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Les contes d’Issaka Sondé : Le peuple du Sofa Kiburna et la traversée di fleuve sacré.

Publié le lundi 28 septembre 2015 à 15h00min

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Les contes d’Issaka Sondé : Le peuple du Sofa Kiburna et la traversée di fleuve sacré.

Dans le conte précédent intitulé « La montée des eaux troubles », nous avions évoqué les difficultés qui se profilaient à l’horizon, pour la traversée sereine du fleuve sacré par le peuple souverain du Sofa Kiburna. En dépit des incantations et sacrifices expiatoires de toutes sortes sur l’autel des mânes et des ancêtres, en dépit des prières quotidiennes chrétiennes et musulmanes, trois fois de suite, la traversée du fleuve sacré avait failli être entravée par des forces maléfiques profondément tapies dans les profondeurs et autres zones sombres obscures du fleuve.

Heureusement, jusque-là, cela avait été sans grands dommages et sans déstabilisation définitive du navire. De quelle nature étaient-elles, ces forces maléfiques au point qu’aucun devin du royaume ne fut à mesure de conjurer le sort funeste ? Tous les spécialistes en art divinatoire du royaume (caromanciens, chiromanciens, clédonomanciens, géomanciens, pégomanciens, tératomanciens, zoomanciens…) avaient été unanimes. Le principal obstacle de taille qui se dressait sur la traversée avait été identifié et bien défini. Il s’agissait d’une bête difforme, tout terrain, mi aquatique, mi terrestre, conçue au laboratoire biochimique de Naaba Laibsé pour "diendériser" le peuple souverain et assoir un pouvoir à vie, au bénéfice d’un seul clan et au détriment du reste du peuple souverain. Il s’agissait du PSR (Parrain de la Sécurité du Roi) ; cet animal enragé, nourri et engraissé aux frais du contribuable ; une bête incontrôlée, auteur de tant de soupirs, de larmes, de heurts et malheurs au Sofa Kiburna depuis trois décennies.

Ce colosse, plus médullaire que céphalique, ce molosse armé, cornu, denté, griffé et épineux était devenu au fil des ans, la bête noire du royaume. Bien que sevré de son géniteur lors de l’épisode glorieuse des 30 et 31 Octobre 2014, la nuisance du PSR était restée intacte de sorte que, tout le monde s’est mis à le caresser dans le sens des épines. Qui est fou disait-on ? Toujours est-il que le PSR se faisaient menaçant, il se faisait craindre, il était craint de tous.

Il s’agissait en réalité d’un bras armé ; bras armé d’un clan nostalgique du pouvoir et des privilèges perdus. Ce clan, paré du manteau de démocrate, était en réalité un corps hideux d’une dictature digne des temps moyenâgeux. Incapable de vivre loin du pouvoir, véritable adepte de la théorie de "on gagne ou on gagne", ce clan ne s’avouait point vaincu, bien que brusquement sevré du pouvoir, de privilèges inhérents et du champion Naaba Laibse. En sourdine, le clan orchestrait la reconquête du pouvoir perdu. Par les urnes ou par les armes, peu importe. La fin justifie les moyens ! Les membres du clan de l’épidaba, leurs affidés et les thuriféraires étaient en toute connivence avec le PSR sur un projet funeste : récupérer le trône coute que coute.

Une fois passée la frayeur des 30 et 31 Octobre 2014, les gros poissons et autre hippopotames qui hibernaient dans les profondeurs du fleuve commencèrent à remonter en surface avec des remous menaçants. La tolérance du peuple fut assimilée à un blanc-seing. Tant que la traversée n’était pas menacée, tant que la traversée n’était pas remise en cause, on pouvait laisser faire.

Pour la reconquête du pouvoir vaille que vaille, on gagne ou on gagne était leur refrain. Le clan de l’épidaba avait peaufiné deux plans. Le plan élogieux et glorieux des urnes et le plan macabre des armes. Des menaces commencèrent à se faire entendre. Au cours d’une rencontre de la section Houet du Clan de l’épidaba, Carbaboua Nousan, ex dépité, tonna à propos de la nouvelle loi électorale : "Si je ne suis pas candidat, il n’y aura ni campagne ni élection dans ma région". Le grand boss du clan Monsieur Eidde Gomkoïbo a lui aussi livré le fond de sa pensée secrète : "Qui va me refuser d’être candidat ? Qui ?" se demandait-il avec insistance tout en poursuivant : "il faut arrêter les choses maintenant avant que ça ne soit trop tard ; le CDP ne saurait rester permanemment dans cette position de légitimation du coup d’Etat constitutionnel en préparation. Si l’objectif de certaines instituions et de certains acteurs est de nommer ceux à qui le témoin doit être remis le soir du 11 octobre, alors qu’ils nous épargnent cette mascarade électorale qui se prépare ; s’il n’y a pas d’inclusion, il n’y a pas d’élections. Ceux qui dans leurs rêves ont vu des élections dans l’exclusion, nous leur dirons le contraire ; le parti se réserve le droit d’entreprendre toute action en adéquation avec sa ligne politique et en conformité avec les textes en vigueur pour des élections inclusives".

