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LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

Publié le mercredi 2 septembre 2015 à 15h57min

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LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

En date du 18 juin 2015, le Vatican publiait la première lettre encyclique du Pape François intitulée Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune, la terre. Réputée révolutionnaire, l’encyclique a d’emblée reçu un accueil favorable, saluée par un monde de spécialistes, de scientifiques, d’autorités politiques, d’hommes et de femmes de couches sociales et de religions différentes

La première caractéristique de l’encyclique est qu’elle prend le nom de l’invocation de Saint François d’Assise, « Loué sois-tu mon Seigneur » , tirée du Cantique des Créatures. Le Pape François dès les premières lignes de l’encyclique, s’empresse de rappeler que la terre, notre maison commune, est « comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts » (n°1).

Qualifier cette encyclique de révolutionnaire aurait pu ne pas être opportun dans la mesure où celle-ci s’inscrit d’une part, en droite ligne des encycliques en phase avec les problèmes de leur temps, et, d’autre part, en parfaite cohérence avec la montée en puissance de la thématique environnementale dans la parole des Papes depuis au moins Paul VI.

En effet, depuis au moins le siècle dernier, la plupart des encycliques, lorsqu’elles ne sont pas purement consacrées à un sujet ecclésial, viennent apporter des réponses à des questions qui bouleversent la société. Ainsi en va-t-il de Rerum novarum, encyclique du Pape Léon XIII, publiée en 1891 et constituant la réponse de l’Eglise à la montée des idées socialistes au moment où le monde ouvrier était déchiré par la révolution industrielle.

Ensuite, l’encyclique Quadragesimo Anno du Pape Pie XI, publiée en 1931, est une réponse aux bouleversements provoqués par la crise économique de 1929, génératrice d’une explosion du chômage dans l’Europe de l’entre-deux-guerres. A l’orée de la deuxième guerre mondiale, face à la montée du communisme athée, le même Pape Pie XI publie en 1937, l’encyclique Divini redemptoris. En 1963, le Pape Jean XXIII publie Pacem in terris en pleine guerre froide entre le monde soviétique et les nations occidentales. Quant à Populorum progressio du Pape Paul VI, publiée en 1967, elle s’intéresse à la question du développement après la décolonisation. Aussi, après la chute du mur de Berlin et du bloc soviétique, Jean-Paul II publie en 1991, Centesimus Annus. Enfin, peut-on citer Caritas in Veritate de Benoît XVI publiée en 2009 et invitant à privilégier l’éthique, tirant leçon de la crise financière de 2008.

Laudato si’ n’innove pas fondamentalement non plus sur le plan thématique dans la mesure où, comme le précise son auteur aux numéros 3 à 6, la question environnementale n’est pas totalement nouvelle dans la bouche des Papes. Dès 1972, dans un message prononcé à Stockholm à l’occasion de la première conférence des Nations unies pour l’environnement, le Pape Paul VI invite l’humanité à freiner la poussée aveugle du progrès matériel au profit du respect de la biosphère. En 1979, Jean-Paul II, dans sa toute première encyclique, Redemptor hominis, évoque la volonté du Créateur de voir l’homme être en communion avec la nature et non en position d’exploiteur ou de destructeur. Dans la foulée, il désigne saint François d’Assise comme patron des écologistes. Ensuite, dans son message du 1er janvier 1990, intitulé La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création, il souligne « l’obligation grave de prendre soin de toute la création ». Le Pape Benoit XVI, en 2006, encourage la première Journée de la sauvegarde de la création, le 1er septembre en Italie. Enfin, à la messe de la nuit de Noël 2007, il affirme que « l’étable représente la terre maltraitée (…) en raison de l’utilisation abusive des ressources et de leur exploitation égoïste et sans aucune précaution ». Dans son message du 1er janvier 2008, il invite chacun à « s’engager (…), dans le but de renforcer l’alliance entre l’être humain et l’environnement, qui doit être le miroir de l’amour créateur de Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons ».

