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Bassiaka Dao, vice-président de l’UCOBAM : "On veut retirer nos chambres froides"

Publié le mercredi 6 avril 2005 à 07h24min

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L’Union des coopératives et maraîchers du Burkina (UCOBAM) est une structure qui s’est lancée dans la production et l’exportation des fruits et légumes depuis 1968. Son produit-phare, le haricot vert a fait connaître le Burkina dans le monde entier.

Mais depuis quelques années, elle connaît des difficultés. Des rumeurs ont même fait cas de sa fallite. Pour en savoir davantage, Sidwaya s’est entretenu avec le vice- président de l’UCOBAM, Bassiaka Dao. Il nous parle des difficultés de la structure, des journées fruits et légumes, des chambres froides...

Sidwaya (S.) : Comment se porte l’UCOBAM ?

Bassiaka Dao (B.D.) : L’UCOBAM se porte très bien depuis que la campagne a démarré. Nous avons nos coopératives qui sont en train de travailler sur le terrain. Nous sommes actuellement en pleine exportation vers l’Europe (72 tonnes de haricot vert ont été exportées vers l’Italie).

S. : A l’occasion des journées fruits et légumes, il est maintes fois revenu dans les discours que l’UCOBAM était en "faillite" qu’en est-il réellement ?

B.D. : On ne peut pas mener des activités lorqu’on est en faillite. Nous sommes en train de produire du haricot vert, de la pomme de terre sur beaucoup de périmètres. Nous produisons à Kongoussi, au Sourou, à Bobo-Dioulasso. Nous avons commandé des containers de semences, de plants de pommes de terre depuis la Hollande que nous avons répartis au niveau de nos braves producteurs. Nous avons fait venir des tonnes de semences de haricot vert que les gens sont en train de produire sur le terrain. De ce fait, quand les gens disent que nous sommes en faillite je ne sais pas sur quel diagnostic et sur quel audit ils se sont fondés. Si on était en faillite on n’allait pas pouvoir financer toutes ces activités. L’UCOBAM a certes des difficultés, mais n’est en aucun cas en faillite. Toute société, quelle que soit sa durée de vie, peut traverser un moment de crise. C’est ce que nous vivons. Ces quatres dernières années, nous avons investi plus de 500 millions CFA dans nos coopératives. En retour, les paysans ont touché plus de 500 millions. En dehors de l’UCOBAM, il n’y a pas une structure de ce genre qui emploie un personnel salarié dépassant 20 personnes. Nous avons des ingénieurs, des cadres qui travaillent pour nous et n’ont jamais eu une rupture de salaire.

Il y a certes la libéralisation de la filière qui permet à tout un chacun de se lancer dans la filière. Nous sommes en compétitivité et en concurrence, mais nous ne sommes pas en faillite comme le disent certains. Au moment où l’UCOBAM faisait cavalier seul, tout le monde a vu sa capacité de production. Aujourd’hui, il y a plus de 23 sociétés dans la filière fruits et légumes. Parmi ces sociétés combien ont-il des infrastructures adéquates et un personnel salarié ? Je n’en vois pas beaucoup. Nous, nous sommes chez nous, nous payons l’électricité, nous payons l’eau et nous payons nos employés. Nos détracteurs disent que nous sommes en faillite pour pouvoir s’approprier de nos biens.

S. : Quel est le produit que vous exportez le plus ?

B.D. : Le haricot vert est un produit-phare chez nous. On a connu l’UCOBAM dans le monde entier par le haricot vert. Sinon en dehors de cela, nous exportons bien d’autres choses. Il y a la mangue, la pomme de terre, les confitures ...

S. : Quelle quantité de haricot vert avez-vous exportée vers l’Europe pour la campagne agricole 2003-2004 ?

B.D. : En net, il y a 174 tonnes de haricot vert qui ont été exportées vers l’Europe. Si l’on prend en compte les déclassés et autres, on se retrouve avec une production de plus de 300 tonnes pour la campagne 2003 et 2004. Une bonne partie est vendue localement.

