LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Bombarder la Syrie pour la sauver ou composer avec al-Assad pour vaincre le « califat » ?

Publié le mardi 8 septembre 2015 à 15h00min

PARTAGER :                          
Bombarder la Syrie pour la sauver ou composer avec al-Assad pour vaincre le « califat » ?

Le monde bout. Il est dans une transition de leadership. Il faut pourtant du vrai leadership sur les enjeux de civilisation, le réchauffement climatique, la paix et la prospérité partagée. Pour y parvenir, les grands chefs occidentaux font des offres tantôt ceci, tantôt cela mais toujours en-deça des légitimes attentes de leurs compatriotes et des enfants du monde.

Le problème de vision globale de la paix et de la sécurité du monde est d’acuité d’autant plus qu’il s’agit désormais de penser un ordre du monde dans un désordre sans nom. Il n’y a pas si longtemps, l’on était en droit de penser que nous étions sortis de l’ordre du monde déterminé par la bipolarité internationale. Mais il semble que nous soyons de retour dans un nouvel ordre de la bipolarité avec la fin du suprême pouvoir que les Etats-Unis incarnaient. Même si l’on concède que l’ordonnancement unipolaire du monde reste encore vivace, force est de constater, au regarde la crise des réfugiés en cours, que le destin moyen-oriental de la diplomatie américaine, est capté par des illisibilités frappantes. Comment dès lors résorber cette crise des réfugiés syriens déferlant sur l’Europe par le tarissement de la source : la guerre civile syrienne.

Il est important de rappeler que la chute de l’Empire ottoman dans les années 192Oa donné lieu à des prises de souveraineté des pays de la région par les puissances coloniales, la France et le Royaume Uni. La fin de la colonisation européenne a conduit au pouvoir en Syrie et en Irak, des nationalistes arabes, laïcs, protecteurs des minorités religieuses, chrétiennes notamment, au sein du parti panarabe, Ba’as. Du Président Saddam Hussein aux al –Assad, ces dirigeants et leurs formations politiques sont des adversaires résolus des fondamentalismes de tous ordres. De la sorte, ils sont le premier et l’unique rempart contre les intégrismes djihadistes tout comme les monarchies du Golfe opposées depuis 60 ans à ces républiques laïques du Moyen-Orient.

La chute de ces dictatures laïques est la fin de la protection des minorités chrétiennes et autres. Bombarder la Syrie envahie par le proto-Etat d’ Al Baghdadi, aujourd’hui, c’est le choix réaliste de conforter le régime syrien pour en suite envisager raisonnablement, une sortie de crise par un gouvernement d’unité nationale syrienne. Avec ou sans Bachar al-Assad, cette question est moins prégnante dans l’exacte mesure où, des consultations obligatoires avec la Fédération de Russie, la République Islamique d’Iran (l’Accord des 5 +1 avec l’Iran sur le nucléaire civil est le meilleur prélude) et la Turquie laïque, l’alliée sûre des Occidentaux, sont plus fondatrices de stabilité et de processus de réconciliation viable que le maintien putatif du président syrien. La focalisation obsessionnelle sur le départ préalable du Président Bachar al-Assad est une demande qui surajoute au drame sans pour autant contenir DAESH. La 6ème conférence de presse du Président Hollande semble indiquer une évolution sensible de sa posture initiale. C’est bien. Il reste à la puissance américaine de constater que sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres non moins essentiels pour la paix et la sécurité internationale, la fin du cycle de la puissance unipolaire semble proche.

La crise des réfugiés rappelle, somme toute, aux Européens toute l’importance de leur destin méditerranéen et africain comme destins partagés quels qu’ils soient. L’indifférence destinale est donc interdite tant pour les uns que pour les autres. L’Union pour la Méditerranée initiée par le Président Sarkozy est inapte à être une solution dans la mesure même où elle fait l’impasse, curiosité diplomatique, sur le destin africain de la France, de l’Espagne ou de l’Italie. L’Union pour la Méditerranée refuse, de ce point de vue, d’entrer dans l’histoire. Il est pourtant possible de garder foi dans les valeurs démocratiques et républicaines d’une part et d’autre part d’imaginer et de consolider les opportunités de concertation dans un monde en transition de leadership.

Lorsque le Président de la Fédération de Russie de l’époque, Monsieur Medvedev avait proposé un mécanisme permanent pour les Européens en charge de la diplomatie préventive et de consultations stratégiques sur les enjeux majeurs, il avait raison. Un tel mécanisme aurait pu prévenir et même conjurer les déchirures en Ukraine et aujourd’hui en Syrie. De toutes les façons, sans la Russie qui n’a que son unique base militaire en Syrie, hors du sol national, il n’y a pas de solution tandis que les soldats du proto-Etat islamique d’Al Baghdadi continueront leurs crimes contre les Chi’ites et qui interpellent l’Iran, les minorités religieuses, les crimes de guerre contre les patrimoines culturels de l’Humanité que l’Unesco dénonce, impuissante.

L’Europe, heureusement, dispose d’une intelligentsia capable de propositions presque subversives lorsque la pensée semble sclérosée. Cette capacité insoupçonnée d’innovations dans l’approche des grands enjeux, ce vieux réflexe d’humanisme hérité de la Renaissance essentiellement italienne pour l’Europe et cette chance de pouvoir compter sur un guide religieux d’exception mais aussi d’humilité citoyenne comme le Pape François, autorisent de penser que nos amis européens se retrouveront autour de leurs valeurs. L’Europe comme Saül, figure historico-religieuse, trouvera son chemin de Damas. C’est déjà suffisant pour les cycles d’espoir.

Mamadou Djibo, PhD
Philosophy

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?