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Liberté de la presse : Vers la création d’un Observatoire panafricain de la liberté de la presse

Publié le mardi 13 octobre 2015 à 07h30min

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Liberté de la presse : Vers la création d’un Observatoire panafricain de la liberté de la presse

Arrestations, emprisonnement, bastonnades, intimidations, assassinats, destructions de bureaux ou d’outils de travail, etc. Malgré conventions ratifiées et les lois adoptées par les Etats africains, l’état de la liberté de la presse sur notre continent est loin d’être reluisant.

« La liberté de la Presse en Afrique : Enjeux, défis et perspectives ». Des journalistes de 15 pays africains, des patrons d’entreprises de presse et d’experts d’organismes internationaux ont planché durant deux jours sur ce thème, à l’occasion d’un colloque international organisé les 5 et 6 octobre à Abidjan, par le ministère ivoirien de la Communication. « Ce colloque est une opportunité pour faire partager par les professionnels de la presse, les opinions des citoyens sur cette presse, et amener la presse ivoirienne en particulier, à tirer les enseignements de la crise sociopolitique vécue par la Côte d’Ivoire », a expliqué la ministre ivoirienne de la Communication Affoussiata Bamba-Lamine.

A quelques jours de l’ouverture officielle de la campagne pour l’élection présidentielle prévue le 25 octobre, cette rencontre des professionnels de la communication a été l’occasion de les interpeller sur leurs responsabilités dans le traitement de l’information durant cette période particulièrement sensible qu’est la campagne électorale. Certes, c’est à tort que certains accusent la presse ivoirienne d’avoir provoqué la guerre civile que le pays a connu, -les vrais coupables étant en réalité les hommes politiques-, mais elle y a contribué en servant de caisse de résonance à certaines thèses nauséeuses.

Après la déclaration de Windhoek (Namibie) du 3 mai 1991 par laquelle, les journalistes africains ont jeté les fondations d’une presse libre et indépendante sur le continent, le colloque d’Abidjan a été l’occasion d’évaluer les avancées en matière de protection de la liberté de presse et de proposer des pistes pour mieux aider les médias à jouer leur rôle de quatrième pouvoir.

Certes, tous les pays africains ont ratifié la charte de l’Union africaine et se sont dotés de lois encadrant l’exercice du métier de journaliste, mais au quotidien, l’Afrique est le continent où les journalistes sont les plus exposés à l’arbitraire des pouvoirs publics. Quelques chiffres fournis par le comité d’organisation du colloque sur l’état d’avancement de la liberté de la presse dans le monde, et classé dans cinq catégories, illustrent bien la réalité peu reluisante de la liberté de la presse sur notre continent.

Ainsi, dans 21 pays sur 180 où la liberté de la presse s’exerce librement, un seul pays y figure, la Namibie, classée 17e. Dans le groupe de pays où l’exercice de la liberté de la presse est jugée satisfaisante, on dénombre 30 pays, dont seulement 7 africains, soit 23,33% ; puis 26 sur 61 pays où la liberté de la presse est jugée préoccupante (42,62%), et 22 sur 65 pays où l’état de la presse est déplorable, soit 33,84% ; enfin sur les 126 pays mal classés des cinq continents, 48 sont africains, soit 38,09%, le plus mal classé étant l’Erythrée, 180e/180.

Comment améliorer cette situation qui n’honore pas notre contient alors que la majorité de nos pays affichent la volonté de promouvoir la liberté d’expression, le pluralisme, l’indépendance des médias et un environnement économique favorable au développement des entreprises de presse ?

Au terme de deux jours de débats en ateliers et en plénière, les participants au colloque ont formulé des recommandations visant à assurer un meilleur fonctionnement de la liberté de la presse. Ils ont notamment demandé aux Etats de favoriser l’accès des nouveaux journalistes à une formation de base, le renforcement des capacités par la formation continue et la valorisation des acquis par compétence pour les plus anciens.

Au plan de la sécurité, les pouvoirs publics, les forces de sécurité et la société civile doivent être mieux sensibilisés sur l’importance du rôle du journaliste dans l’approfondissement de la démocratie. Les professionnels des médias doivent bénéficier d’une protection dans l’exercice de leur métier, et plus particulièrement en période de crise.

Afin de rendre plus viable les entreprises médiatiques, les pouvoirs publics doivent leur apporter un soutien en termes d’équipements et de fiscalité, adopter une convention collective dans les pays où cela n’est pas encore fait, et l’appliquer dans les pays qui l’ont déjà adoptée. Ce n’est pas tout. Un meilleur salaire versé aux journalistes les mettrait à l’abri de toutes les tentations, et la l’existence de syndicat garantirait mieux leurs droits sociaux.

Alors qu’ils sont souvent amenés à voyager dans l’urgence, le colloque d’Abidjan a recommandé la mise en place d’un dispositif de délivrance de visa dans les pays d’arrivée. Le délit de presse, qui est supprimé dans certains pays comme la Côte d’Ivoire ou le Burkina, doit être généralisé dans les autres pays tout en évitant les fortes amendes qui ruineraient les entreprises de presse. Enfin, les instances de régulation doivent jouir d’une certaine indépendance vis-à-vis de l’exécutif et sur ce point, la composition et le mode de désignation du président du Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina a été cité en exemple. L’adoption également d’une législation sur la presse en ligne comme vient de le faire le Burkina a été vivement recommandée afin de prendre en compte la révolution numérique.

A la fin de leurs travaux, les participants au premier colloque international d’Abidjan sur la liberté de la presse en Afrique ont souhaité que le 6 octobre soit désormais consacrée Journée africaine de l’auto contrôle. Ils aussi décidé de créer un Observatoire panafricain d’évaluation des Etats africains en matière de liberté de la presse et de protection du journaliste. Tous les ans, sur la base de critères qui seront définis, un rapport établira un classement des pays respectant ou pas la liberté de la presse. Un comité ad hoc, composé de 15 membres a été mis en place et chargé de la mise en œuvre de cet Observatoire. C’est Lookman Sawadogo, président de la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) qui représente le Burkina.

Joachim Vokouma
Lefaso.net (France)

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