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Crise ivoirienne : Pretoria, le dernier rendez-vous de la dernière chance

Publié le mardi 5 avril 2005 à 07h51min

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Alors que le mandat des "forces impartiales", composées de 6 000 casques bleus et 4 000 soldats français de l’opération Licorne, a expiré hier 4 avril, la veille, les frères ennemis ivoiriens se sont de nouveau retrouvés face à face à Pretoria pour tenter une fois de plus de sortir la Côte d’Ivoire du bourbier dans lequel elle s’enfonce chaque jour.

Enième rendez-vous, qualifié de rendez-vous de la dernière chance, même s’il nous souvient qu’on a déjà eu ces rencontres "de la dernière chance", les pourparlers de la capitale sud-africaine tablent sur les questions qui fâchent.

D’abord ces discussions entre pouvoir et Forces nouvelles se déroulent alors qu’à Abidjan, depuis plusieurs semaines déjà, les jeunes patriotes avec à leur tête "le général" Charles Blé Goudé battent le macadam pour exiger le départ de la Force Licorne et le non-renouvellement de son mandat.

Ainsi, ces jeunes, instrumentalisés par le camp présidentiel pour ne pas dire par Gbagbo lui-même, multiplient meetings et sit-in afin d’exiger que les militaires français rejoignent dare dare l’Hexagone, pour ne jamais revenir.

Et pourtant on se rappelle que c’est Laurent Gbagbo qui, au lendemain du coup d’Etat raté du 19 septembre 2002, avait fait appel à ces même marsouins et n’eût été l’intervention de l’armée tricolore, il sait ce qui serait advenu de lui et de son pouvoir.

Du côté de la présidence ivoirienne, l’amnésie semble donc être la règle puisqu’il n’y a pas longtemps, on déclarait à cor et à cri que le pays avait besoin de ces militaires français dans la zone tampon. Même quand, après la "bavure" des Sukhoï, qui a provoqué la mort de 9 de ses soldats ainsi que d’un civil américain, la Licorne a mis Abidjan sous coupe réglée en tirant même sur les manifestants, le camp Gbagbo a tenu un langage conciliant même si la rue clamait "les Français dehors !".

Mais Pretoria sera-t-elle la capitale des solutions à la crise ivoirienne comme ce fut le cas pour celle de la RD-Congo ou du Burundi ? En tout cas dès dimanche 3 avril, les débats ont tout de suite achoppé sur les termes de la lettre que le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a envoyée à chaque responsable de cette réunion, les invitant à faire preuve de hauteur pour parvenir à un modus vivendi.

Et ce qui a provoqué des coulées de salive et d’encre, c’est, comme à l’accoutumée, les problématiques de l’éligibilité (la possibilité pour tous ceux qui le souhaitent de se présenter) et du fameux désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Le tout selon l’esprit et la lettre des Accords de Marcoussis et d’Accra III.

C’est une évidence, ce qui divise la classe politique de Côte d’Ivoire, c’est l’article 35 de la Constitution relatif aux conditions d’éligibilité à la magistrature suprême. On sait que cet article avait été concocté pour "résoudre un problème" (Gbagbo dixit), c’est-à-dire plus prosaïquement pour barrer la route à Alassane Dramane Ouattara, le leader du RDR.

Après la guerre des conjonctions de coordination (et, ou) qui avait cours depuis l’ère Bédié, on était parvenu à un consensus avec un article 35 nouveau, qui stipulait que pour être candidat à la présidence, il fallait être ivoirien "de père ou de mère". Une nouvelle clause qui remet l’ex-et unique Premier ministre d’Houphouët sur la liste des éventuels candidats à la présidentielle d’octobre 2005, si scrutin il y aura.

Le adversaires politiques qui se débattent dans la lagune Ebrié parviendront-ils à s’entendre sur le controversé éventuel référendum, auquel Gbagbo attache du prix, espérant par là éliminer le "mossi" Alassane Dramane Ouédraogo ainsi que certains de ses contempteurs le surnomment ?

Lors du Sommet des chefs d’Etat du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) tenu à Libreville, la possibilité d’un tel référendum avait été, on le sait, envisagée comme "une option" par les présidents, qui apportaient ainsi de l’eau au moulin de leur homologue. Mais est-ce possible dans un pays dont la partition est une réalité ?

A cet article à problème s’ajoute la question du désarmement des Forces nouvelles. A ce sujet, le président ivoirien avait été limpide avant de s’envoler pour Pretoria en déclarant : "Je vais à Pretoria pour obtenir une date précise du désarmement des rebelles". Autant dire que Laurent Gbagbo n’entend pas céder d’un iota, tant que Soro et les siens n’auront pas déposer les armes.

Ces derniers, eux, ne l’entendent pas de cette oreille, tant que les textes législatifs n’auront pas été adoptés, et le référendum exclu. C’est donc une véritable quadrature du cercle que le médiateur de l’UA, Thabo Mbeki, devra résoudre.

En tout cas, à l’heure ou nous traçions ces lignes, du côté de l’Afrique du Sud, l’optimisme était de mise et certains ont cru percevoir des "progrès", c’est-à-dire des propositions concrètes pour le retour de la paix dans ce pays. Mais on en a tellement vu, des "progrès", qu’on ne sait plus à quel Ivoirien se vouer.

Cet optimisme est d’ailleurs tempéré par certains faits, notamment l’invite que la Grande-Bretagne a faite à ses ressortissants de quitter le territoire ivoirien si leur présence n’y est pas indispensable. Mieux, la représentation diplomatique s’apprête à fermer ses portes.

Quand on connaît le sérieux de ces diplomates, on peut imaginer qu’une telle décision n’a pas été prise à la légère, et qui sait si les sujets de sa grâcieuse majesté ne sentent pas le roussi venir et veulent éviter à leurs ressortissants de vivre des heures difficiles.

En termes clairs, ça pourrait "cailler" à nouveau dans les prochaines semaines ! Il faut donc espérer que de retour de Pretoria, chaque camp tempère son ardeur dans cette crise qui se banalise, car la Côte d’Ivoire vaut bien la mise en sourdine des ego personnels.

Z. Dieudonné Zoungrana
L’Observateur

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