Une encyclique révolutionnaire

Cependant, quoique s’inscrivant dans des sillons tracés – ce qui fait d’ailleurs la force de l’Eglise et l’efficacité et la cohérence de sa Tradition plurimillénaire – Laudato si’ n’en est pas moins originale dans la mesure où elle constitue la première encyclique du Pape François et que celui-ci la consacre intégralement à une thématique non ecclésiale. Aussi, perçoit-on dans la démarche de son auteur que la volonté d’épuiser la question est manifeste puisque tout au long du texte, on découvre les symptômes des problèmes environnementaux, leur attelage à des crises de nature différente, leurs causes, les solutions proposées, etc. Enfin, la connexion établie entre les problèmes écologiques et les crises de nature économique et sociale font de cette encyclique un document de grande valeur et d’identification pertinente de la globalité de la déroute civilisationnelle dans laquelle nous vivons. Et le Pape de dénoncer, tous azimuts, le capitalisme industriel, l’ultralibéralisme, la spéculation financière qui sont les vecteurs d’un « système prédateur que la planète et les peuples subissent » .

En fin de compte, cette originalité confine en une véritable révolution puisque face à des constats de grande injustice entre le Nord et le Sud, « le pape demande une rupture avec le capitalisme ultralibéral et l’invention d’un nouveau modèle économique fondé sur l’équilibre et la justice, la justice sociale et la justice entre les deux hémisphères. Parce que, comme tous les papes l’ont dit, mais celui-là particulièrement, c’est aux peuples riches de faire le premier effort, parce que c’est à eux que le saccage de la planète a profité. Ils ont été les profiteurs, il faut qu’ils soient les payeurs. » . On peut aisément s’imaginer que si le message papal trouve prise sur le milliard et demi de chrétiens catholiques dans le monde, sans compter les « hommes de bonne volonté » auxquels s’adresse également Laudato si’, c’est un véritable changement de mœurs et de civilisation qui devrait s’opérer. Cette encyclique a ainsi une véritable allure révolutionnaire ancrée dans les vertus évangéliques. Et le Pape s’y prend de façon très méthodique dans un dessein de persuasion et d’incitation à l’action en proposant comme motivations les fruits issus du « trésor de l’expérience spirituelle chrétienne » (n°15).

La logique de démarche de l’encyclique est tracée par le Saint Père au numéro 15 du document : « en premier lieu, je pré¬senterai un bref aperçu des différents aspects de la crise écologique actuelle, en vue de prendre en considération les meilleurs résultats de la recherche scientifique disponible aujourd’hui, d’en faire voir la profondeur et de donner une base concrète au parcours éthique et spirituel qui suit. À partir de cet aperçu, je reprendrai certaines raisons qui se dégagent de la tradition judéo-chrétienne, afin de donner plus de cohérence à notre engagement en faveur de l’environnement. Ensuite, j’essaie¬rai d’arriver aux racines de la situation actuelle, pour que nous ne considérions pas seulement les symptômes, mais aussi les causes les plus pro¬fondes. Nous pourrons ainsi proposer une éco-logie qui, dans ses différentes dimensions, incor¬pore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure. À la lumière de cette réflexion, je voudrais avancer quelques grandes lignes de dialogue et d’action qui concernent aussi bien chacun de nous que la poli¬tique internationale. Enfin, puisque je suis convain¬cu que tout changement a besoin de motivations et d’un chemin éducatif, je proposerai quelques lignes de maturation humaine inspirées par le trésor de l’expérience spirituelle chrétienne » (n°15).

