A l’instar de son ami Jacques qui ne semble plus réellement avoir la haute main sur son « UMP », voilà que Blaise vient d’avoir « AMP », en attendant son « Sarkozy » pour mettre de l’ordre dans les rangs, à moins qu’il ne lui passe par la tête de jouer les trapézistes, sans filet, passe-temps favori de l’homologue parisien.

La première question qui se pose est celle de savoir pourquoi tant de partis pour un seul homme alors qu’un seul, conscient et bien organisé, aurait suffisamment fait l’affaire. Dans l’esprit de nombreux militants du parti majoritaire, seul l’appât du gain facile a réussi à déclencher le « génie créateur » des mouvanciers. A leur décharge, ceux-ci parlent de démocratie comme si celle-ci ne comportait aucune règle, même tacite, accessible au simple bon sens : plus d’une soixantaine de partis se disputent la prétention de savoir gouverner douze millions d’habitants. N’est-ce pas à donner le tournis lorsqu’on a les pieds sur terre ?

Cependant, le CDP n’a sans doute pas eu tort de jouer cette carte ! L’homme d’Etat français Edouard Herriot aimait à dire que « la démocratie est une bonne fille ; mais pour qu’elle soit fidèle, il faut faire l’amour avec elle tous les jours ». Soit ; un peu à gauche, un peu à droite et au centre, on tentera de satisfaire tout le monde.

Il est bon toutefois de revenir sur ces deux articles consacrant la fameuse convention pour tenter de bien en saisir la portée. Certains juristes ironisent en disant que les textes de lois qui semblent les plus corrects sont généralement les plus flous. Que dit cette convention ?
« Art 1er : La mouvance présidentielle se définit comme étant le regroupement de l’ensemble des partis ou formations politiques officiellement reconnus qui soutiennent et défendent le programme politique du président du Faso »

« Art 2 : L’objectif général poursuivi par les membres de l’AMP est de défendre les programmes politiques définis par Son Excellence Blaise Compaoré ».

A vouloir tenter une explication de texte, on y perdrait son latin. Outre le fait que l’harmonie n’était pas au rendez-vous, on peut toujours se poser la question de savoir comment réellement définir ce mouvement se présentant ’’comme étant’’... Quand sera-t-il quoi ? De plus, cela devait concerner « toutes les formations politiques officiellement reconnues »... On en a pourtant recollé quelques-unes, ce qui laisse penser que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des partis du Faso.

L’article premier parle du programme politique du président du Faso, tandis que l’article deux évoque des « programmes politiques définis par Blaise Compaoré ». S’il est un fait que nous rappelle l’AMP, c’est que tout pouvoir a toujours été plus ou moins personnalisé, que jamais on oublie complètement l’homme sous la fonction. Soit.

Mais que l’on dise de quel programme il s’agit. On sait qu’un programme solidaire avait été élaboré pour la campagne passée. Ce que l’on sait moins, c’est s’il sera reconduit, ou sera-t-il celui du parti majoritaire, ou encore une synthèse des programmes des partis politiques soutenant le candidat Blaise Compaoré.

Tout cela paraît flou, inextricable, mais fait partie de ces « burkinaiseries » auxquelles sont habitués les observateurs de la scène politique burkinabè.
L’on a dit, quelque part, que l’Alliance qui a été constituée ne représentait pas un « fourre-tout », question de détendre l’atmosphère, voire un vu, mais difficile à avaliser lorsqu’on sait que l’univers dans lequel nous évoluons est un véritable « fourre-tout », où chacun peut rêver et fantasmer à sa guise sans guère se préoccuper des états d’âme du voisin.

En fait, il semble que l’on ait assisté à l’évacuation d’un problème récurrent, qui dérangeait et pouvait à terme avoir des effets pervers. Il n’y avait cependant pas péril en la demeure CDP car la véritable assiette politique de certains « mouvanciers » n’est guère plus large et épaisse que le récépissé qui leur en a été délivré par le ministère de l’Administration territoriale. Quant au débat sur la démocratie et la liberté d’association, on sait qu’au sein même de certaines grandes formations, il y a des courants contraires qui s’entrechoquent même parfois ; et c’est cela la démocratie.

Une question semble donc avoir été résolue ; chaque parti aura certainement sa part de la cagnotte présidentielle pour battre campagne. Mais après ? Après débuteront très certainement aussi les mécontentements et revendications de ceux-là même qui ne peuvent se prévaloir que de l’existence d’un bout de papier concocté, on s’en doute, par de véritables initiés (...) Ils ne manqueront pas le moment venu d’appliquer ce principe de droit léonin qui dit que « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à nous deux ».

Pour le moment cependant, cette alliance redore admirablement le label « Faso » et pourrait faire monter la cote de popularité du silencieux candidat dans les sondages de nombre d’observateurs étrangers. L’homme n’a pas encore fini de compter les marches de soutien à sa candidature qu’on lui demande d’étrenner un nouveau bébé albatros politique. Sacré Faso !

A. Pazoté
Journal du jeudi