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Discours sur l’Etat de la Nation : Une tradition démocratique reconnue par le droit

Publié le vendredi 15 avril 2005 à 07h20min

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La Constitution burkinabè impose au Premier ministre de faire des interventions auprès de l’Assemblée nationale, à deux grandes occasions : à l’ouverture de la première session de l’année de l’Assemblée et lors de la déclaration de politique générale.

Dans ce système politique, semi-présidentiel et parlementaire, c’est au Premier ministre qu’il revient donc de le faire. Dans les systèmes présidentiels à l’américaine par contre, c’est au chef de l’Etat lui-même, de s’adonner directement à cet exercice, face à la représentation nationale.

Selon le système burkinabè ou américain par exemple, dans lequel on se trouve, les deux discours n’ont pas la même vision, les mêmes objectifs, les mêmes prétentions.

Dans le régime présidentiel étasunien, l’exécutif peut se résumer au président. Le gouvernement tel que connu au Burkina n’existe pas aux Etats-Unis.

Les membres du gouvernement, là-bas, joue un rôle de collaborateurs. Ils aident le président à mieux accomplir ses missions. Or dans le nôtre, l’exécutif est bicéphale : le Président du Faso et le gouvernement.

La définition de la politique nationale est du ressort du président du Faso. Le Premier ministre et le gouvernement se chargent de sa mise en œuvre. Par contre, le discours sur l’état de l’Union (USA) est très politique. Le président dit ce qu’il a fait et annonce ce qu’il envisage entreprendre. Dans le système burkinabè, le Premier ministre est limité par la Constitution par les éléments se rapportant à ce qu’il va faire. C’est pourquoi, dans le discours sur la situation de la Nation, beaucoup de références sont faites au Président du Faso.

Face à cette donne, une majorité de Burkinabè pense que cela dénote d’une serviabilité, d’un griotisme politique ou intellectuelle. Dans la réalité, il n’en est rien.

Le président du Faso définit en fait la politique nationale et le Premier ministre, contrairement à d’autres traditions démocratiques, n’est pas le chef de l’exécutif. C’est par contre le cas en Angleterre, en Italie, en Israël avec des Premiers ministres "forts".

Les Premiers ministres

Dans les cas où ils sont chefs de l’exécutif, ils définissent la politique nationale sans se référer au président qui, le plus souvent assure un rôle d’honneur. C’est le cas de la Reine d’Angleterre. L’exposé sur la situation de la Nation vise, dans un système démocratique, à une répartition des rôles. Selon la Constitution, la souveraineté appartient à la Nation sui se définit comme étant l’ensemble des citoyens d’une république, d’un pays. Au regard du nombre de ses membres, la nation a besoin de s’exprimer à travers des personnes qu’elle désigne pour agir en son nom et pour son compte.

D’où, le principe des élections pour élire le président du Faso, les députés et des délégations pour ce qui concerne la justice. La loi fondamentale stipule que la justice est rendue au nom du peuple burkinabè. Le peuple délègue donc les juges pour rendre la justice. Par contre, dans d’autres systèmes, les juges sont élus. Toutes ces structures et mécanismes incarnent la Nation et agissent par conséquent en son nom. La Nation elle-même s’exprime directement à travers l’élection de ses représentants.

Entre les différents pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire), existe le principe de la séparation des pouvoirs. Les députés sont sensés être des représentants permanents du peuple, de la Nation. L’Assemblée nationale veuille à ce que l’action du gouvernement soit conforme aux intérêts fondamentaux de la Nation burkinabè. Elle vote les lois.

Le peuple délègue son pouvoir aux députés

La Nation a délégué son pouvoir d’action en matière de gouvernance à l’exécutif et l’action de contrôle revient d’un côté au Parlement, et de l’autre au judiciaire. Pour éviter l’abus du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir, dit le principe sacro-saint énoncé par Montesquieu.

L’exécutif dispose de larges pouvoirs pour agir dans l’intérêt de la collectivité nationale. En même temps, il est utile d’exercer un contrôle sur ce pouvoir d’action pour qu’il tienne compte de l’intérêt général. Dans la république (le Faso), les citoyens sont comme des actionnaires d’une société anonyme qui désigne un gouvernement chargé d’agir en leur nom.

Dans le contexte burkinabè, le Premier ministre représente ce gouvernement dans le système étatique. D’un autre côté, il y a l’assemblée générale des actionnaires qui est à l’image de l’instance parlementaire.

L’exécutif, dans ce cas, gère un bien qui ne lui appartient pas. Pour cela, il doit rendre compte de sa gestion aux représentants de la Nation. C’est l’image d’un mandataire qui rend compte à son mandant de l’exécution d’une mission à lui confiée. Les députés ont l’occasion de s’informer sur la situation de la Nation au moment où ils ouvrent leur première session de l’année. Le discours qui a été fait hier leur permet donc, de s’éclairer sur l’état de la Nation entière, au nom et pour le peuple du Burkina Faso.

Le Premier ministre dans son discours du 14 avril 2005 a abordé tous les secteurs de la vie nationale. Sur un plan d’ensemble et sectoriel, il a dit aux députés ce qui a été réalisé, les résultats enregistrés et présenté les perpectives immédiates. Le discours de 2005 est intervenu dans un contexte d’année électorale.

Nécessairement, après l’élection présidentielle de novembre prochain, vont intervenir les bouleversements au sein du gouvernement à la suite de la nécessaire démission du Premier ministre et de son équipe. Même si ce dernier est reconduit, c’est un nouveau gouvernement qui sera désigné par le président du Faso. Le contexte pré-électoral a donc imposé au Premier ministre, de faire le bilan du septennat présidentiel, du chef du gouvernement et projeter des objectifs qui n’engagent, au fond, que le président du Faso seulement.

La déclaration de politique générale intervient lorsqu’il y a un changement de Premier ministre ou lorsqu’un événement d’importance majeure survient. Le Premier ministre actuel est le seul à avoir prononcé deux déclarations de politique générale.

Le discours du Premier ministre, une feuille de route

Par cette déclaration d’hier, il a proposé devant l’Assemblée nationale ce qu’il entend mettre en œuvre pour les années à venir, au nom de la lettre de mission que lui a confiée le président du Faso. Il a eu le devoir d’expliquer ce que le président du Faso l’a instruit comme actions à entreprendre. Par conséquent, la déclaration de politique générale (DPG) est un document prospectif alors que le discours sur la situation de la Nation est un document rétrospectif.

La DPG fait une prospection à court, moyen et long terme. Quoi qu’il en soit, une équipe gouvernementale au bout d’une année d’exercice ne peut réaliser de bons résultats dans tous les domaines. Le Burkina a aujourd’hui un taux d’alphabétisation de 60% ; ce qui fait une situation avancée de 20 points par rapport à celle d’il y a quelques années.

Ce sont des efforts permanents de plusieurs gouvernements qui ont donné ce résultat. Donc, l’impact du discours sur l’état de la Nation n’est perceptible qu’après au moins 2 ans. Voila pourquoi un effort doit être fait pour comprendre le sens du discours sur la situation de la nation. Mieux, pour saisir la nature de l’action publique.

El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Sidwaya

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