Le compendium de l’encyclique

Ainsi, comme annoncé, le Souverain Pontife consacre d’abord, son premier chapitre à des constats flagrants faits à partir des meilleurs données scientifiques disponibles pour laisser entendre le « cri de la création », puis, le chapitre 2 à une véritable confrontation de cette situation avec la Bible et la tradition judéo-chrétienne d’où il ressort que « créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble » (n°89). Ce chapitre aux relents homélitiques s’appuie sur son exhortation apostolique Evangelii Gaudium pour affirmer que « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation » . Le chapitre se termine sur une illustration néotestamentaire mettant en exergue la personne de Jésus, « ressuscité et glorieux, présent dans toute la création par sa Seigneurie universelle : « Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute pléni¬tude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en fai¬sant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 19-20) » (n°100).

Ensuite, à travers le chapitre 3, le Pape s’attèle à analyser la racine humaine de la crise écologique, partagée entre d’une part, un paradigme technocratique homogène et unidimensionnel (n°106) incapable de « récupérer les valeurs et les grandes finalités qui ont été détruites par une frénésie mégalomane » (n°114), et d’autre part, un repli autoréférentiel excessif de l’être humain que le Pape qualifie de « grande démesure anthropocentrique » (n°116). Or, « si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, la base même de son existence s’écroule, parce qu’« au lieu de rem¬plir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et ainsi finit par provoquer la révolte de la nature » » (n°117).
Le chapitre aboutit à la résultante des deux excès : le « relativisme pratique qui caractérise notre époque, et qui est « encore plus dangereux que le relativisme doctrinal » (n°122). En effet, dit le Pape, « avec l’omniprésence du paradigme technocratique et le culte du pouvoir humain sans limites, se déve¬loppe chez les personnes ce relativisme dans lequel tout ce qui ne sert pas aux intérêts personnels im¬médiats est privé d’importance » (n°122).

Quant au chapitre 4 de l’encyclique, il propose une solution originale : l’écologie intégrale qui, « dans ses composantes, incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure » (n°15). Ainsi, cette écologie intégrale se caractérise-t-elle par « des dimensions humaines et sociales » (n°137), se déclinant en écologie culturelle (n°143-146), écologie de la vie quotidienne (n°147-155), inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale » (n°156) et incluant la justice entre les générations (n°159-162).

Le chapitre 5 de l’encyclique s’attèle à déterminer ce qui peut et doit être fait. Le Pape François propose d’avoir, à chaque niveau de la vie sociale, économique et politique, un dialogue honnête qui structure des processus de décision transparents. Ainsi, s’appesantit-il sur les terrains d’expression et les thématiques d’illustration de ce dialogue : le dialogue sur l’environnement dans la politique internationale (n°164-175), le dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales (n°176-181), le dialogue et la transparence dans les processus de prise de décisions (n°182-188), la politique et l’économie en dialogue pour la plénitude humaine (n°189-198), et les religions dans le dialogue avec les sciences (n°199-201). Enfin, le chapitre 6 rappelle qu’aucun projet ne peut être efficace s’il n’est pas animé d’une conscience formée et responsable, en donnant des pistes éducatives, spirituelles, ecclésiales, politiques et théologiques pour croitre dans cette direction.

En somme, l’encyclique regorge de richesses sur le plan thématique avec une démarche parfaitement didactique. Ainsi le Pape s’étend en long et en large sur « l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de l’écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie. » (n°16).

La question du support

Cette abondance de richesses donne-t-elle pour autant à cette encyclique les chances d’un réel retentissement ? Le support de communication utilisé pour aborder cette question jugée très importante est-il adéquat ? La question n’est pas incongrue si l’on prend en considération, par exemple, qu’une part minoritaire, mais significative, des internautes du quotidien français La Croix est « sensible aux sirènes qui, dans certaines franges de l’Église, estiment que le pape ne doit pas, dans une encyclique, se pencher sur des questions qu’ils jugent ne pas relever d’une encyclique » . Pour certains d’entre eux, « ce texte sera vite oublié, comme tous ceux qui n’ont pas pour objet Dieu lui-même » . En partant de la définition de l’encyclique en tant « lettre solennelle du pape adressée à l’ensemble de l’Église catholique ou plus spécifiquement à une des parties d’entre elles, évêques, clergé, fidèles » et ayant « le plus souvent valeur d’enseignement », on peut bien se demander si, pour un sujet de cette nature, un tel support offre des garanties d’efficacité.

