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Togo/Côte d’Ivoire : destins croisés

Publié le mardi 26 avril 2005 à 06h45min

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A l’instar de la Côte d’Ivoire, le Togo s’apprête à vivre mal la succession du "père de la Nation". L’élection du dimanche a été entachée d’irrégularités (bourrage et "enlèvements" d’urnes) et de violences qui ont fait officiellement trois morts, trois jeunes auraient été tués alors qu’ils tentaient de s’opposer à l’enlèvement d’une urne par des inconnus.

Pouvoir et opposition crient à la "fraude massive", même si l’on peut être certain qu’il y a un voleur qui crie au voleur. Sans rentrer dans ce débat "togolo-togolais", il faut noter que les urnes ont été enlevées dans les quartiers généralement proches de l’opposition d’une part et qu’elles l’ont été par des militaires utilisant des véhicules estampillés "Armée nationale togolaise". Déjà, lors de la confection des listes électorales, le fief de l’opposition, Gbès, avait été proprement ignoré, ce qui avait entraîné la colère de ses résidants avec déjà des incidents qui avaient fait des morts.

Encore plus loin, cours février 2005, Faure avait "légitimé" sa prise de pouvoir en faisant tirer sur des manifestants qui réclamaient le départ du "clan" Eyadéma du pouvoir.

"Un péché original" qui, ni la CEDEAO encore moins la communauté internationale n’avaient condamné fermement, la première se contentant de réclamer le respect de la légilité républicaine, alors que la seconde, par la voix du président français Jacques Chirac, avait déjà adoubé le fils de l’ami personnel. Et c’est à ce niveau qu’il convient de faire un parallèle avec le "cas" ivoirien que tout le monde avait négligé et qui se relèvera in fine être un brûlot.

On est mémoratif des "bisbilles" qui avaient émaillé la succession du vieux, Alassane D. Ouattara et Henri Konan Bédié réclamant tous les deux, l’héritage. Si par après, "HKB" avait pu écarter "ADO", il n’était jamais parvenu à se donner une légitimité certaine la facture sociale et politique s’étant agrandie du fait de repli identitiaire opéré par le pouvoir.

Les mêmes causes

Une dérive ivoiritaire que la CEDEAO avait accompagnée d’un œil, atone, regardant Bédié puis Guei écarter leurs principaux rivaux de la course présidentielle, jusqu’à l’explosion du 19 septembre 2002.

Toutes proportions gardées, la situation togolaise est similaire. Voire pire, avec toujours une caution aveuglée de la CEDEAO. Déjà handicapé par le contentieux politique et des droits humains légué par son père, Faure doit en sus, faire face à la colère d’une frange du peuple trop longtemps "comprimé" et écarté de la gestion du pouvoir d’Etat.

Un peuple qui en a, du reste marre, d’être "l’otage" de la rivalité de deux clans (Eyadéma-Olympio) qui lui empoisonne l’existence. L’instinct de survie étant cependant très développé au sein du clan Eyadéma, il nous étonnerait que celui-ci passe la main de façon démocratique, la perte du pouvoir signifiant aussi la fin de l’impunité pour lui. Avec la caution de la CEDEAO, le pouvoir continuera donc à massacrer à qui mieux mieux des Togolais, jusqu’à ce que "le combat cesse faute de combattants". C’est, il nous semble, le calcul fait par la CEDEAO et la communauté internationale (à l’exception des USA) qui préfèrent sauvegarder l’essentiel, fusse au prix d’une paix des cimetières.

Une option de la courte vue au regard de la résistance du peuple togolais, plus décidé que jamais à en découdre. Le climat "insurrectionnel" dont parlait le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Eza Boko est une réalité palpable et les prémices nous ont été données au soir du 24 avril. Ce qui s’est passé le 24 avril, "n’est rien" comparativement à ce qui pourrait arriver. L’opposition est persuadée qu’elle va gagner l’élection présidentielle en raison de son union mais aussi de la "loi du nombre". C’est dur à dire, mais la vie politique togolaise est gangrenée par des considérations ethnocentriques frisant le nombrilisme.

Or numériquement, les Ewe et "assimilés" (Mobas, Kotocolis, bassars,) sont plus nombreux que les Kabyès. Sûre de ce poids démographique l’opposition s’attend à prendre le pouvoir d’Etat à l’issue du scrutin. La frilosités qui a caractérisé la gestion de l’avant-scrutin (frilositée révélée par le ministre Boko), prouve que dans le camp de Faure, il n’y a pas de certitudes établies, sauf la foi en la force et à la capacité de nuisance qui va avec. Voilà un autre dossier que la CEDEAO gère mal, l’organisation ayant déclaré pince-sans-rire, que le scrutin s’était déroulé dans de "bonnes conditions". Avec une telle vision, elle ne pourra que se "planter" dans la gestion du "cas" togolais, tout comme elle s’est plantée dans le dossier ivoirien ? Il aura fallu les secours de Thabo Mbeki, pour que l’on aperçoive le bout du tunnel, même si on n’est pas à l’abri d’une "gbaboserie". En tous cas, il y a quelques "fritures" sur la ligne, Laurent Gbagbo rechignant à faire réexaminer certaines lois telles que celles sur le foncier rural, le code de la nationalité etc. Une décennie après la théorisation de l’ivoirité et trois ans après le déclenchement de la crise ivoiro-ivoirienne, le pays est toujours en zone de haute turbulence.

C’est le même avenir que certains préparent pour le Togo. A moins que l’Oncle Sam qui a déjà salué "la position patriotique" du désormais clandestin ministre de l’Intérieur, ne remette de l’ordre par MBeki interposé. Pour l’heure, le Togo est en zone de haute insécurité.

Boubakar SY
Sidwaya

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