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Obsèques de Jean-Paul II : Au-delà des frontières de la chrétienté

Publié le lundi 11 avril 2005 à 07h33min

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Tandis que les 44 hectares du Vatican ont refusé du monde, la capitale italienne, Rome, a vu sa population pratiquement doubler à l’occasion des obsèques de Jean-Paul II.

Au total, 200 personnalités (rois, reines, présidents et chefs de gouvernement) ont convergé vers la place Saint-Pierre où a eu lieu cette émouvante cérémonie à la dimension d’un homme qui n’a laissé personne indifférent par sa dimension morale, sociale, spirituelle, politique et philosophique.

C’est vrai que la mort, alimentée actuellement par les guerres, la maladie, la famine, est devenue une banalité en ce monde. Cependant, ne devrions-nous pas continuer à avoir de la compassion devant elle, surtout lorsqu’il s’agit de la disparition d’un homme dont le comportement, de son vivant, avait transcendé les frontières de la chrétienté ?

En effet, seule la personnalité d’un Jean-Paul II pouvait réussir ce tour de force de réunir dans un même élan, tous ces hommes aux convictions religieuses, philosophiques et politiques différentes pour ne pas dire antagoniques et même hostiles, à la limite de l’affrontement. C’est ainsi que sans se laisser séduire par les débats qui agitent actuellement la classe politique de l’Hexagone, Jacques Chirac a abandonné l’éternelle exception française aux vestiaires pour se rendre au Vatican, n’en déplaise aux apôtres de la laïcité, donc de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel.

Entre une France laïque et une France fille aînée de l’église catholique, Chirac n’a pas hésité à faire son choix. Sans oublier la statutre de chef d’Etat du souverrain Pontife avec lequel la France entretient des relations diplomatiques. De même, Bush, le va-t-en guerre de l’Outre Atlantique et qui était resté insensible aux adjurations du Saint-Père de ne pas aller en guerre contre l’Irak, n’a pu s’empêcher de fouler le sol de la Place Saint-Pierre pour faire ses adieux au pape, cet homme de paix opposé à toutes les formes de violences pour imposer une autre vision du monde.

Il a fallu un Jean-Paul II, même mort, pour réunir dans un même élan spirituel, d’indécrottables adeptes d’un communisme agonisant et des disciples d’un intégrisme réligieux. Parmi la foule qui s’était déplacée à Rome, on retiendra aussi la présence, plus nombreuse, d’hommes et de femmes aux conditions plus modestes qui avaient placé leur espoir dans le message, le même, dont inlassablement ne s’était jamais départi le pape.

Ce message avait pour noms, dialogue interreligieux, oecuménisme, qui vise l’union de toutes les religions chrétiennes. Durant tout son pontificat, Jean-Paul II ne s’était jamais lassé de traduire dans les faits, cette volonté de dialogue en visitant 129 pays (toutes religions confondues) dont 40 pays sur 53 que compte le continent africain.

Côté moral, le pape a eu toujours ce courage historique de reconnaître les torts causés par l’Eglise catholique aux peuples africains lors de la traite négrière. De passage à Gorée, il avait présenté les excuses officielles de l’Eglise catholique à l’Afrique pour cette page sombre de l’histoire. De même, en visite en Israël, il s’était recueilli auprès du Mur des Lamentations, reconnaissant du même coup, la part de responsabilité de l’Eglise dans la déportation des Juifs.

Il avait reconnu aussi la nécessité d’un Etat aux Palestiens. Sur le plan social, Jean-Paul II aura été celui qui avait franchi le rubicon en admettant officiellement la théologie de la libération selon laquelle, dans un monde où sévissent tant d’inégalités, le rôle de l’homme d’église ne saurait se limiter uniquement à la distribution des sacrements.

Un message qui, à un moment de l’histoire, avait conforté des évêques d’Amérique latine dont certains avaient troqué la soutane contre le béret à la Che Guevara. Sur le plan politique, on connaît la part prise par Jean-Paul II dans la déconfiture du communisme. Mais l’anticommunisme du pape ne l’empêchait pas d’être l’incarnation de celui qui avait fustigé sans répit, sa vie durant, la liturgie du libéralisme sauvage qui écrase les plus faibles.

Cependant, si Jean-Paul II a été un homme de paix, de dialogue et de compromis, il était resté intraitable sur le respect de la doctrine de l’église, chevillé qu’il était, à la culture de la vie contre ce qu’il appelait la culture de la mort. Aussi, la pratique de l’euthanasie, l’utilisation du préservatif, l’avortement étaient-ils considérés par lui comme contraires au commandement de Dieu qui invite à ne point tuer.

Cet entêtement dogmatique avait fait craindre une certaine crise des vocations et une certaine "déchristianisation galopante" chez les jeunes confrontés à la pandémie du Sida, au chômage, etc. et qui se demandaient à quel Saint se vouer. Face à ce désarroi des jeunes, le pape répétait inlassablement cette directive : "N’ayez pas peur". Cette recommandation pastorale avait beaucoup réconforté les jeunes dont le nomadisme spirituel pour ne pas dire la perte de vocation, commençait à inquiéter Jean-Paul II.

Il avait ainsi réussi à redresser la barre en mobilisant les jeunes lors des différentes Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) qui enregistraient chaque année, des records d’affluence. Comme pour condamner d’ailleurs cette ambiante culture de la mort, le pape aura, avec courage, malgré les pressions phsychologiques qui le poussaient à la démission, au nom de sa fidélité à la culture de la vie, porté la croix jusqu’à son dernier souffle.

En définitive, de mémoire de vaticanistes, jamais le monde entier ne s’était senti autant "réconcilié", ne serait-ce qu’en une journée, avec lui-même. Il faut espérer que Jean-Paul II lègue à son successeur, le secret de sa réussite dans un monde gagné par le scepticisme, les dérives matérialistes, les extrémismes de tous bords, les incertitudes du lendemain et l’intolérance. Souhaitons surtout que soient fixées dans la mémoire collective, les dernières images d’un grand homme qui laisse à la postérité, le soin de s’emparer de ses armes pour bâtir un monde débarrassé de tous les débordements, qu’ils soient religieux, politiques ou moraux.

Le Pays

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