A en croire les canonistes, il apparait bien que ce support est adapté à l’ambition du sujet et représente bien de chances d’efficacité car les encycliques permettent effectivement au Souverain Pontife d’exercer son « magistère authentique ». Or, comme l’affirme le canoniste Emmanuel Tawil, citant la constitution dogmatique Lumen Gentium, promulguée par le Concile Vatican II : « l’assentiment religieux de la volonté et de l’intelligence est dû, à un titre singulier, au Souverain Pontife en son magistère authentique, même lorsqu’il ne parle pas ex cathedra, ce qui implique la reconnaissance respectueuse de son suprême magistère, et l’adhésion sincère à ses affirmations, en conformité à ce qu’il manifeste de sa pensée et de sa volonté et que l’on peut déduire en particulier du caractère des documents » .
Les destinataires de l’encyclique, du moins, ceux parmi ceux-ci qui sont coreligionnaires du Pape sont donc tenus d’adhérer au message papal. De la sorte, le support retenu par le Pape François ne représente donc pas un risque pour l’efficacité du message. Il constitue même une chance puisqu’il s’agit d’un des instruments les plus solennels de la communication papale. Alors, quelles chances que le message porte du fruit ?

Le retentissement médiatique et scientifique

Pour le moment, en ce qui concerne l’accueil (receptio) de l’encyclique, il semble bien que le Pape a peu de souci à se faire au moins au niveau des médias, des spécialistes de la question et des décideurs. En effet, le retentissement médiatique est palpable eu égard à l’engouement avec lequel les principaux médias du monde ont relayé l’information relative à la parution et au contenu de l’encyclique, souvent même bien avant le 18 juin. Aussi, Laudato si’ est-elle déjà classée comme un best-seller puisque selon l’analyse du directeur des éditions du Cerf, Jean-François Colosimo, « Deux mois après la parution de la nouvelle encyclique, on peut en estimer les ventes à 150 000 et elle faisait toujours partie la semaine dernière des 10 meilleures ventes de sa catégorie (essais). Un succès qui la classe parmi les best-sellers (...) Deux semaines après sa publication, Laudato si’ était en quatrième place du top 20 des meilleures ventes » . En outre, les spécialistes des questions environnementales ont salué quasi unanimement le message papal.

Ainsi, pour l’écologiste français, Nicolas Hulot, Laudato si’ « confirme que l’enjeu climatique est la pierre angulaire de la justice sociale et de la dignité humaine, (…). Ce n’est pas un texte qui amène à la culpabilité, mais à la responsabilité. Sans jeu de mots, ce texte a une première vertu : il sacralise l’enjeu écologique et donne à l’écologie ses lettres de noblesse » . Pour lui, cette encyclique est « comme une feuille de route, jalonnée d’un certain nombre de principes et de valeurs dont, sans s’en apercevoir, l’humanité s’est éloignée et débarrassée au fil du temps » . Le célèbre écologiste est tellement enthousiaste face au texte papal qu’il ne se prive pas de faire une comparaison plutôt osée : « chez mes interlocuteurs politiques, que je rencontre depuis trois ans, le verrou le plus difficile est que chacun aborde cet enjeu planétaire par le prisme de l’intérêt national, voire personnel, au moment où il faudrait se doter d’un état d’esprit universel. Je prends cela comme un renfort et une aide inattendus, car les mots du pape résonnent au-delà de la communauté des croyants. C’est un ambassadeur inespéré, et une forme de résistance au fatalisme » .

Quant à l’ancien ministre français de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, il estime que l’encyclique est « un événement considérable et décisif. Elle développe une vue globale des enjeux et souligne l’urgence absolue à soutenir financièrement les pays d’ores et déjà victimes du dérèglement climatique » .

