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Démocratie africaines : Crises d’excroissance

Publié le jeudi 14 avril 2005 à 07h37min

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Emeutes à Bamako, ras-le-bol à Niamey, grèves du pain à Alger, de l’eau et de l’électricité ailleurs, stigmatisation de la "vie chère". Dix ans après le Sommet de la Baule, les crises sociopolitiques et économiques récurrentes sur le continent viennent nous rappeler que la démocratie y est en panne.

La faute à des schémas de développement imposés.

Le développement sera autocentré et intégré ou ne sera pas. A observer le cheminement économique de nos Etats depuis les indépendances formelles de 1960, force est de dire qu’ils ne semblent pas avoir intégré cette vérité cardinale.

Bien sûr, la volonté politique de "faire l’unité africaine" s’est traduite par la création de l’OUA en 1963 et d’une kyrielle d’organisations régionales (CEDEAO, CEMAC...) mais, le "soubassement" économique de ces organisations du fait de son extraversion, n’a pas permis d’amorcer le développement tant souhaité. Exemple de ce gâchis sur fond d’incurie des "pères de l’indépendance", puis de la deuxième génération des chefs d’Etat, la compagnie multinationale Air Afrique. Le plus beau fleuron de l’intégration économique du continent est mort de sa belle mort du fait d’une gestion gabégique, mais surtout parce que des puissances étrangères y avaient intérêt. Comment expliquer autrement qu’une société en restructuration et fortement endettée, achète à coup des milliards et à crédit, quatre Airbus, alors que le leasing pouvait lui éviter l’alourdissement de son ardoise et sa liquidation. Et quand on sait que le PDG d’alors, Yves-Roland Billecard venait de l’espace européen (Airbus est un produit de l’UE) et touchait près de 20 millions (!) par mois, on ne peut qu’opiner avec ceux qui prétendent qu’il était en "mission commando". Vrai ou faux, Air Afrique a cédé la place à des compagnies nationales qui, après une période d’embellie (Camair, Air Gabon, Air Sénégal international) sont en train de se "chercher" actuellement. Au nom de la "sacro-sainte" privatisation décrétée par Bretton-Woods et la Banque mondiale par ailleurs, on a "coupé les ailes" de nos Etats qui n’avaient pourtant pas épuisé leur "rôle historique" d’interventionniste et de "développeur". On a commencé par nous dire que l’Etat africain ne pouvait pas passer sa vie à "fabriquer des bonbons" puisqu’il devait mettre fin à la péréquation de ses matières premières et à la subvention de ses secteurs névralgiques. Conséquences, le Gabonais moyen râle et son homologue sénégalais pousse des cris d’orfraie parce qu’ils n’arrivent plus à honorer leurs factures d’électricité.

Rompre le "cordon ombilical"

La privatisation de l’eau et de l’électricité, le néolibéralisme outrancier voire "sauvage", ne produit que la misère et son corollaire, la contestation sociale.

Et pourtant, les grands maîtres de ce libéralisme tous azimuts, ne cessent de nous prouver son inefficacité par le biais de subventions sans cesse renouvelées à leurs cotonculteurs ainsi qu’à leurs secteurs porteurs (cas de Boeing et d’Airbus aux USA et en Europe). Mieux ou pire, alors que l’on enjoint au gouvernement nigérien de respecter les critères de convergence de l’UEMOA (taux de la TVA fixé à au moins 19%), ces mêmes critères de convergence sont foulés au pied par nos "patrons" au nom de la paix, de la cohésion sociale et de l’impératif de la compétitivité.

Raffarin préfère "fâcher" ses partenaires européens plutôt que ses concitoyens. Hama Amadou lui fait le contraire, ce qui lui vaut de vivre sur des charbons ardents depuis un mois.

Il apparaît donc que nous vivons sur un leurre, lorsque nous disons que l’intégration, telle qu’expérimentée actuellement, est la panacée.

S’il est vrai qu’on ne peut pas se développer en étant la périphérie d’un centre, force est de dire que l’actuelle UEMOA a encore beaucoup à faire. Par le biais d’un compte spécial du Trésor français, l’ex-puissance coloniale (relayée depuis par la Banque centrale européenne) a toujours eu un droit de regard (certains diront d’injonction) sur nos politiques monétaires. C’est ainsi que 65% de nos devises étrangères seraient bloqués dans ce compte spécial et ne pourraient être "activés" qu’avec l’aval de nos partenaires européens.

Bien souvent, l’argent reste là-bas, car ce sont leurs produits que nous consommons principalement.

Notre génie "apeuré" s’est couché devant le leur et depuis l’agression du continent conçue, planifiée et exécutée lors du Sommet de Berlin de 1884-1885, nous sommes à leur remorque. Un siècle et des décennies plus tard, il faudra que nous comprenions avec Sami Amin, la nécessité de se "déconnecter" d’un système qui, en sus de "pomper" nos ressources économiques, pervertit ou nie nos valeurs socioculturelles fondamentales. L’Africain est devenu l’hybride qui se "shoote" au champagne et au caviar quand il en a les moyens, roule en Kompressor dernier cri, se "sape" en Pierre Cardin ou en Valentino Rossi et prend ses vacances sur la côte d’Azur. Pendant ce temps, à quelques encablures des grandes agglomérations, des femmes meurent en couches faute d’ambulance et le soir venu, s’endorment dans l’obscurité la plus totale dans un environnement malsain.

Ceux qui comme Mugabe essaient de briser la malédiction sont dépeints sous les traits de dictateurs peu éclairés alors qu’ils ne veulent que rétablir leur peuple dans leurs droits. Du coup, ses homologues pensent qu’il n’y a pas de quoi tenter le diable et qu’il faut s’atteler à tirer le maximum de profit de ce système prédateur certes, mais puissant et impitoyable pour les rebelles. Le manque de volonté et de courage donc qui obligent l’Afrique à vivre dans ce cycle infernal.

On finirait par croire que nous sommes vraiment "maudits".

Boubakar SY
Sidwaya

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