

En l’absence d’infrastructure viable, les échanges commerciaux entre Etats africains et dans les Caraïbes demeurent très faibles, à peine 6%. Dans la zone Cémac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale), les échanges ne représentent que 2,1% contre 6% en 1970.
Quant au volet financier, les accords de Cotonou préconisent une approche individualisée de la coopération, soit avec un pays, soit avec une région, afin de mieux adapter les financements des programmes élaborés conjointement avec le ou les bénéficiaires.

Les européens voient dans ces programmes dont l’exécution sera régulièrement contrôlée, un levier du succès de leur politique de développement humain et de l’intégration sous-régionale. Pour y parvenir, le Fond européen de développement (FED) a mobilisé plus de 15 milliards d’euros destinés à l’aide humanitaire et au financement des projets à caractère public et privé. La prise en compte du secteur privé est une nouveauté dans le partenariat UE/ACP, car depuis lors, les fonds publics étaient réservés aux secteurs publics.

Afin d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement ( OMD) adoptés par les Nations unies en 2000, des propositions ont été adoptées à Bamako visant non seulement à augmenter le volume de l’aide, mais aussi à améliorer l’efficacité de l’aide au développement. Les pays de l’Union européenne se sont engagés à porter à 0,56% la part de leur Produit national brut (PNB) consacrée à l’aide d’ici 2010 et à 0,7% en 2015.

Pour l’instant seuls le Danemark, le Luxembourg, les Pays-bas et la Suède ont donné le bon exemple, la moyenne de l’Union européenne se situe autour de 0,34%, mais néanmoins supérieure à celle des Etats-Unis et du Japon. Concrètement, les engagements pris par l’UE devraient se traduire par un accroissement de 20 milliards d’euros par an à partir de 2010, venant s’ajouter aux 30 milliards d’euros par an consacrés à l’aide publique au développement (APD).

Presque des broutilles car selon le directeur du projet du millénaire Jeffrey Sachs, il faudrait une enveloppe de 135 milliards de dollars par an pour atteindre les OMD. Sans une mobilisation internationale exceptionnelle des organismes internationaux et des partenaires du développement afin d’éviter que les OMD restent de vœux pieux d’autant que la santé des économies du Sud reste précaire.

Dans les ACP, il faudrait une croissance de 7% par an pour réduire de moitié la pauvreté en 2015, or en Afrique au sud du Sahara, la croissance économique ne dépasse pas 3,8% ! Selon le rapport de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel publié en juillet 2004, le nombre de personne vivant avec moins de 1 dollar par jour a baissé de 40 à 21% dans le monde mais a progressé dans le même temps de 42 à 47% en Afrique sudsaharienne.

Pour l’instant, le Bénin, le Cap-vert, la Guinée-équatoriale, Malawi, l’Ouganda et le Boswana peuvent encore espérer diviser par deux le nombre de pauvres d’ici 2015.
Si les Etats des pays ACP restent les principaux responsables de la gestion de l’aide financière, les accords de Cotonou soulignaient aussi le rôle fondamental de la société civile (Organisations non gouvernementales, associations de défense des droits de l’homme...) dans la lutte contre la pauvreté, notamment dans la prévention et le règlement des conflits et la bonne gouvernance.

Pour non respect aux droits de l’homme, l’UE peut être amenée à prendre, à l’encontre d’un pays fautif, des mesures de pénalité allant de la limitation d’accès au marché communautaire au gel ou l’annulation des projets d’aide. Jugé peu respectueux de l’état de droit et des libertés, l’UE a interrompu ses relations avec le Togo depuis 1992 suite à l’élection présidentielle truquée.

Au cours de cette 9e session, les parlementaires UE/ACP ont manifesté le désir d’envoyer des observateurs pour superviser l’élection présidentielle du 24 avril 2005, avant finalement d’y renoncer.

Manifestement, et contrairement aux ONG, les conclusions de cette 9e session semblent satisfaire les parlementaires, à commencer par le président de l’Assemblée nationale du Mali et président de l’Union parlementaire de l’union africaine, Ibrahim Boubacar Keïta. A l’en croire, par la révision des accords de Cotonou, les « pays ACP et l’Union européenne tiendront désormais un langage de partenariat fondé sur le respect réciproque ».

Plutôt inquiètes, des ONG telles que Enda Tiers Monde, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Africa Trade Network et le Forum pour l’autre Mali ont signé un texte dans lequel, elles considèrent que le remplacement des accords globaux par les Accords de partenariat économique (APE) n’est pas la meilleure formule efficace de lutte contre la pauvreté. Alors que « l’intégration régionale et le développement économique impliquent de fortes protections du marché intérieur notamment pour l’agriculture, l’industrie et les services, écrivent-elles, les APE prévoient de les éliminer avec leur principal partenaire commercial qui est l’Union européenne ».

Avant d’ajouter que « dans l’histoire, il n’y a pas d’exemple de développement global sans une forte protection de l’agriculture et des industries naissantes » et de rappeler que depuis fort longtemps , l’UE maintient, hors accords préférentiels avec les ACP, des taux de protection des produits alimentaires de base de 3 à 8 fois supérieur à ceux en vigueur dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

Sur le volet financier, notamment l’appui budgétaire, les ONG redoutent de fortes pertes en raison de la suppression des tarifs douaniers prévues par les APE, ce qui entraînera une incapacité pour les Etats à assumer leurs obligations sociales et de lancer des politique d’investissements publics. « Ces pertes ne peuvent être compensées ni par l’aide publique, ni par la fiscalité internes sur les entreprises, encore moins sur les ménages déjà affectés par la baisse de leurs pouvoirs d’achat » estiment-elles.

Wabah Sidibé
Lefaso.net

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