S. : Avez-vous des partenaires fixes en Europe ?

B.D. : UCOBAM est une référence sur le plan international et sous-régional. Raison pour laquelle, tous les producteurs sont motivés et ils soutiennent leur organisation à ce qu’elle progresse. Actuellement nous sommes en train de produire, uniquement pour l’exportation et le marché local. Nous avons des clients en France, en Italie. Le marché international est très vaste.

S. : Qu’est-ce qui a provoqué la chute vertigineuse de l’exportation du haricot vert dans la campagne agricole 2002-2003.

B.D. : Cela provient du fait que depuis les années 93 avec le désengagement de l’Etat et la libéralisation de la filière, on a assisté à la naissance d’exportateurs fictifs. Il y a eu plusieurs opérateurs qui se sont engagés dans la filière. Certains sont venus encore s’installer sur les périmètres de l’UCOBAM. Ils allaient sur le terrain avec de la liquidité au moment où le marché est porteur internationalement, et ils achetaient les produits en se faisant passer pour nos membres. La preuve, tous les gestionnaires qui sont passés au niveau de l’UCOBAM ont ouvert une entreprise concurrente dès qu’ils ont quitté la structure. Nous avons dénoncé cela plusieurs fois. Tous les directeurs qui ont géré l’UCOBAM (puisqu’ils étaient nommés par l’Etat ) en dehors de Anatole Nikiéma, ont créé une entreprise parallèle après leur départ. Ils se sont donc familiarisés avec nos paysans. C’est une des grandes faiblesses, car les producteurs avaient confiance en eux. Donc lorsqu’ils se présentaient sur le terrain avec de l’argent, nos producteurs ne pouvaient pas comprendre. Heureusement, ils ont compris maintenant, car actuellement nous avons voté une loi coopérative allant dans ce sens et que nous sommes en train de vulgariser. Ils doivent savoir que lorsqu’une coopérative les finance, c’est à elle et à elle seule qu’ils doivent livrer leurs productions. Depuis que la crise a commencé, depuis que UCOBAM n’arrive plus à financer un grand nombre de coopératives, toutes ces sociétés qui vivotaient autour d’elle, ont disparu. Il n’y a que l’UCOBAM qui existe toujours et continuera d’exister pour aller de l’avant, parce qu’un grand ne peut jamais devenir petit, même si on cherche à le détruire.

La chute de la production est aussi liée au fait que depuis 92, les gens développent l’idée de la faillite ... de la "faillite déguisée" de l’UCOBAM. Cela a contribué à nous faire perdre la confiance que certains clients avaient en nous. Un client peut par exemple lire sur Internet qu’un ministre ou une autorité du Burkina a affirmé que l’UCOBAM est en faillite. Il ne peut que croire à cela. Pendant cette période, nous mêmes avons eu du mal à engager la campagne. On veut récupérer nos chambres, on dit qu’on est en faillite. Finalement on avait peur de produire. On a eu des difficultés même à convaincre nos paysans. Les clients également ont été méfiants. C’est tout cela qui a fait que nous avons été prudents. Nos clients aussi ont été réticents par rapport au financement. La nouvelle réglementation européenne rentrée en vigueur janvier 2005 y a été également pour quelque chose, en l’occurrence la limite maximale de résidu de pesticides. Les paysans n’étaient pas sûrs de maîtriser les nouvelles règles. Nous avons eu beaucoup de difficultés allant dans ce sens.

S. : Avez-vous été associé à l’organisation de la Journée nationale des fruits et légumes ?

D.B. : Par rapport à cette journée des fruits et légumes, il faut qu’on se dise un certain nombre de vérités criardes. Les responsables sont passés par nous-mêmes représentants au niveau de nos régions pour nous demander d’envoyer nos membres à Ouagadougou pour exposer nos produits à l’occasion de ces journées. Mais en réalité, on n’avait pas compris qu’il s’agissait de promouvoir une nouvelle société concurrente. Dans toutes les régions, on a été saisi par les directeurs régionaux pour participer à ces journées ; on nous a utilisés contre nous-mêmes. La plupart des exposants étaient des producteurs membres de l’Union. Moi-même j’ai été interpellé pour faire partie du jury d’attribution des prix aux lauréats. Mais je ne savais pas exactement sur quoi, la journée était fondée. Ce n’est qu’à l’ouverture de la journée que nous avons su que c’était le lancement de la SOBFEL. Convenez avec moi qu’on ne peut pas contribuer à rehausser la gloire de son concurrent. Mais nous, on nous a obligés à contribuer à cela. C’est une leçon amer que nous venons d’apprendre.

