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Accords de Prétoria : Des bulles de salive ?

Publié le mercredi 20 avril 2005 à 10h06min

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Un adage de chez nous dit que le crapaud ne craint pas la rosée car il vit en permanence dans l’humidité. A peine quelques jours après la feuille de route tracée par le médiateur sud-africain et censée conduire à la paix, Laurent Gbagbo semble déjà faire fausse route en montrant combien était récurrente sa phobie des raccourcis.

Alors que les accords (apparemment verbaux) de Pretoria écartent la voie référendaire qui est manifestement une aberration politique dans le contexte actuel de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo rame déjà à contre-courant en organisant pratiquement des consultations qui doivent s’étaler jusqu’au 3 mai. En fait, une sorte de référendum qui ne dit pas son nom. D’ores et déjà, l’allure et l’ambiance que prennent ces consultations n’incitent guère à l’optimisme.

Tout se passe comme si la Côte d’Ivoire n’en n’avait pas assez d’être ce train dont les passagers, pourtant condamnés à la cohabitation, s’ignoraient. Pourtant, le précautionneux président sud-africain, avec le pragmatisme anglo-saxon qui le caractérise et pour ne pas blesser la susceptibilité de son homologue ivoirien, s’était évertué à sauver la face de Laurent Gbagbo en lui évitant l’humiliation.

En demandant à ce dernier d’user des pouvoirs constitutionnels que lui confère l’article 48 de la loi fondamentale pour résoudre la crise, Thabo Mbeki reconnaît de facto la légitimité de Laurent Gbagbo. Ce qui devait le conforter face à certains de ses adversaires qui ne mettaient pas de gants pour lui renier une telle légitimité. Ces consultations, comme on le voit, sont non seulement appelées à se dérouler dans la durée, mais comportent également de nombreuses inconnues.

Que vise Gbagbo en programmant cette grand-messe ? De deux choses l’une : soit le chef de l’Etat espère qu’à l’issue de ce défilé, l’idée d’admettre la candidature de ceux que le président Mbeki, par réalisme politique, considère comme incontournables soit rejetée, soit qu’elle soit acceptée. Dans les deux cas de figure, le dernier mot reviendrait à Laurent Gbagbo qui pourrait se décerner la palme de père de la Nation, magnanime, chantre de la réconciliation nationale et prêt à mettre à exécution les recommandations de Pretoria.

Malheureusement, la manière dont ont débuté ces consultations suscite des interrogations. En prenant soin de réunir autour de lui d’abord ses partisans, les "patriotes", Laurent Gbagbo savait à l’avance leur réponse.

En tout cas, ces derniers n’ont pas caché qu’ils portent encore en eux, les vieux démons de l’exclusion. Tout en acceptant du bout des lèvres l’éventualité d’une candidature à l’élection présidentielle de Bédié et de Ouattara accusés d’être des valets locaux de la France, les jeunes acquis à la cause de Gbagbo y mettent des préalables. Le départ des Forces Licorne, désormais sous la coupe de l’ONU.

Si l’on concède aux "généraux" de la rue de Gbagbo, ces bras armés du régime en place, leurs allégations tendant à donner un parrain extérieur à chaque homme politique ivoirien, on pourrait leur demander pourquoi ils évitent de répondre à cette question dérangeante de savoir qui fait le lit du pouvoir de Gbagbo.

Comme on le voit, la moutarde de la folie des grandeurs, de la suffisance et du vertige du pouvoir est tellement montée au nez des inconditionnels de Gbagbo qu’ils oublient qu’ils doivent leur place au soleil à cette Françafrique faite de réseaux mafieux aux amitiés occultes avec leurs relations complexes qui ont permis leur arrivée par effraction au pouvoir. En effet, en 1999, n’eût été la bienveillante bénédiction de Paris, Bédié, le supposé homme de mèche avec la France n’aurait pas été déposé.

En effet, les accords en matière de défense qui lient la Côte d’Ivoire et la France n’ont pas joué en faveur de ce dernier contrairement à Gbagbo qui a sauvé son fauteuil grâce à l’intervention des forces françaises installées en Côte d’Ivoire. Même si la lune de miel entre Paris et Abidjan est actuellement au point mort, il n’en demeure pas moins que Gbagbo devrait rendre à l’ex-puissance colonisatrice, au centuple de ses bienfaits.

