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Etats-Unis : Main basse sur la Banque mondiale

Publié le vendredi 22 avril 2005 à 06h46min

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Haut les mains ! Que personne ne bouge ! Ce n’est ni de la caricature ni le titre d’un western tourné dans la pure tradition du Far-west. Cela s’est passé dans les salons feutrés et à air conditionné de la Banque mondiale à Washington où une fois de plus, les pauvres n’ont pas eu droit à la parole.

Mais, si le décor n’est pas celui du désert du Nevada ou de l’Arizona, les actes posés ressemblent à ceux d’une bande armée qui prend en otage les employés d’une banque et s’empare du coffre-fort. En effet, comme on le voit, les Etats-Unis viennent d’imposer à la tête de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, ex-secrétaire d’Etat américain à la Défense, contre vents et marées.

Car, si l’on en croit Jeune Afrique/L’Intelligent, un sondage interne à l’institution aurait révélé que 90% des fonctionnaires qui y travaillent étaient hostiles à cette nomination. On aurait enjoint à ces derniers de fermer leurs chapettes et de mettre en veilleuse leurs états d’âme. On ne discute pas les ordres de l’Oncle Sam. Après le fracas des armes en Irak, qu’est-il allé chercher, ce faucon, dans ce temple où l’on demande plus l’apport du cerveau que celui des muscles et des canons ?

La réponse est simple : pour consolider leur unilatéralisme et renforcer ainsi leur hégémonisme planétaire sur tous les plans, militaire, économique, diplomatique, culturel et géostratégique, il ne manquait aux USA qu’une seule chose.

Mettre le grappin sur le coffre-fort de cette institution. Quoi de plus normal que de placer à sa tête un expert aux maniements des armes pour mettre aux pas les récalcitrants qui rêvent de voir cette institution de Bretton-woods emprunter la voie de la démocratie ? En imposant Wolfowitz, les USA viennent de prendre le contre-pied de tout ce qui devait être le lit de la démocratie.

Comment en est-on arrivé là ? A priori, les USA ne devraient pas pouvoir imposer leur candidat quand on s’en tient au mode de fonctionnement de cette institution. En effet, la Banque mondiale compte 184 pays membres parmi lesquels figurent 150 pays en voie de développement. En principe, la règle de la démocratie, du plus grand nombre donc, devait jouer.

En plus, par rapport à leur poids électoral, les USA ne disposent que de 16% des droits de vote et en théorie, le vote des autres pays devait pouvoir contre-balancer celui de Washington. En plus, les Etats-Unis s’opposent à toute perspective d’augmentation de l’aide financière accordée aux pays pauvres.

Ainsi, Washington détient le pourcentage le plus faible (0,15%) alors que l’objectif de consacrer 0,7% de leur produit intérieur brut (PIB) a été demandé à tous les pays développés. Selon certaines sources, les Etats-Unis seraient responsables de moitié du déficit du budget de l’institution prévu pour atteindre les objectifs du militaire pour le développement (ODM). Qu’à cela ne tienne.

Les autres pays riches n’ont pas levé le petit doigt pour contester le forcing de Washington. C’est vrai que les Etats-Unis, comme nous le disions dans l’une de nos précédentes éditions, avaient fait de petites concessions à certains pays européens en avalisant la désignation de leurs citoyens dans des organisations de moindre importance. Quant aux pays pauvres, ils ont servilement avalé les couleuvres de Washington.

Tous sont restés vautrés, la peur au ventre, dans leurs strapotins et comme des élèves tremblotant à la vue du maître, ils ont approuvé à haute et intelligible voix, les consignes de Washington. A défaut de pouvoir contrer le voleur, n’est-il pas plus sage de l’accompagner avec son butin ? Cela ne devrait cependant pas dispenser de s’inquiéter de la manière dont les USA, dispensateurs de leçons de démocratie à travers le monde, piétinent les règles élémentaires de la démocratie.

Officiellement, les USA ne sont-ils pas intervenus en Irak, en Afghanistan... pour mettre un terme à la supposée dictature de Saddam Hussein et des Taliban ? N’ont-ils pas forcé la syrie à quitter le Liban au nom de la démocratie ? On comprend alors difficilement, au regard du diktat des Etats-Unis sur les autres Etats membres de la Banque mondiale, que des démocrates dits de souche exigent des autres plus de démocratie.

Autant les USA préconisent de façon pressante la réforme de l’ONU qui admet au moins en son sein des débats contradictoires, autant il faut vite réformer la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qui ne sont pas des exemples de transparence et dont les décisions se prennent dans d’obscures antichambres, loin de tout contrôle des autres Etats membres, par des technocrates froids et insensibles à la misère du plus grand nombre alors que l’objectif qu’ils poursuivent, officiellement du moins, est de soulager la détresse des déshérités de la terre.

Malheureusement, si cette hypocrisie planétaire a encore de beaux jours devant elle, c’est parce que ceux qui monopolisent le mode de fonctionnement des deux plus grandes institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI) ont leurs relais locaux dans les pays pauvres. Ces relais sont tellement compromis qu’ils ne peuvent qu’accepter les schémas économiques qui leur sont imposés.

Presque tous les décideurs des pays africains ont pour parrains, de gré ou de force, les multinationales du Nord auxquelles ils doivent la stabilité et la survie de leur pouvoir. Le sort des populations, restées sur le bas-côté du quai de la gare, parce qu’on leur a refusé de prendre le train du progrès, importe peu.

Cela n’empêche pas les dirigeants africains d’empocher, de passage dans les capitales européennes, leurs commissions, de s’enquérir du montant de leurs avoirs dans les paradis fiscaux et des dividendes de leurs actions cotées en bourse dans les plus grandes places financières du monde.

Le Fou
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