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Situation nationale : « La nonciature n’a pas rendu le Gal Gilbert Diendiéré, il s’est rendu lui-même », dixit le cardinal Philippe Ouédraogo

Publié le mardi 6 octobre 2015 à 06h18min

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Situation nationale : « La nonciature n’a pas rendu le Gal Gilbert Diendiéré, il s’est rendu lui-même », dixit le cardinal Philippe Ouédraogo

Alors qu’il accompagnait le pape François dans sa tournée américaine, le cardinal Philippe Ouédraogo a dû rentrer dare dare au Burkina pour suivre l’évolution de la situation après le putsch du CND. Il se retrouvera ainsi impliqué dans les concertations quand le Gal Diendéré s’est réfugié à la nonciature. Sur les conditions de la reddition du Gal, sur la réconciliation nationale, l’archevêque de Ouagadougou nous parle dans cet entretien que nous avons réalisé à la fin de la messe d’action de grâce célébrée le dimanche 4 octobre au sanctuaire marial de Yagma. Il nous parle également du synode sur la famille qui s’est ouvert ce même 4 octobre à Rome et aux travaux duquel il va participer pour, notamment exposer la question du baptême des polygames selon la coutume en Afrique.

Cardinal Philippe Ouédraogo
Au cours de cette célébration, nous avons voulu demander au Seigneur de nous aider, de nous accorder sa grâce pour essayer de continuer courageusement, et avec espérance, notre tâche de réconciliation, de justice et de paix. Nous sommes tous des artisans de réconciliation, de justice et de paix. En outre cette année, le pape François voudrait que nous en fassions une année de la miséricorde. Alors, dans toute cette mouvance, vous voyez notre élan de confiance au Seigneur pour lui demander de continuer à inspirer toutes les composantes de notre société pour que nous continuions à rechercher la paix et la réconciliation. Car nous sommes les grains d’un seul et unique panier, condamnés à vivre ensemble. C’est comme les dents et la langue ; il arrive qu’elles se blessent mais elles sont condamnées à cohabiter dans la bouche. Alors, frères et sœurs, puissions-nous vraiment nous réconcilier, dans la justice, pour une paix véritable et durable.

Lefaso.net :
L’église famille s’est retrouvée impliquée dans cette crise du fait que le général Gilbert Diendiéré s’est réfugié à la nonciature. Les gens n’ont pas toujours compris pourquoi on l’a accueilli…

Le nonce lui-même a sorti un communiqué, que vous avez du reste déjà publié. Gilbert Diendiéré est venu à la nonciature, ce n’est pas la nonciature qui l’a appelé. Un comité de facilitateurs a donc été mis en place pour essayer de favoriser le dialogue et faire en sorte que tout se passe bien, que l’on respecte cet homme. Même s’il a fauté, il reste un homme qui a des droits et des devoirs. Le souci des facilitateurs est de favoriser le dialogue avec toutes les composantes et les responsables du pays pour que son intégrité soit sauvée, sa vie soit sauve et que les droits humains en la matière soient respectés. Voilà un peu notre rôle.

Par la suite, c’est le général lui-même qui s’est rendu ; ce n’est pas la nonciature qui l’a rendu. Le dialogue a contribué à ce que lui-même se rende. Puisque c’était une attente nationale et il a proclamé devant les antennes qu’il allait répondre devant la justice. Gilbert Diendiéré s’est donc rendu lui-même et nous souhaitons que la justice se fasse dans le respect de sa dignité, l’intégrité de sa vie et de sa sécurité.

Lefaso.net :
Vous vous apprêtez aussi à vous envolez pour Rome pour le synode sur la famille, qu’est-ce que le Burkina défendra au cours de cette rencontre ?

En effet, j’allais avec le pape pour participer à la 8ème rencontre mondiale des familles à Philadelphie. Je m’étais déjà rendu à New York, quand les évènements catastrophiques sont survenus dans mon pays. En conscience je n’avais pas la paix suffisante pour continuer jusqu’à Philadelphie, j’ai donc rebroussé chemin. Ce qui m’a le plus retenu, c’était mon souhait, non pas de faire quelque chose mais d’être avec le peuple en souffrance. C’est dans cette perspective que nous sommes là ensemble pour prier, encourager les gens et donner des conseils. J’aurais dû être à Rome aujourd’hui mais à mon avis, ce que nous vivons mérite d’avoir une intention particulière pour le pays, par la prière. Mais si j’ai une place dans l’avion, je rattraperai le train en marche pour essayer d’apporter notre contribution pour la famille.

Lefaso.net :
Quel peut être le message particulier de l’église du Burkina Faso sur la famille ?

Nous sommes deux évêques à y participer, monseigneur Joseph Sama, président de la commission épiscopale pour la famille. Ensemble, nous avons préparé un message. Chaque père synodal a droit à 3 ou 4 minutes, pas plus. Mon message portera deux points ; le premier aspect est le baptême de polygame qui pose problème depuis le 16e siècle ; bien entendu, il ne s’agit pas ici des baptisés qui deviennent polygames mais des polygames qui veulent être baptisés. On n’a pas pu trouver le juste milieu pour favoriser le baptême de ces polygames selon la coutume et surtout celui de leurs enfants et de leurs femmes. La législation, c’est de renvoyer des femmes et de ne garder qu’une ; ce qui ne va pas sans problèmes. Il en est de même pour les divorcés remariés ; leur admission à l’eucharistie et à la pénitence doit nous interpeller. Il faut que nous réfléchissions sur comment les admettre pleinement dans la famille chrétienne.

L’autre aspect qui me préoccupe est la colonisation idéologique. Je dis, halte à la colonisation idéologique ! C’est l’expression-même du saint père François et il nous met en garde contre la dictature de la pensée unique ; les grands veulent imposer aux petits leurs points de vue, comme les méthodes contraceptives, le mariage des homosexuels, les avortements. Ils veulent imposer ces valeurs à tout le monde alors que pour nous, ce sont des non valeurs. Nous voulons qu’il y ait le respect des peuples, des cultures qui ne sont rien d’autres que des droits humains à sauvegarder et à promouvoir. Et dans ce sens-là, il faut reconsidérer la polygamie et combattre la colonisation idéologique, protéger les faibles.

Entretien réalisé par C. PARE et Diane Kagambèga (stagiaire)
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