Pour le sociologue Edgard Morin, « le message pontifical appelle à un changement, à une nouvelle civilisation. Ce message est peut-être l’acte 1 d’un appel pour une nouvelle civilisation » . Il en va du même enthousiasme dans le monde des décideurs politiques au nombre desquels le président français, François Hollande pense que « l’encyclique du pape François replace l’enjeu écologique dans une perspective humaniste et rappelle au monde la solidarité de destin qui est la sienne » .

Pour le directeur exécutif du Programme des Nations Unie pour l’Environnement (PNUE), Achim Steiner, l’encyclique « tire une sonnette d’alarme qui ne résonne pas seulement auprès des catholiques, mais aussi des autres habitants de la planète. La science et la religion s’entendent sur un point : "il faut agir maintenant" » .
Quant au président de l’Africa Progress Panel et ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, il félicite le Pape « pour son grand leadership moral et éthique » .

Le président des États-Unis, Barack Obama, a salué l’encyclique papale en manifestant sa profonde admiration pour « la décision du pape d’appeler à l’action sur le changement climatique de manière claire, forte, et avec toute l’autorité morale que sa position lui confère » . Pour lui, « comme le pape François l’a dit avec éloquence, nous avons la responsabilité de protéger nos enfants et les enfants de nos enfants des impacts dévastateurs du changement climatique » . Ce concert de satisfactions n’occulte pas totalement quelques objections portées par une minorité de personnes sur les développements de l’encyclique relatifs à la croissance démographique et à la dénonciation du capitalisme libéral et de l’ultralibéralisme, ce qui en soi, n’est pas étonnant.

Au-delà du vibrant retentissement médiatique et politique qu’elle a eu, il n’est pas hasardeux de se demander quelles suites seront accordées à cette encyclique, précieuse et révolutionnaire, dans l’Eglise et surtout dans nos Eglises locales ?

Le retentissement dans l’Eglise et dans nos contrées

En ce qui concerne l’Eglise dans le monde, de nombreuses réactions favorables ont été enregistrées et des actions concrètes envisagées en vue de la diffusion de l’encyclique ou en réponse aux suggestions papales. Ainsi, pour l’évêque de Saint-Étienne en France, Mgr Dominique Lebrun, « il faut repenser la relation à la nature, à soi, aux autres, et à Dieu. Ces relations ne sont pas en concurrence mais s’ouvrent les unes aux autres. Le pape fait appel à la générosité, à l’effort, à l’inventivité… depuis la base jusqu’au sommet. Cette encyclique est un appel à une véritable révolution culturelle » .

Pour le Secours catholique-Caritas France, l’encyclique pose la question de la terre qu’il va falloir laisser aux générations futures. Pour sa présidente, Véronique Fayet, « nous sommes non seulement prêts à répondre à cet appel, mais nous sommes déjà en marche, avec l’ensemble de nos partenaires Caritas, pour construire un monde plus sobre, respectueux de la nature, plus juste politiquement, socialement, économiquement et donc attentifs à intégrer réellement les plus fragiles d’entre nous » .
Le patriarche œcuménique, Bartholomeos Ier, a, quant à lui, qualifié I> Laudato si’ de « véritable bénédiction » et reconnu le partage d’un « intérêt commun et d’une vision commune pour la création de Dieu » .

Enfin, le secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale, le pasteur Martin Junge, s’est lui réjoui « de la perspective d’un approfondissement de la collaboration œcuménique sur cet enjeu vital qui nous concerne tous » .

Dans nos Eglises africaines et locales, il ne semble pas que l’encyclique ait soulevé les plus grandes passions dans la mesure où, mis à part quelques partages documentaires via le net et les réseaux sociaux et quelques mentions dans des prêches, des actions notables n’ont pas pu être constatées. En outre, il n’est pas avéré qu’un sondage auprès des fidèles catholiques de nos villes et villages conclut à une bonne connaissance de Laudato si’. Pour autant, le faible retentissement de cette prestigieuse encyclique dans nos contrées n’est pas forcement dramatique puisque nous sommes dans les deux mois de sa publication et que les meilleures actions nécessitent souvent une profonde intériorisation de la conviction. Donc, le meilleur est certainement à venir d’autant que le Pape a pris soin de proposer des lignes d’orientation et d’action.