S. : L’idée de la création d’une société mixte telle la SOBFEL n’est-elle pas venue de vous-même, les paysans à Kaya ?

D.B. : Il n’a jamais été question de la SOBFEL à Kaya. Il s’agissait tout simplement de trouver des voies et moyens pour relancer la filière. Pour les paysans, la réorganisation de toutes les coopératives de bases était la condition sine qua non pour relancer la filière. Et cela devait se faire par l’UCOBAM et ses coopératives membres, appuyées de la Confédération et le tout supervisé par la direction de l’Organisation des producteurs.

En effet, tant qu’il n’y a pas de production, il n’y a pas de relance possible. Et même dans la salle du forum, les paysans étaient surpris d’entendre à la lecture des conclusions, qu’ils ont demandé de faire venir des investisseurs privés ayant plus de capacité d’investir sur de grandes superficies. Cela ne concordait pas du tout avec le discours du ministre d’Etat qui disait que la relance de la filière serait source de revenus pour les petits producteurs. Dans un premier temps, ceux qui dirigeaient le forum ont promis de revenir sur les conclusions du forum. Malheureusement on a entendu après que les paysans ont réclamé la création d’une structure. Si c’était le cas, où étaient ces paysans à la création de cette structure ?

S. : Il y avait le représentant des paysans

D.B. : En toute sincérité, lorsque le rapport final a été tiré et envoyé à Claude Ariste, le représentant des paysans, j’étais avec lui. Je lui ai dit qu’il savait bien que ce n’était pas les conclusions du forum. Quand on parle des investisseurs privés, ce sont des actionnaires, ça veut dire que même sa société UFMB est appelée à disparaître.

S. : Vous venez de dire qu’"on veut retirer vos chambres froides", si ces chambres froides sont les vôtres, dites alors comment vous les avez acquises ?

D.B. : Les chambres froides sont les propriétés exclusives de l’UCOBAM. Nous avons des preuves qui datent de la création de l’UCOBAM en 1968. Nous avons construit le premier complexe après la mise en place de l’UVOCAM. Au départ, les paysans ont consenti 10 F sur chaque kg vendu.

Quand la production a augmenté, nous avons eu à travers l’Etat, un financement, "le prêt allemand". C’est ainsi que nous avons pu mettre en place, le complexe n°2. Nous avons eu trois ans pour commencer le remboursement jusqu’à ce que l’Allemagne puisse abandonner son crédit au niveau de l’Etat burkinabè et que l’Etat aussi fasse de même au niveau de l’UVOCAM. Voilà comment l’UCOBAM a acquis ses chambres froides et les a ouvertes à tous. Et le comble, la majeure partie des exportateurs doivent des millions à l’UCOBAM. Ils louent nos chambres et refusent de payer. Lorsque nous interpellons qui de droit pour résoudre le problème, on nous coupe l’électricité et nous sommes mis en demeure. Je ne comprends pas pourquoi on s’acharne à retirer les infrastructures d’une organisation paysanne, alors qu’on crie sur tous les toits qu’il faut renforcer les capacités de gestion des organisations paysannes.

Aujourd’hui même s’il faut réhabiliter les chambres froides de l’UCOBAM comme l’avait déjà approuvé notre conseil d’administration, cette gestion doit être confiée à l’UCOBAM qui est la cheville ouvrière. Si réellement les paysans ont droit à une place dans un Etat de droit comme le Burkina, qu’on laisse à UCOBAM ses infrastructures et qu’elle les loue à tous les acteurs de la filière afin que chacun contribue au développement du monde rural.

Interview réalisée par Fatouma Sophie OUATTARA
Sidwaya

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