En attendant, nous n’avons jamais eu de cesse d’en appeler à la vigilance et à la pression sans relâche de la communauté internationale. Faute de quoi, Gbagbo retournera dans les limbes de ce qui a toujours nourri son régime : les louvoiements, les tergiversations et les retournements de veste érigés en système de gouvernement sur les bords de la lagune Ebrié.

En tous les cas, il était évident que, comme à son habitude, Gbagbo allait exploiter les failles et les insuffisances de la médiation de Thabo Mbeki : absence de fermeté et silence absolue sur un échéancier précis pour l’application des recommandations de Pretoria. Ce qui donne libre cours à Gbagbo pour exiger comme préalable, le désarmement des Forces nouvelles avant toute réforme politique.

Une exigence perçue du côté des Forces rebelles comme suicidaire quand on sait que pendant que la communauté internationale, avec son laxisme et ses lourdeurs bureaucratiques habituelles, se demandait quelle forme de sanctions infliger aux acteurs de la scène politique ivoirienne, la machine de guerre de Gbagbo s’armait et recrutait des mercenaires à tour de bras.

De toute évidence, la communauté internationale semble bien placée pour savoir que les recommandations de Pretoria ne seront réellement contraignantes pour Gbagbo que si les sanctions envisagées par l’ONU étaient effectives.

Sinon, comment Gbagbo et son clan qui, quoiqu’on dise, profitent de cette situation, pourraient-ils être ramenés à la raison et se plier à une simple recommandation après avoir trahi leur signature à encre indélébile à Marcoussis et à Accra ? Si on n’y prend garde, les ententes verbales scellées à Pretoria risquent de s’évanouir comme des bulles de salive.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 20 avril 2005 à 19:11, par jacques lohourou digbeu-badlor En réponse à : > Accords de Prétoria : Des bulles de salive ?

    Un peu de realisme !

    Une solution au forceps qui aneantira le seul camp republicain pour remettre le pouvoir, tout le pouvoir", aux putshistes en mission pour cette reduite "communaute internationale", suspecte et interessee, n’ augure rien de bon pour le pays et la sous-region par ricochet. Elle ne fera tout au plus que differer la reaction de ceux qui auront ainsi perdu le pouvoir par un tour de passe-passe dont vous et vos amis avez le secret. Pourquoi cela est-il si difficile a comprendre ? Ou alors recherche-t-on la mort pure et simple de la Cote d’ Ivoire sous pretexte de l ’aider ? Depuis que vous debitez vos incantations, vous auriez au moins pu comprendre que vomir Gbagbo ne fait pas automatiquement de lui un "moins que rien politique". L’ inverse est aussi vrai pour le camp putschiste. Des lors, il nous faut sortir des positions rigides pour rentrer dans une dynamique positive. C’ est ce que fait Gbagbo qui a renonce a un referendum mortel pour M. Ouattara, un "politicien a probleme" - c’ est un constat et non un jugement -qui fut persecute hier par Bedie et Guei. Maintenant, que le president ivoirien veuille, dans le cadre de l’ application de l’ accord de Pretoria, prendre de l’ avance sur ses concurrents pour l’ echeance presidentielle, n’ est que legitime en politique. Libre a ses adversaires de lui tenir la dragee haute:democratiquement.
    Vous voyez bien que le temps est venu de sortir de l’ affectif et des enfantillages !

    jacques lohourou digbeu-badlor

    • Le 20 avril 2005 à 20:54, par YOB En réponse à : > Accords de Prétoria : Des bulles de salive ?

      Ayez le courage d’écrire des ignommités à visage découvert. Ne vous cachez plus derrière des noms rocambolesques, horde de "journalistes" au ventre creux !
      Sachez seulement que il y a un temps pour chaque choses sous les cieux (Eccl. 3 ;1) et dans l"histoire des peuples, il y a un temps pour des événements comme ça. Tachez d’enlever la paille dans vos yeux et soyez moins aigris. Cela ne vous arrange pas.
      Merci et que Dieu vous bénisse pour vos insultes !

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