Hum, tout était dit ! Quand la nuque se sent protégée, la bouche raconte ce qu’elle veut dit-on ! Loin d’être les derniers soubresauts d’un clan en perte de vitesse, ces mises en gardes étriquées étaient en réalité, des menaces bien fondées.

Le premier plan a été vite mis en difficultés par la loi Chérif et annihilé par les ciseaux tranchants de Kassoum le moustachu qui a extirpé certains suspects sérieux sur les listes électorales. Doutant de la victoire par les urnes, le plan macabre des armes fut mis en route. On gagne ou on gagne !Pour endormir la conscience citoyenne du peuple, ils firent semblant d’accompagner le processus électorale en cours. C’était reculer pour mieux sauter. La félonie était en marche. L’art de poignarder lâchement sur le dos était en cours.

Alors que la rive était déjà à portée de vue, alors que 11 mois de navigation avaient déjà été traversés, alors qu’il ne restait qu’à peine un mois de navigation, d’un seul coup, d’une secousse violente, inattendue et imprévue, la traversée subit un arrêt brutal. C’était un après-midi du 16 Septembre 2015. Etait-ce par dysfonctionnement d’une infrastructure ou d’un instrument de navigation ? Etait-ce par cause d’avarie ou rupture de la structure du navire ? Etait-ce par perte de stabilité du navire ? Etait-ce une erreur humaine ? Etait-ce une météorologie défavorable ? Etait-ce l’œuvre de pirates ?

Non, rien de tout cela ! C’était encore pire. Il s’agissait d’un acte terroriste. Des terroristes de genre nouveau. La bête difforme, le colosse, le molosse armé, cornu, denté, griffé et épineux s’est retourné contre son maître qu’il était censé protéger. En plein conseil des notables, le PSR, pour la quatrième fois, fit irruption sous l’arbre à palabre. Il se saisit du roi M’ba Chelmi, du premier notable Kouyaba Diza et de certains notables qui étaient suspectés de donner des mauvais conseils. Disi Repa, notable délégué à la sécurité du royaume aurait été le seul à ne pas être inquiété. Il s’agissait en réalité d’un enlèvement, une prise en otage suivi d’une séquestration de l’exécutif.

La triste nouvelle se répandit comme une traînée de poudre dans tout le royaume et au-delà. Habilement masqué au début sous les apparences d’une revendication corporatiste, pendant qu’on se demandait qui était derrière tout ça, les masques ne tarèrent point à tomber. Dès le lendemain, le plan macabre de conquête du pouvoir par les armes fut mis en pratique. En effet dès le 17 Septembre 2015, le tambour sacré résonna sous les doigts rugueux du colonel médecin Babam. Plus enclin à annoncer des oraisons funèbres qu’à soigner les patients, le colonel médecin Babam tonna la fin de la traversée du fleuve sacrée et annonça les mesures immédiates prises par le Conseil National de la Dictature (CND) :
1. Le Président de la Transition est démis de ses fonctions ;
2. Le gouvernement de transition est dissous ;
3. Le Conseil national de transition est dissous ;
4. Une large concertation est engagée pour former un gouvernement qui se dévouera à la remise en ordre politique du Pays et à la restauration de la cohésion nationale pour aboutir à des élections inclusives et apaisées.

Suivront coup sur coup, une série de quatre communiqués annonçant le Général Bergilt alias Golf comme président du CND, instaurant un couvre-feu à compter de ce jour jusqu’à nouvel ordre allant de 19h à 6h, fermant les frontières terrestres et aériennes jusqu’à nouvel ordre, et mandatant les secrétaires généraux des ministères d’assurer les affaires courantes.

La messe était dite ! La traversée du fleuve sacré était stoppée nette. Le navire prenait l’eau de tout coté mettant en péril sa stabilité avec des risques énormes de chavirement et de noyade collective. Le rêve de tout un peuple qui ramait à destination de là où plu rien ne devrait être comme avant venait d’être brisé. Le coup d’Etat qualifié "le plus bête de l’histoire" venait d’être commis. Une répression aveugle, violente et féroce s’abattît sur le peuple souverain du Sofa Kiburna. La bête difforme, le colosse, le molosse tirait, piquait, mordait et griffait tout ce qui bougeait sur son passage.

Cependant, un adage populaire dit que, si au cours d’une lutte ton adversaire te terrasse, c’est qu’il est plus fort que toi ou il t’a surpris ; mais si ton adversaire après t’avoir terrassé, monte sur ta poitrine et se met à te trainer, c’est parce que tu n’as pas de famille !

Pour la traversée du fleuve sacrée, la messe était-elle vraiment dite pour le peuple souverain et patriotique du Sofa Kiburna ? Allait-il observé impuissant et résigné face à la forfaiture et l’ignominie ? En une seule nuit déclenchera-t-il sa marche triomphale vers l’horizon du bonheur à la reconquête de sa liberté confisquée et vaincre ou mourir au nom de la patrie ?
A bientôt pour la suite !

La Pharmacie citoyenne
Dr Issaka SONDE
Pharmacien
Email : issaksonde@hotmail.com

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