Les autorités ecclésiales, les fidèles et tous les hommes de bonne volonté, destinataires eux aussi de l’encyclique, auront peu d’effort à fournir dans la détermination de ce qu’il faut faire car comme le pense le Pape, aucun geste ne peut être tenu pour anodin. Tous les efforts - « éviter l’usage de matière plastique et de papier, réduire la consommation d’eau, trier les déchets, cuisiner seulement ce que l’on pourra raisonnablement manger, traiter avec attention les autres êtres vivants, utiliser les transports publics ou partager le même véhicule entre plusieurs personnes, planter des arbres, éteindre les lumières inutiles » (n° 211) - peuvent contribuer à changer le monde en permettant au bien de se répandre dans la société (n° 212).

Les actions à mener ne sont pas si compliquées surtout qu’elles ne sont pas à dissocier de la vie de foi. A cet effet, l’encyclique prévoit « quelques lignes d’une spiritualité écologique », tirées de l’Évangile et de l’expérience chrétienne, et susceptibles de nourrir l’engagement chrétien. Ainsi, le Souverain Pontife propose de faire ce chemin en compagnie de François d’Assise, Thérèse de Lisieux, Bonaventure, Jean de la Croix, des saints qui nous révèlent le sens le plus profond d’une écologie intégrale, c’est-à-dire, une écologie qui « implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence "ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée" » (n° 225). Pour le Pape, cet aspect des choses est fondamental puisque « il ne sera pas possible, en effet, de s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime » (n° 216).

Conclusion

Laudato si’ innove fondamentalement, tout en restant dans le sillage des encycliques-solution et dans la préoccupation environnementale des Souverains Pontifes. Révolutionnaire à travers le lien de globalité qu’il établit entre les différentes crises que traverse l’humanité et dans la dénonciation radicale de leurs causes communes, l’encyclique séduit par sa transparence, sa clarté, son actualité et sa pertinence. Ses destinataires ne se trompent pas en donnant un écho favorable et un retentissement incontestable à son ambition d’instaurer une nouvelle civilisation. Loin de constituer une velléité, cet objectif de remise en cause d’attitudes, de convictions et de comportements erronés trop bien ancrés dans les mœurs, ne pourra être atteint que si l’encyclique connait une vulgarisation effective et une véritable catéchèse sur les orientations et les actions suggérées par le Pape François. Il y va de la responsabilité des responsables ecclésiaux au plan local ; le Saint-Père ayant déjà hautement rempli la sienne.

Osée Gaétan Possy-Berry QUENUM
Juriste, doctorant en Droit de l’Environnement
Administrateur des Assurances
Ancien grand séminariste.

1. Patrice de Plunkett (http://www.rfi.fr/europe/20150617-pape-francois-laudato-si-encyclique-environnement-climat-revolutionnaire-/
2. ibidem
3. Exhortation apostolique Evangelii Gaudium du 24 novembre 2013, nº 215
4. Jean Paul II, Lettre encyclique Centesimus annus du 1er mai 1991, nº 37
5. http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Encyclique-Laudato-si-les-internautes-de-La-Croix-reagissent-2015-07-20-1336436
6. idem
7. http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Encyclique-quelle-autorite-2015-06-18-1324973
8. http://www.famillechretienne.fr/filinfo/laudato-si-le-best-seller-se-confirme-175298
9. http://www.lepoint.fr/societe/pour-nicolas-hulot-l-encyclique-du-pape-est-un-renfort-inespere-18-06-2015-1937891_23.php
10. ibidem
11. ibidem
12. idem
13. http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Edgar-Morin-L-encyclique-Laudato-Si-est-peut-etre-l-acte-1-d-un-appel-pour-une-nouvelle-civilisation-2015-06-21-1326175
14. http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Rome/Dans-le-monde-entier-des-reactions-a-l-encyclique-Laudato-si-du-pape-Francois-2015-06-18-1325223
15. idem
16. idem
17. http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Barack-Obama-salue-un-message-clair-et-fort-dans-l-encyclique-2015-06-19-1325725
18. ibidem
19. http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Rome/Dans-le-monde-entier-des-reactions-a-l-encyclique-Laudato-si-du-pape-Francois-2015-06-18-1325223
20. Ibidem
21. idem
22. idem
23. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, nº 71

