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Dissolution et démantèlement du RSP : le Burkina Faso à présent face à son destin

Publié le samedi 3 octobre 2015 à 01h48min

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Dissolution et démantèlement du RSP : le Burkina Faso à présent face à son destin

La fameuse guerre de Ouaga n’eut pas lieu et c’est tant mieux pour tout le monde. Imaginons un instant si aux martyrs de l’insurrection, puis du putsch il fallait ajouter de nouvelles victimes… Comme le disait si bien le président du Faso Autrement Ablassé Ouédraogo dans un débat sur RFI : « Dieu aime le Burkina Faso et les Burkinabè ». Aux Burkinabè d’avoir à présent de l’Amour pour leur pays.

« Honneur à cette armée nationale qui a réussi la prouesse, tenant du miracle, de mettre fin à la rébellion sans perte en vie humaine, ni du côté des loyalistes ni du côté des insoumis. », a dit le président du Faso, Michel Kafando dans son adresse à la Nation au lendemain de la reddition du RSP.
Et dire qu’on a craint le pire. En effet, de tous les messages du Chef d’Etat major général des Armées (CEMGA), celui du mardi 28 septembre 2015, invitant tous les habitants de la ville à éviter de se rendre du côté de Ouaga 2000 et ceux qui y habitent à rester enfermés chez eux, à fait prendre conscience que la guerre de Ouaga tant redoutée est imminente, d’une part et d’autre part que des militaires Burkinabè pouvaient s’affronter à l’arme lourde, en pleine ville, comme on le voit ailleurs.

Le volet militaire de cette crise estompé, il appartient à présent aux leaders politiques, aux acteurs de la société civile, aux autorités militaires et paramilitaires, aux autorités coutumières et religieuses, bref à toutes les forces vives de la Nation de se retrouver dans un Forum d’édification d’un Burkina Faso nouveau. Un Burkina Faso véritablement démocratique, c’est-à-dire un Etat de droit. Les conditions semblent à présent réunies.

Il est de notoriété, et l’histoire des peuples le démontre à souhait, qu’un pays qui a longtemps été sous l’emprise d’un même dirigeant durant une longue période, et dans un contexte politique où la violence a par moments été un mode de gouvernance doit, lorsqu’il s’est débarrassé de ce type de régime, puiser dans ses valeurs profondes pour pouvoir survivre à son dictateur ou à son oppresseur. Il faut pour ce faire prioriser les axes de cette réconciliation et s’en tenir à cela faute de quoi, des soubresauts aussi violents, que sous le régime déchu, ne sont pas à exclure.

L’exemple sud-africain

L’Afrique du Sud, après de nombreuses décennies sous le joug de l’apartheid, a décidé pour se réconcilier avec elle-même, sous la conduite de l’illustrissime Nelson Mandela. Ainsi, avant de pardonner il a fallu d’abord connaitre la vérité. Elle a fait cette introspection à travers la « Commission vérité et réconciliation ». Ainsi le peuple a connu jusqu’où l’homme peut être cruel pour défendre ses intérêts personnels, ceux de sa classe sociale, si ce ne sont ceux de sa race. Souvenons-nous des larmes de l’évêque anglican Desmond Tutu à l’audition de la cruauté de sinistres individus comme le Docteur Wouter Basson, Général de l’armée sud-africaine, chef du Programme de développement d’armes chimiques. « En tout, plus de 200 personnes ont été tuées par les membres du Project Coast en Afrique du Sud, en Namibie et en Angola. Un des grands objectifs du « Mengele sud-africain » a été de mettre au point la « bombe noire », une arme chimique qui n’aurait touché –affaibli ou tué– que la population noire », lit-on dans un réquisitoire lors de son procès engagé contre lui par l’ordre des médecins d’Afrique du Sud. Mais pour lui, « il n’est qu’un soldat qui obéissait aux ordres », ne cessait-il de répéter au cours de son procès.

