Les populations vaquaient toujours à leurs occupations quotidiennes. Un tour au siège du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), situé au secteur 3 de Gourcy et à 100 m du domicile du député Tahéré Ouédraogo, nous renseigne sur la situation. Le siège est détenu actuellement par les ténors des Amis de Blaise Compaoré (ABC) dont le responsable régional n’est autre que le petit frère du député Tahéré Ouédraogo. Plus loin, dans la cour de Antoine Raogo Sawadogo, se sont retranchés les éléments du camp de Mandé Issoufou Baba, secrétaire général du CDP, section provinciale.

Les affrontements ont, certes, cessé mais la tension est vive. Récit d’une journée à Gourcy où des militants d’un même parti ont failli passer de vie à trépas pour, dit-on, servir la même cause.

Voici près d’une dizaine d’années que la province du Zondoma est frappée et déchirée par une crise politique.

Mais ce qui s’est passé à Gourcy le 1er mai dernier est loin d’être imaginé par qui que ce soit. Pour un poste de Secrétaire général de section provinciale du Zondoma, des frères se sont divisés, formant des camps, chacun devenant un ennemi à abattre à tout prix. D’abord, le camp du député Tahéré Ouédraogo, ancien Secrétaire général du CDP et actuel coordonnateur régional des Amis de Blaise Compaoré (ABC). Le député Tahéré Ouédraogo convoite le poste de Secrétaire général du CDP pour son petit frère, Souleymane Ouédraogo qui est au centre des mésententes avec le clan de Mandé Issoufou Baba, l’actuel Secrétaire général de la section provinciale du Zondoma reconnu par les instances dirigeantes du bureau politique national du CDP.

Nommé depuis le 17 mai 2004, le nouveau Secrétaire général, Mandé Issoufou Baba n’est toujours pas rentré en possession des clés du siège du CDP. Il n’a pas non plus effectué de passation de service. Mais ce qui frise le ridicule, aucun des deux camps ne veut mettre un peu d’eau dans son vin. Chacun jure d’en finir avec l’autre.

La confrontation du 1er mai n’a pas fait de mort, mais des blessés (5 à 6) dont deux qui étaient dans un état grave. Ils ont été transférés de Gourcy au Centre hospitalier régional de Ouahigouya. Des pistolets, selon les dires des uns et des autres et toutes les armes du moyen-âge, ont été utilisés par les deux camps au cours de l’affrontement. Pour mieux comprendre la situation, nous avons entendu les deux camps qui se rejettent la responsabilité des affrontements.

Selon le Secrétaire général du CDP du Zondoma, Mandé Issoufou Baba : "A l’approche de l’élection présidentielle, nous avons pris des initiatives qui nous ont conduit à des actions de sensibilisation dans les secteurs de Gourcy afin que les gens s’inscrivent massivement sur les listes électorales.

Cela nous a conduit dans les secteurs 1, 5, 4, 3 et il ne nous restait plus que le secteur 2 de Gourcy, autrement dit le secteur ou réside le député Tahéré Ouédraogo, coordonnateur régional des ABC pour le Nord. C’est dans ce secteur que les affrontements ont eu lieu. Pendant que mes militants installaient le matériel de sonorisation, j’ai été saisi par téléphone d’un éventuel affrontement avec les gros bras recrutés par le petit frère du député, communément appelé sécurité du député.

Si tôt informé, j’ai saisi immédiatement le maire qui nous a conseillé de reporter la rencontre à une date ultérieure. Ce qui fut fait. Le temps que mes éléments se replient, ils ont été attaqués à coups de machettes, de gourdins et d’antivols. 5 à 6 d’entre eux ont été blessés".

Selon lui, toujours la chasse aux "sorciers" s’est poursuivie en ville avec des jeunes recrutés dans les villages environnants à raison de 10 jeunes par village. Le SG estime à plus de 100 le nombre de ces jeunes qui d’après lui seraient hébergés, nourris et payés par le député Tahéré Ouédraogo. Des jeunes qui ont déchiré sans regret les tee-shirts portant l’effigie du président Blaise Compaoré. Eux qui étaient habillés tous en tee-shirts de marque ABC (Amis de Blaise Compaoré).

Une des victimes des affrontements.

Le député Tahéré Ouédraogo aurait ordonné aux jeunes de tuer les militants qui sont avec le SG actuel car il a un avocat qui pourra les défendre devant les juridictions. Le Secrétaire général nous a confié que 6 à 7 personnes relevant des jeunes recrutés détiennent de "vraies" armes. Ce que nous avons pu vérifier.

Le petit frère du député, Souleymane Ouédraogo, prétendant au poste de Secrétaire général du CDP de la province et Coordonnateur provincial des ABC du Zondoma que nous avons approché, explique : "Les problèmes remontent au moment du renouvellement des structures du CDP ou mon grand frère, le député Tahéré Ouédraogo a été remplacé par Mandé Issoufou Baba. Compte tenu de sa casquette de député, il ne pouvait plus être Secrétaire général.

Les éléments de "sécurité" de Mandé Issoufou Baba quelques heures après les affrontements. Cela ne s’est pas passé dans la règle de l’art. Ce qui a contribué a pollué l’environnement politique de la province. Subitement, les deux se regardaient en chiens de faïence. C’est ainsi que j’ai reçu un coup de fil du député Tahéré Ouédraogo, il y a 2 semaines, m’annonçant que sur instruction ferme du ministre de la Fonction publique, M. Alassane Savadogo, des éléments viendraient récupérer de force les clés du siège du CDP, parce qu’il rompait toutes négociations avec le député. Effectivement, le 1er mai dans la matinée, un élément de la sécurité du député est venu me faire part que des éléments se dirigeraient vers le siège du CDP.

C’est ainsi que j’ai rassemblé en un temps record mes éléments au siège. En l’espace de 30 minutes, des jeunes habillés en tee-shirts griffés J sont venus réclamer la clé du siège du CDP. Il a fallu l’intervention du chef de Gourcy pour éviter le pire. Quand mes éléments ont donné dos, l’autre camp en a profité pour les tirer dessus (apparemment c’est avec des fusils traditionnels). Heureusement, nous ne déplorons aucun cas grave. La réaction de mes éléments a été prompte : 6 à 7 blessés dans le camp du SG", Issoufou Ouédraogo accuse les militants du Secrétaire général du CDP de la province d’organiser des meetings contre eux en les traitant de dictateurs et de pouvoir monarchique.

Toujours pour les militants du camp du député, il est inadmissible de désigner un analphabète pour conduire un grand parti comme le CDP. Ils disent que le Secrétaire général leur a été imposé. Une imposition qu’ils refusent. Ils jurent d’en découdre avec les auteurs de cette imposition si jamais ils se présentaient. Le coordonnateur des ABC de la province et ses acolytes ont lancé un défi aux militants de l’autre camp. Une autre confrontation n’est pas à exclure. Au moment où nous bouclions notre article, nous avons appris que 5 personnes ont été arrêtées et gardées à vue à la gendarmerie de Gourcy suite à une plainte déposée par le camp du Secrétaire du CDP.

Affaire à suivre.

Jean-Victor OUEDRAOGO
AIB/Yatenga