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Vos commentaires

  • Le 2 septembre 2015 à 16:16, par espoir 9° En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    Pape vous faites œuvre utile pour sauver cette humanité mais l’homme pris dans son égocentrisme exagéré est devenu aveugle au point d’en être un loup pour lui-même et pour les autres qu’un être humain. Le reniement, l’exclusion, la gabegie, la corruption, la monstruosité économique et financière de nos dirigeants qui amassent, amassent et amassent les richesses qui devaient servir à un million, deux millions, trois millions, n millions d’individus ne pensent qu’à leurs petits dix doigts, petite bouche, vilain ventre et bas-ventre indisciplinés et sans scrupule. Mon Dieu sauve nous, wooooooo !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  • Le 2 septembre 2015 à 17:29, par Augustin En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    merci pour le commentaire. desormais veillez traduire les mots latin ou italien en francais.

  • Le 3 septembre 2015 à 06:23 En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    Et, si le pape allait à la COP21 en décembre à Paris pour faire avancer la cause de la planète Terre, ce serait formidable !

  • Le 3 septembre 2015 à 11:49 En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    Osee, on dit "ancien seminariste" meme si tu as ete au grand seminaire. Merci

  • Le 4 septembre 2015 à 06:30, par KOETA Didier En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    Merci, grand frère Osée pour le commentaire de l’encyclique du saint père. Je suis actuellement une formation sur le crédit social (ou démocratie économique) et notre formateur Alain PILOTE a consacré une journée à l’étude de cette encyclique. En lisant ton article, je "m’incline" devant ta maîtrise du sujet et la méthodologie avec laquelle tu as essayé de rendre accessible le message du pape . Je retiens de cette encyclique que la terre est un don de Dieu qui doit être aimé et développé de façon responsable, surtout pour le BIEN de tout homme, de tous les hommes et de tout l’homme. Moi j’irai plus loin que le pape en indexant comme responsables de la crise écologique actuelle les multinationales, avec la complicité et/ou la lâcheté de certains gouvernants qui, sous l’emprise du système financier actuel avec son "dieu-argent", empêchent toute réforme pouvant sauvegarder l’environnement. J’espère que les pasteurs de l’Eglise catholique et les personnes de bonne volonté sauront relayer le cri de coeur du saint père pour sauvergarder NOTRE MAISON COMMUNE.

  • Le 7 septembre 2015 à 21:33, par Sabari En réponse à : LAUDATO SI’ du pape François : Quel retentissement pour une encyclique révolutionnaire sur l’environnemment ?

    Merci pour cet article qui nous interpelle tous à jeter un regard attentif sur les paroles du saint Père. La lettre du Pape y est décortiquée de telle sorte à la rendre souple dans sa compréhension et dans son application.
    En effet combien sommes-nous à avoir lu l’encyclique Laudato si ?
    Que faisons-nous des propos de notre Père ?
    Cependant il n’est pas aussi tard « puisque nous sommes dans les deux mois de sa publication et que les meilleures actions nécessitent souvent une profonde intériorisation de la conviction. »
    En tout cas chapeau bas au kôrô Osée. Que la joie de Jésus reste avec nous. Amina !

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