L’exemple chilien

Les Chiliens, afin de se réconcilier avec eux-mêmes ont bien été obligés de voter une amnistie à vie pour le Général Augusto Pinochet et sa bande de tortionnaires. Il a dirigé lui-même la Transition (de 1987à 1990) après avoir été battu lors d’un référendum. La classe politique était bien obligée de passer par là car il y avait tant de crimes sur ce régime dictatorial : « Près de 38 000 personnes ont été torturées sous la dictature d’Augusto Pinochet. Plus de 3 200 ont été tuées ou portées disparues », selon les chiffres établis par la nouvelle Commission des droits de l’homme » en 2005. Dans un souci d’apaisement, les rapports ne permettant pas de faire justice, les noms des bourreaux qui apparaissent dans les 32 000 témoignages, seront gardés sous silence durant 50 ans. En revanche le gouvernement devrait verser aux nouvelles victimes une réparation d’environ 118 000 FCFA en plus de bénéfices dans l’éducation et la santé, selon la volonté de la Commission Vérité et réconciliation, mise en place pour solder le passif de cette dictature. Le général Pinochet est demeuré alors commandant en chef de l’armée chilienne jusqu’en 1998, avant de devenir sénateur en tant qu’ancien chef de l’État jusqu’à sa mort en décembre 2006.

L’exemple ivoirien

Plus près de nous, en Côte d’Ivoire, après plus d’une trentaine d’années de règne, les successeurs de « nanan Houphouët Boigny », en se ruant sur le pouvoir et utilisant la loi pour mettre leurs concurrents « hors jeu » étaient bien obligés de passer par un putsch, une rébellion et plus de 3 000 morts pour se dire qu’un pouvoir, en démocratie, se conquiert dans les urnes par des élections libres, transparentes , inclusives et apaisées. Toute autre approche n’est qu’un boomerang. Tôt ou tard...

Le Burkina ne saurait faire exception

Si au Burkina c’est la Jeunesse qui a mis fin a 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, rares (comme les larmes d’un chien), sont les acteurs politiques qui sont restés constants dans leur opposition à son régime au cours des 27 ans. Ils ont pour la plupart soit directement soit par l’intermédiaire de leur conjoint ou conjointe, à un moment ou à un autre, pactisé avec lui. Comme le dit si bien une artiste musicienne burkinabè « chacun de nous a un dossier ».
En somme, ce sont quasiment les mêmes acteurs politiques du début des années 80 qui sont toujours au devant de la scène politique. Certains n’ont juste fait que changer de rôle, mais c’est la même pièce qui se joue. C’est dire qu’ils « se connaissent », pour employer un langage de rue.
Ils ont accompli de nobles missions pour ce pays mais ils ont également trempé dans des choses horribles pour beaucoup d’entres eux au nom et pour la conservation du pouvoir. En témoigne ce passage du rapport de la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR), remis au Premier Ministre le 14 septembre dernier où il est écrit que « 5065 dossiers de crimes ont été reçus dont 145 cas d’homicides. Sur ce chiffre, 17 nouveaux cas ont été enregistrés par la CRNR. »
Pour ce qui est des atteintes à l’intégrité physiques 106 cas ont été relevés dont 57 nouveaux, et 49 enregistrés par le Collège de sages et reversés dans ce rapport, poursuit le rapport. En ce qui concerne les crimes économiques et atteintes aux biens communs, 1258 cas ont été enregistrés. Au titre des injustices et inégalités constatées dans l’administration, 4880 cas de contentieux ont été répertoriés, y lit-on.

La CRNR ne s’est pas contentée de faire l’état des lieux. Il a aussi esquissé des propositions de solutions, au nombre de sept, à même d’aider le Burkina à être plus démocratique, à mettre fin à l’impunité et à ouvrir la voie à la promotion de la bonne gouvernance politique, institutionnelle, économique et environnementale.
Ces propositions sont relatives, entre autres, à un avant-projet de Constitution, à la constitutionnalisation de la CENI, à la révision de la Charte des partis politiques, à la consolidation du caractère républicain des Forces armées nationales (FAN), à la consolidation de l’indépendance du Conseil constitutionnel, à la création d’un Haut Conseil de la Réconciliation et de l’Unité Nationale (HCRUN), et à une Charte de la réconciliation nationale. Ce rapport de 142 pages pourrait servir de document de base au Forum pour un Burkina Faso nouveau, réconcilié avec lui-même. En tout état de cause, la dissolution du RSP, le démantèlement du camp Naba Koom II, la mise aux arrêts des auteurs et complices du putsch, leur jugement et condamnation ainsi que le redéploiement du personnel du RSP, l’organisation précipitée des élections après cette grave crise sociopolitique ne suffiront pas, à elles seules, à remettre le Burkina Faso sur « les Voies du renouveau ». L’abcès doit être crevé et les conditions sont à présent réunies pour ce faire. Pour paraphraser Caton l’Ancien à chacune de ses prises de parole au Sénat romain, « Carthago delenda est » (Il faut détruire Carthage). Il faut bannir à jamais la violence en politique au Burkina. Les Burkinabè sont donc face à eux-mêmes et à leur destin !

Neya de Gabou

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